On a rencontré Promesses, le label fait main qui se joue des frontières musicales

Winnterzuko, Abel31, Lazza Gio, Tommy Moisi, parmi d’autres… Avec ces artistes dans son catalogue, le label et collectif de DJ Promesses est l’une des structures françaises les plus défricheuses du moment. Évoluant entre l’intensité urbaine...

On a rencontré Promesses, le label fait main qui se joue des frontières musicales

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Winnterzuko, Abel31, Lazza Gio, Tommy Moisi, parmi d’autres… Avec ces artistes dans son catalogue, le label et collectif de DJ Promesses est l’une des structures françaises les plus défricheuses du moment.

Évoluant entre l’intensité urbaine de Paris et les courants arty de Bruxelles, le duo bâtit des ponts entre des styles aussi différents que l’hyperpop, le digicore, le reggaeton ou encore l’electro la plus pointue. Et il suffit de se rendre à l’une de leurs soirées, qui affichent toujours complet, pour comprendre que Raphaël Hardi et Samuel Blazy manquent rarement leur cible.

Aux 1ers instants de notre rencontre, à l’occasion d’un verre au bord du canal Saint-Martin, à Paris, les deux garçons expliquent sortir d’un rendez-vous où ils apprenaient à se professionnaliser. “De base, on a une (non-)formation de label de niche, qui sort de la musique de façon artisanale, à son échelle. Mais on aimerait pouvoir en vivre, et ça revient à faire des choix compliqués ; pour continuer à aimer ce que l’on fait sans avoir un fonctionnement trop normé et industriel.”

Écouter de tout

Avec leur sens soigné de l’esthétique, Raphaël et Samuel explorent l’hybridation et ne se refusent rien. Comme en témoigne l’hétérogénéité de leur catalogue : “En tant que DJ, on ne joue pas tout le temps la même chose. On ne cherche pas forcément à être cohérents à 100 % dans la musique qu’on produit. Et on ne se fixe pas d’interdits. En fait, il y a une cohérence, de par nos goûts, mais elle n’est pas intellectualisée.”

Ils réussissent à garder une ligne directrice, en 1er lieu grâce à leurs visuels

Comme tous·tes les enfants d’internet, les deux fondateurs de Promesses ont cette capacité à écouter de tout, sortent aussi bien des compilations au format XXL et des albums de hérauts du digicore que les projets du Sud-Africain DJ Call Me ou du musicien expérimental français Sébastien Forrester. Mais ils réussissent à garder une ligne directrice, en 1er lieu grâce à leurs visuels, toujours très étudiés.

“On est assez confiants sur l’identité du label, détaille Samuel. Raphaël a fait des études de communication visuelle et moi, les Beaux-Arts. Nos pochettes sont par exemple toujours un scan de l’objet physique. Ça amène une cohérence visuelle par le ‘faire’, un grain.”

Cristallisant le travail d’une scène biberonnée par les écrans et les logiciels, produisant une musique taillée pour une écoute dématérialisée, Samuel et Raphaël imposent pourtant toujours une sortie physique aux artistes. C’est d’ailleurs la seule contrainte qu’ils leur fixent.

De l’ordinateur à l’atelier

Réalisés de manière artisanale à l’atelier de Samuel, les formats varient en fonction de chaque sortie : vinyles à pochettes risographiées, cassettes, clés USB, CD… Aucun interdit et une façon de faire qui tranche avec le côté hyper-numérique de certains albums.

“Potentiellement, une grande partie de ce qui est sur internet peut disparaître. Et on est attachés à la notion d’archivage. Explorer une scène – par exemple ce qui se passe sur le SoundCloud brésilien – sera peut-être compliqué dans dix ans. Il est possible que les profils des artistes aient disparu. Donc, ça nous arrive de nous prendre la tête sur un objet – ce qui peut paraître anachronique. On a par exemple passé deux semaines sur la fabrication de la pochette risographiée de Winnterzuko, parce qu’il y a plein de pliages, de collages et d’impressions à faire. [rires] Mais ça vaut le coup.”

“Pour nous, c’est en faisant les choses soi-même qu’on peut arriver à un résultat différent”

Aujourd’hui, alors que le modèle de l’artiste-entrepreneur·e occupe de plus en plus de place dans le monde de la musique, que les frontières entre les styles s’effritent, la réponse à la question que se posent beaucoup de labels, “qu’ai-je à apporter à l’artiste que je produis ?”, se trouve peut-être là.

Promesses, dont le logo s’inspire du flyer d’un marabout (“parce que les marabouts font référence à quelque chose de populaire, à des endroits comme Barbès [quartier du XVIIIe arrondissement], et qu’en termes de publicité, on aime se situer dans un registre très direct, ‘de rue’”), en dessine certains contours, personnels. “Pour nous, c’est en faisant les choses soi-même qu’on peut arriver à un résultat différent. Comprendre et chercher notre économie, nos moyens de production, pour aller vers la liberté et l’indépendance.”

Cette année, les deux potes sortiront une flopée de disques, qui feront à coup sûr causer d’eux. En 1er lieu, un EP de Lazza Gio, révélation bruxelloise de ces derniers mois, qui partage une pop nocturne et troublée. Mais aussi les projets de noms bien connus de l’underground parisien, qui naviguent entre pop auto-tunée et musique de club : Tim Karbon, Samos, Tommy Moisi, Amor Fati. Enfin, pour continuer d’explorer les alcôves du web, une nouvelle compilation. On a hâte.