Oscars : issu d’un jeu vidéo, “Colette” n’est pas un récit de résistant classique
“Je n’ai jamais accepté de faire la tournée des camps parce que le tourisme morbide ça ne m’intéresse pas.” Colette Marin-Catherine est une ancienne résistante de 92 ans. Ces mots, elle les prononce à l’adresse de Lucie Fouble, une apprentie...
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“Je n’ai jamais accepté de faire la tournée des camps parce que le tourisme morbide ça ne m’intéresse pas.” Colette Marin-Catherine est une ancienne résistante de 92 ans. Ces mots, elle les prononce à l’adresse de Lucie Fouble, une apprentie historienne de 17 ans. Ensemble, elles suivent le chemin éprouvant du souvenir, sur les traces de Jean-Pierre Catherine, frère de Colette, jusqu’à l’ancien camp de concentration allemand où il a été tué par les nazis plus de 75 ans auparavant.
Si l’apparence “classique” du documentaire peut paraître familière, ce qui étonne, en revanche, est le cadre de sa création. Réalisé par Anthony Giacchino (également derrière Camden 28, un docu sur des activistes anti-Vietnam durant la guerre), le film était destiné à être un simple supplément historique du jeu vidéo en réalité virtuelle Medal of Honor: Above and Beyond (publié en décembre 2020). Mais il est allé bien au-delà. Après avoir été diffusé en amont de la sortie du jeu à travers The Guardian, comme le fait remarquer Le Monde, il a attiré l’œil de l’organisation qui décerne les oscars. Et le voilà récompensé lors de la 93e édition de la cérémonie, désigné meilleur court-métrage documentaire de 2021.
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Confronter la douleur
Alors qu’elle s’apprête à mettre les pieds dans l’ancien camp de Nordhausen-Dora, Colette commente : “Si la colline pouvait causer, je pense qu’on entendrait des hurlements.” Destiné à la fabrication de missiles V2, le lieu finit par devenir un camp de concentration en 1944. Jean-Pierre y arrive le 11 février 1945 et n’en sortira plus. Il y meurt le 22 mars, trois semaines avant que les troupes américaines arrivent.
Dormant à même le sol, travaillant sans répit à la fabrication de bombes redoutables (ensuite précipitées sur les populations civiles), le résistant français a laissé peu de traces de lui. Peu proche de son frère, Colette garde néanmoins un souvenir douloureux du sort de celui-ci, portant sa mémoire bravement, prenant à bras-le-corps les souvenirs qui ressurgissent. C’est ce que le documentaire semble mettre en scène : une résistante à l’affront de ses souvenirs personnels mêlés à ceux de l’Histoire.
Un devoir de mémoire
Lucie, elle, découvre le camp de concentration avec un regard différent, le voit plutôt comme un site archéologique à étudier. L’étudiante en histoire planche sur un dictionnaire biographique des 9000 déportés de France étant passés par Nordhausen-Dora. Son travail porte particulièrement sur Jean-Pierre Catherine, dont la fiche de renseignement ne contient aucune photo de lui. Et c’est ainsi que la jeune femme est partie à la rencontre d’une mémoire vivante, Colette. Elle passe plusieurs jours à ses côtés, afin de mener son enquête sur l’homme sans visage.
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Le format du documentaire, court et simple, allant à l’essentiel, est intéressant de ce point de vue-là : porter un regard neuf sur un épisode monstrueux de l’Histoire, alimenté par les recherches d’une nouvelle génération d’historiens.
Transmette la mémoire
Malgré le décalage marqué par le ton un peu naïf de la jeune étudiante en histoire, et la mise en scène parfois trop appuyée, le documentaire reste assez sobre. Nous suivons les deux femmes, bras-dessus bras-dessous, arpentant l’ancien camp désormais recouvert par la végétation (comme s’il était prêt à être oublié), et affrontant les souvenirs du frère disparu, et de tout un temps, sur les restes rouillés des missiles de guerre. La relation filiale qui s’instaure entre elles est spontanée et touchante. Colette, qui appelle Lucie ”ma petite fille”, finit par léguer à celle-ci un bien des plus précieux : le dernier objet-souvenir de son frère, Jean-Pierre, qu’elle a en sa possession. Il s’agit d’une bague fabriquée par celui-ci lorsqu’il était dans ce même camp nazi, dont les gravures restent inachevées. Ce geste vient comme pour signifier une transmission de la mémoire, d’une génération à une autre. Et c’est probablement le fond de ce court-métrage : ne pas oublier l’horreur, malgré les années qui passent.