“O Monolith” de Squid : bienvenue dans la quatrième dimension du son

Passé, présent et futur ne font qu’un. C’est du moins l’une des hypothèses d’Einstein, pour qui ces distinctions du temps seraient susceptibles de coexister, ouvrant ainsi la porte à une quatrième dimension et une possible voie vers l’éternité....

“O Monolith” de Squid : bienvenue dans la quatrième dimension du son

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Passé, présent et futur ne font qu’un. C’est du moins l’une des hypothèses d’Einstein, pour qui ces distinctions du temps seraient susceptibles de coexister, ouvrant ainsi la porte à une quatrième dimension et une possible voie vers l’éternité. Difficile de dire si Ollie Judge, batteur-chanteur de Squid, et le reste de la bande se sont pris de passion pour ces concepts de cosmologie.

Mais à l’écoute des huit morceaux de l’imposant O Monolith, digne successeur de Bright Green Field (2021), tout porte à croire que les Anglais ont mis un point d’honneur à provoquer la perte de repères et chambouler les marqueurs spatio-temporels.

Sur Swing (In a Dream), parfaite introduction à la grandeur et aux angoisses des quarante minutes à suivre, Ollie Judge s’élance en plein cauchemar. Il chante les louanges des courbes rococo, référence au décor bucolique des Hasards heureux de l’escarpolette, toile peinte par Fragonard au XVIIIe siècle, engloutie sous les eaux et dans un rêve où s’abat déjà la menace climatique contemporaine. L’heure n’est pas à l’optimisme. L’issue d’O Monolith semble condamnée, en étau entre force tellurique et maelström sonore.

Squid s’est efforcé d’assurer la mutation de ses bases postpunk/Krautrock

Fruit de nombreuses improvisations sur scène, le disque a été mis en boîte dans les studios d’enregistrement de Peter Gabriel, situés à une quarantaine de bornes de Stonehenge, au sud-ouest de l’Angleterre. Sur place, Squid s’est efforcé d’assurer la mutation de ses bases postpunk/Krautrock teintées de cuivres pour expérimenter davantage et se donner les moyens de son ambition, en prêtant allégeance aux autres sorcier·ères du son du royaume : Kate Bush et Peter Gabriel notamment pour le recours à l’échantillonneur d’antan Fairlight CMI.

On pense aussi à Radiohead, ses pulsations et manipulations instrumentales (l’incendiaire The Blades), Robert Wyatt pour la liberté formelle et le versant jazz, ou Pink Floyd avec ces chœurs singuliers, comme piochés sur Atom Heart Mother et l’exception française Magma, pour cette furieuse envie de rock prog et de messes Zeuhl (la superbe Siphon Song et l’étonnant morceau final).

À l’image des mégalithes légendaires du Wiltshire ou des mystérieux blocs noirs filmés à travers les âges par Stanley Kubrick, O Monolith se dévoile en objet mystique et magnétique. Et comme toute théorie métaphysique, il fascine autant qu’il interroge. Bienvenue dans la quatrième dimension.

O Monolith (Warp/Kuroneko). Sortie le 9 juin. Concert à l’Élysée-Montmartre, Paris, le 25 septembre.