On a classé les films de Scorsese avec Leonardo DiCaprio

5. Le Loup de Wall Street (2013) Les gangsters en Stetson et costume rayé n’ont pas disparu, ils ont simplement été délocalisés de Little Italy aux trading desks de Wall Street. Voilà le constat amer fait par Scorsese qui adapte ici les mémoires...

On a classé les films de Scorsese avec Leonardo DiCaprio

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5. Le Loup de Wall Street (2013)

Les gangsters en Stetson et costume rayé n’ont pas disparu, ils ont simplement été délocalisés de Little Italy aux trading desks de Wall Street. Voilà le constat amer fait par Scorsese qui adapte ici les mémoires du golden-boy Jordan Belfort. Rejouant le grand rise and fall scorsesien sous le mode de la satire (pastichant même son propre cinéma), le cinéaste scrute ce milieu qu’il filme comme un grand cirque fellinien, tout en décadence, vulgarité et bêtise crasse.

Si l’on reste un peu de marbre devant cette grande essoreuse jouée pendant 3h à 220bpm, la grande invention du film est de faire naître DiCaprio en tant que corps burlesque. Jouant à merveille avec l’élasticité de son acteur, Scorsese vomit de bout en bout ce petit îlot de la finance, mais maintient parfaitement intact sa fascination pour l’acteur.  

4. Gangs of New York (2002) 

Lorsque Leonardo DiCaprio apparaît dans sa 1ère collaboration avec Scorsese, le jeune comédien de 28 ans porte en lui tout un inconscient incarné aussi bien par son physique de gendre idéal que par l’imaginaire déployé par ses précédents rôles. Il y a quelque chose de l’évidence à voir offrir à ses traits juvéniles et angéliques, symboles d’une pureté encore immaculée, à ce grand romantique sacrifié au nom de l’amour que le cinéma a fabriqué (Titanic, Romeo + Juliet), la figure de contrechamp à l’astre bilieux et névrosé incarné par Daniel Day Lewis.

Film le plus épique du cinéaste new-yorkais narrant les sédiments d’une ville fondée sur le crime et la violence, Gangs of New York est toutefois entaché par une stylisation sursaturée et une présence outrancièrement performative de Day Lewis. L’acteur semble vouloir porter le film seul sur ses épaules. Une collaboration dont on imagine, par ailleurs, l’immense influence qu’elle a eue sur la carrière de DiCaprio au contact d’un des modèles les plus célébrés de l’Actors studio : suivre ses pas et salir son image de playboy en incarnant des rôles plus ténébreux et complexes.

3. Shutter Island (2010)

Semblant davantage appartenir à un terrain d’expérimentation (déjà opéré maladroitement dans Les Nerfs à vifs) plutôt qu’à travailler la continuité d’une œuvre, Shutter Island a tout d’un objet mineur de façade. Aussi bien formellement (une étrange hybridation entre le gothique de studio, des angles allemands façon Caligari, le film noir des années 1940, les 1ers Hitchcock, le cinéma de Dario Argento…) que thématiquement, le film diffère des récits de Scorsese en présentant un personnage pris en otage par son propre traumatisme.

Shutter Island reste pour nous l’une des sorties de route les plus fascinantes du cinéma de Scorsese. Le cinéaste livre une inversion sinistre et tragique de l’axiome philosophique de Matrix, que le cinéaste organise comme la défaite totale d’un DiCaprio rarement vu aussi déchirant.

2. Aviator (2004)

Grande étape qui ouvre une nouvelle brèche dans la filmographie de DiCaprio, Aviator semble aussi un moment charnière dans l’œuvre de Scorsese. Il dissipe la violence expressionniste de sa mise en scène au profit d’un cinéma plus mental. Sûrement marqué par l’échec commercial de Gangs of New York, Scorsese met à jour ses motifs formels : le rythme déchaîné et les mouvements de caméras baroques de l’auteur de Casino laissent ainsi place à une certaine accalmie, à une décélération globale. Un recentrage de la forme qui semble mis au service d’un DiCaprio éblouissant, qui façonne Howard Hugues en un monstre de névrose.

Si cette noirceur était déjà au travail dans la jeune filmographie de DiCaprio (notamment dans l’attachant nanar L’homme au masque de fer où le comédien joue simultanément un martyr et son bourreau), le comédien est saisissant en être facturé. Il retranscrit avec virtuosité les vicissitudes mentales de son personnage. DiCaprio vient de tuer Jack, Scorsese renforce, lui, un peu plus sa place dans le patrimoine culturel américain.

1. Les Infiltrés (2006)

Dans ce remake du film hongkongais Infernal Affairs, le réalisateur délaisse les codes d’un genre pour mieux regarder la mafia sous un autre angle (un polar plutôt qu’un film de gangster, Boston plutôt que New York). De la figure du gangster, Scorsese n’en garde que des lointains fantômes, redéployés et démystifiés au profit d’un fascinant et troublant jeu de miroirs et de masques. Toute vérité est à remettre en question. Personne n’est ce qu’il prétend être. Trouvant dans les spécificités du thriller une cure de jouvence, la mise en scène de Scorsese s’adonne à une pure machine de suspens où la technicité avec laquelle le récit est mené atteint des vertiges de perversion. Après deux films d’époque, Scorsese se reconnecte au contemporain et livre le portrait aussi jubilatoire que glacial d’un pays qui pourrit de l’intérieur et dont la corruption s’est infiltrée au sein même des institutions américaines les plus respectées. Selon nous, le sommet inégalé du duo Scorsese/DiCaprio.