“Out of the blue”, le manifeste punk de Dennis Hopper de retour en version restaurée

Il aura fallu 10 ans à Dennis Hopper pour repasser derrière la caméra après l’échec retentissant de The Last Movie, film fou et erratique, testament du Nouvel Hollywood, dont le titre crépusculaire faillit bien s’avérer prophétique. Engagé...

“Out of the blue”, le manifeste punk de Dennis Hopper de retour en version restaurée

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Il aura fallu 10 ans à Dennis Hopper pour repasser derrière la caméra après l’échec retentissant de The Last Movie, film fou et erratique, testament du Nouvel Hollywood, dont le titre crépusculaire faillit bien s’avérer prophétique.

Engagé en 1980 sur CeBe, film canadien dont le réalisateur initial fut remercié par la production, Hopper réécrit le scénario en un week-end et transmute ce qui devait être un drame familial avec une ado à problèmes sauvée par un gentil psychanalyste en un manifeste punk profondément désenchanté. On y suit Cyndy Barnes, surnommée CeBe (Linda Manz, incroyable de justesse), adolescente perturbée dont le père (Hopper himself), routier alcoolique, est emprisonné 5 ans après avoir percuté un bus scolaire avec son camion, causant la mort de plusieurs enfants, et dont la mère (Sharon Farrell), héroïnomane, soigne son mal-être dans les bras d’amants toxiques.

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Je hais les hommes

Dans ce coin déshérité d’Amérique du Nord, invariablement gris et triste, Hopper filme avec grâce et noirceur une sorte d’Americana déviant et malade, un monde en vase-clos pris dans les volutes d’un rêve post-hippie encore fumant qui aurait fini par virer au cauchemar, comme un prolongement dépressif d’Easy Rider, et de ce qu’auraient pu devenir certains de ses personnages au crépuscule des années 1970.  CeBe trouve refuge à cette morosité ambiante dans le punk, qui devient, plus qu’un genre musical, sa manière d’être au monde, une doctrine autant qu’un code de conduite. Fugueuse, elle erre dans la ville jusqu’au petit matin, squatte des salles de concert remplies de misfits qui, comme elle, trouvent dans le punk l’expression outrée de leur désespoir.

Manifeste punk, Out of the blue est aussi un grand film féministe, à la misandrie assumée, dans lequel CeBe, jeune fille tomboy masque les attributs physiques de son genre sous un look androgyne, mais reste un objet de désir pour des hommes plus âgés, invariablement dépravés, pareillement dégueulasses. “Je hais les hommes”, répétera-t-elle dans la séquence finale du film, aussi scandaleuse que tétanisante.

My My, Hey Hey

Présenté à Cannes en 1980 sous le titre français Garçonne, Out of the blue s’offre une version restaurée sublime qui fait honneur à la mise en scène gracile de Hopper. Comme un contre-point à la noirceur charbonneuse qui contamine le film par strates successives, comme un remède au désespoir qui terrasse ses personnages, Hopper saisit avec grâce une poignée d’instants suspendus ; de l’errance urbaine de CeBe dans le bleu vague de l’aube naissante au ballet des mouettes dansant par centaines autour d’une pelleteuse dans les décombres d’une décharge. Le tout sublimé par la voix lancinante et cafardeuse de Neil Young (grand ami de Hopper) dont le morceau My My, Hey Hey (Out of the blue) donna au film son titre original, et lui sert de leitmotiv.

Perle noire de la courte filmographie (derrière la caméra) de Dennis Hopper, Out of the blue est peut-être son plus beau film, sans doute le plus désespéré, mais donne à voir, par petites touches, le flot de beauté qui sommeille sous une fange épaisse.

Out of the blue de Dennis Hopper, reprise en salles le 10 novembre 2021