On a classé les 11 films de Quentin Dupieux

11. Rubber (2010) Sensation indé-cool à sa sortie, coquettement référencé (dans la lignée d’un sous-genre de films d’objets tueurs : Duel, Christine…), Rubber pose les jalons de la période californienne de Dupieux : pose weird, colorimétrie...

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11. Rubber (2010)

Sensation indé-cool à sa sortie, coquettement référencé (dans la lignée d’un sous-genre de films d’objets tueurs : Duel, Christine…), Rubber pose les jalons de la période californienne de Dupieux : pose weird, colorimétrie désaturée, production légère (la frénésie du Canon 5D a commencé ici)… Mais il souffre mal l’épreuve du temps : treize ans plus tard, difficile d’y voir plus qu’une incongruité conceptuelle.

10. Wrong (2012)

Dupieux étoffe sa palette nonsense avec un film plus ouvragé, sorte d’Alice troquant le pays des merveilles pour une suburbia américaine instagrammable, affichant clairement – voire lestement – ses velléités d’héritier de Buñuel, Blier et Resnais. Plus abouti que Rubber, le film s’enlise tout de même rapidement dans sa gratuité hallucinogène, et tourne quelque peu à vide.

9. Incroyable mais vrai (2022)

D’un côté peut-être ce que le réalisateur a fait de plus subtilement drôle en matière de comédie critique de la normalité (un impressionnant travail de jeu et de texte sur la médiocrité conjugale, l’incommunication, la quotidienneté) mais aussi de l’autre son film le plus rétrograde, à travers une parabole sur la peur du vieillissement qui vire au manifeste néo-beauf (les gonzesses sont superficielles, le bonheur c’est aller à la pêche avec son chien).

8. Fumer fait tousser (2022)

Dupieux n’est-il finalement pas le plus tranquillement à l’aise dans le format du film à sketches ? Sans doute, ce qui est l’atout mais aussi la limite de ce film foisonnant, digressif et généreux où le cinéaste se plaît à ne rien finir, à s’amuser sur des ébauches, à expérimenter des bouts d’idée et de personnages avec des acteurs comiques de génie sur qui il se repose tout de même beaucoup. Un joyeux bordel, pas tout à fait un film.

7. Au poste ! (2018)

Le film des retrouvailles avec la France, et donc des souvenirs d’enfance : le décor formica eighties, le beige, les Gitanes, le polar à la papa, Blier (Buffet froid), Miller (Garde à vue), tout ceci se catapulte dans le huis clos d’un interrogatoire policier où règne Poelvoorde et où l’art de Dupieux se fait aussi plus sombre, moins poseur.

6. Wrong Cops (2013)

Collection de saynètes potaches, sexuelles ou gores unifiées par la figure du flic pourri, avec un côté bande dessinée Fluide Glacial (type Edika) pour la joyeuse débauche de trash gratuit. Le casting est d’un goût très raffiné pour le rire bizarre (Eric Wareheim, Steve Little, Jon Lajoie) et, mine de rien, une certaine critique sociale se fait sentir dans ce bac à sable à la lisière (et seulement la lisière) du nonsense, qui ne perd jamais de vue son sujet, la police.

5. Yannick (2023)

Film à part, où Dupieux se dépare des forces connues de son cinéma (l’absurde, le fantastique…) pour donner corps, à nu, à une révolte contre la culture bourgeoise (représentée par une caricature de théâtre de boulevard) initiée par un spectateur séditieux qui ne lui pardonne plus son nombrillisme et ne tient plus dans sa passivité. Une rébellion qui a sûrement fait mouche avec un ras-le-bol de son temps (ce que l’excellent démarrage du film confirme).

4. Mandibules (2020)

En réunissant le tandem du Palmashow, Dupieux retrouve d’une certaine manière déjà les States avec un film d’idiots farrellien (Dumb et Dumber) ou mckayen (Frangins malgré eux) dans une côte d’Azur aux airs de Californie. C’est l’explosion de la Dupieux-mania chez les acteurs français : après cette pantalonnade qui dévoile le talent comique d’Exarchopoulos, tout le star system brûle de passer devant sa caméra. 

3. Le Daim (2019)

Dupieux retourne sa lentille : il ne filme plus un personnage normal confronté à un monde déréglé. C’est le personnage qui est fou, dans un décor de “pays réel” (une France profonde nichée dans une vallée pyrénéenne) où le nonsense dupieusien se renouvelle sous un jour borgne et obtus : un film qui ne s’explique pas, qui ne s’excuse pas, comme une sorte de nouvelle sadique, gratuite et grimaçante.

2. Steak (2007)

Seul véritable “film culte” de Dupieux, pour quelques répliques et motifs entrés au panthéon pop culturel (“Chivers”, “le dernier arrivé est fan de Phil Collins”…), Steak est aussi et surtout une impeccable parabole dystopique mêlant passé (une vieille mythologie américaine des gangs de bellâtres à la Grease ou Outsiders) et futur (un cauchemar post-humain de chirurgie esthétique) dans une satire géniale sur la tyrannie du cool. Meilleur film d’Eric et Ramzy.

1. Réalité (2014)

Sans transiger sur la brièveté (1h27) Dupieux explose ses ambitions. Les intrigues – une fillette obsédée par une VHS cachée dans l’estomac d’un sanglier, un caméraman de télé rêvant de réaliser un film gore, un présentateur frappé de crises urticantes, un directeur d’école transformiste – s’enchâssent les unes aux autres par des voies irrationnelles – la fiction que tourne un personnage, le rêve fait par un autre, s’agencent comme une seule et même réalité, sans couture apparente. Dupieux ne se pose plus à distance de sa bizarrerie, mais se noie dedans et perd pied. L’entêtante Music with Changing Parts de Philip Glass (seule fois, avec le Jon Santo d’Incroyable mais vrai, où le cinéaste a fait appel au répertoire d’avant-garde et non à des homologues electro ou pop de sa génération) n’est pas pour rien dans la transe qui se dégage du résultat.