Oscars 2023 : la revanche des salles face aux plateformes ?

En musique, la coda est l’ultime mouvement concluant un morceau. Mais c’est aussi, dans un tout autre champ lexical, l’acronyme anglais pour “Child Of Deaf Adult“ (enfant d’adulte sourd), qui a donné son nom à un fameux film de 2021, distribué...

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En musique, la coda est l’ultime mouvement concluant un morceau. Mais c’est aussi, dans un tout autre champ lexical, l’acronyme anglais pour “Child Of Deaf Adult“ (enfant d’adulte sourd), qui a donné son nom à un fameux film de 2021, distribué sur Apple+ et dont le sacre aux Oscars – conjointement au film de Jane Campion The Power of the Dog, distribué sur Netflix – semblait entériner la victoire nette des plateformes sur les cinémas.

Coda, ou la coda des salles obscures ? C’est ce qu’on a pu croire en 2022, dans un contexte particulièrement déprimé pour l’exploitation cinématographique traditionnelle. Pourtant, dès le printemps, des signaux contradictoires ont commencé à s’accumuler : d’abord le succès inespéré, aux États-Unis, de ce drôle de prototype qu’est Everything Everywhere All at Once, puis le succès espéré mais néanmoins gigantesque de Top Gun: Maverick. La saison des Oscars, qui a commencé ces dernières semaines et se conclura le 12 mars par une cérémonie à nouveau présentée par l’immarcescible Jimmy Kimmel, semble elle aussi porteuse de bonnes nouvelles pour le grand écran.

En effet, la plupart des films pressentis pour l’instant sont ou vont sortir en salles. Tandis que les plateformes, elles, peinent à avancer leurs pions cette année. Les nominations ne seront connues que le 24 janvier et rien n’est encore gravé dans le marbre, mais on commence à avoir une idée des favoris, notamment après la publication ce 21 décembre des shortlists d’une dizaine de catégories secondaires (techniques, documentaires, animation, international…). Il existe en outre une litanie de compétitions plus ou moins prestigieuses qui mènent à la cérémonie finale des Oscars et indiquent les tendances tout au long de l’hiver.

Il est à noter que les Golden Globes, qui avaient été mis au ban de l’industrie en 2021 suite à une série de scandales – notamment à cause de l’absence de noir·es parmi la centaine de critiques étranger·ères qui composent son comité de votant·es –, se voient offrir une seconde chance par leur diffuseur, NBC, qui retransmettra la cérémonie le 10 janvier. C’est le comédien de stand up Jerrod Carmichael qui la présentera, et il sera intéressant de voir si les nommé·es ayant appelé l’an dernier au boycott (Tom Cruise, Brendan Fraser) y feront le déplacement.

Plusieurs favoris déjà pressentis

Dans les catégories reines (meilleur film, réalisation, acteur et actrice), les favori·tes sont donc le hit multiversel Everything Everywhere All at Once (et notamment le formidable Ke Huy Quan qui semble bien parti pour gagner la statuette du meilleur rôle secondaire, 27 ans après les Goonies), la sublime méditation autobiographique de Steven Spielberg The Fabelmans, l’anti-buddy movie irlandais Les Banshees d’Inisherin de Martin McDonagh, Tár, le drame arty avec Cate Blanchett en cheffe d’orchestre et Babylon, la reconstitution rutilante, par Damien Chazelle, des fastes hollywoodiens de la fin des années 1920 au début des années 1930.

Derrière, on s’attend à ce qu’Avatar 2 fasse une razzia sur les Oscars techniques, qu’il pourrait toutefois partager avec Top Gun 2, Black Panther 2, The Batman, Elvis et et blockbuster anticolonial indien RRR, aux scènes d’action prodigieuses. Une poignée de films à sujet écrits et/ou réalisés par des femmes pourraient aussi tirer leur épingle du jeu : She Said (sur l’affaire Weinstein), Women Talking (sur les abus sexuels dans l’Église) ou encore Emmett Till (sur ce garçon de 14 ans lynché dans le Mississippi en 1955). Enfin, quelques billes sont mises sur The Whale, The Inspection, Vivre et Aftersun, quatre drames offrant des rôles hautement oscarisables à leur acteurs, respectivement Brendan Fraser, Jeremy Pope, Bill Nighy et Paul Mescal.

Des plateformes en perte de vitesse

Face à ces films qui sont tous sortis exclusivement en salle – sans nécessairement y rapporter beaucoup d’argent d’ailleurs, à l’instar de The Fabelmans qui fait un démarrage catastrophique –, les streamers peinent à imposer leurs titres dans les listes des bookmakers. Netflix part au combat avec quelques atouts dans sa manche mais aucun joker : Bardo, du multi-oscarisé Alejandro Gonzalez Iñárritu, et À l’Ouest, rien de nouveau ont leur chance dans la catégorie film international, tandis que Blonde (Andrew Dominik), Pinocchio (Guillermo Del Toro) et Glass Onion, la suite d’À couteaux tirés, glaneront peut-être quelques nominations techniques.

Amazon a tout misé sur le drame d’aventure réalisé par Ron Howard, Treize vies, qui explique le sauvetage d’adolescents coincés dans un souterrain inondé en Thaïlande en 2018 mais peine à faire le buzz. Quant à Apple+, ils n’ont dans leur besace que le drame sur l’esclavage Emancipation avec… un Will Smith interdit de cérémonie pendant dix ans. Bref, tout ceci présage d’une année de vaches maigres pour les plateformes.

Faut-il en tirer des conclusions définitives sur l’état général de l’industrie ? Les Oscars ne sont qu’un indicateur parmi d’autres, qui pèse beaucoup moins que la froide vérité des chiffres. Mais précisément : celle-ci n’est pas favorable aux streamers ces temps-ci. Tout indique que la “Peak TV a connu son pic”, comme l’écrivait ce 18 décembre le New York Times, et les mois à venir s’annoncent difficiles pour ces nouveaux acteurs. Quant à la fréquentation en salles, si elle n’a pas retrouvé son niveau pré-Covid-19, elle remonte doucement la pente, y compris en France. Aussi, il n’est pas interdit de voir là une résistance de ce vieux rêve éveillé qui bouge encore et qu’on appelle cinéma.

Une catégorie à suivre : l’Oscar du meilleur film international

Un dernier mot sur l’Oscar du meilleur film international, dont la shortlist de quinze films se dévoile toujours un passionnant baromètre de la cinéphilie festivalière passée au tamis du goût américain. Selon la liste de prédictions de Variety (qui fait souvent office d’oracle), le favori cette année est Close du Belge Lukas Dhont.

Bête de compétition qui a notamment reçu un Grand Prix à Cannes, ce drame larmoyant mais suffisamment élégant a toutes les chances de séduire les votant·es de l’Académie, tout en réaffirmant la mainmise de Thierry Frémaux sur cet Oscar depuis une décennie. Sur les dix derniers gagnants, huit ont été montrés ou récompensés à Cannes ; et sur les quinze films retenus cette années dans la shortlist, neuf sont passés par la Croisette.

Ce n’est cependant pas le cas du représentant français, le superbe Saint Omer d’Alice Diop, Lion d’argent à Venise et dans la shortlist des quinze films encore en lice. C’est en revanche le cas de Retour à Séoul de Davy Chou, un autre film français étrenné à Un Certain Regard et concourant aux Oscars sous pavillon cambodgien (la deuxième nationalité de son réalisateur). Défendu dans nos colonnes lors du festival, le film vient de sortir aux États-Unis (il faudra attendre le 25 janvier en France) et y bénéficie d’un buzz critique fulgurant. Il a notamment été élu meilleur film de l’année par la Boston Society of Film Critics et a reçu le New Generation Award des critiques de Los Angeles (une sorte de Prix Delluc West Coast). Sa présence dans la liste finale aux côtés de Saint Omer et de Close (coproduit par la France) serait là aussi un beau signe : celui de la vitalité artistique de notre industrie si décriée ces temps-ci.