Palestine / Israël: après le cessez-le-feu à Gaza, quel vainqueur?

MOYEN ORIENT - “Dans une guerre, même si chaque camp peut se déclarer vainqueur, il n’y a pas de gagnant, uniquement des perdants.” Jeudi 20 mai, après onze jours d’affrontements entre les différentes entités palestiniennes et l’État d’Israël,...

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Dans la nuit du 20 au 21 mai, des scènes de liesse ont eu lieu à Gaza à la suite de l'annonce d'un cessez-le-feu conclu entre les entités palestiniennes et Israël.

MOYEN ORIENT - “Dans une guerre, même si chaque camp peut se déclarer vainqueur, il n’y a pas de gagnant, uniquement des perdants.” Jeudi 20 mai, après onze jours d’affrontements entre les différentes entités palestiniennes et l’État d’Israël, un cessez-le-feu a finalement pu être trouvé entre les belligérants. Et le bilan est lourd: 244 morts, dont 232 du côté arabe parmi lesquels 65 enfants, et des dizaines de milliers de déplacés. 

Un tribut qui n’a pas empêché les différents adversaires -dans la droite lignée de la célèbre citation de Neville Chamberlain- de se déclarer vainqueurs à l’issue de ce conflit armé. Mais qu’en est-il dans les faits? Au-delà de l’évidente défaite des populations civiles, encore une fois victimes collatérales du conflit armé entre des factions aux objectifs politiques affirmés, certains des acteurs de cette nouvelle passe d’armes sortent-ils effectivement renforcés de la séquence? 

Le Hamas a rempli ses objectifs

Il ne faut pas l’oublier: quelques jours avant le début des troubles à Jérusalem et des affrontements subséquents entre Palestiniens et Israël, les élections palestiniennes avaient été reportées. L’autorité palestinienne et les partisans d’une solution à deux États craignaient en effet que le Hamas, parti islamiste doté d’une branche armée recherchant ouvertement la destruction d’Israël, soit à ce moment-là en position de force et se retrouve à la tête d’une large majorité s’il le scrutin avait eu lieu. 

Or cela n’a fait que se confirmer au cours des affrontements, le Hamas parvenant de facto à mettre en œuvre l’idée sur laquelle il faisait campagne: la résistance armée contre l’occupant israélien comme principal moyen politique et sa vocation à être le “protecteur” du peuple palestinien. Son chef de guerre, le très mystérieux Mohamed Deif, a échappé aux roquettes lancées par l’État hébreu et le mouvement n’a perdu “qu’une” grosse centaine de combattants dans les affrontements, signe aux yeux de la population de sa capacité d’action. 

Et même si les frappes israéliennes ont parfois causé des dégâts matériels très importants à Gaza, une aide internationale à la reconstruction a été promise par plusieurs acteurs internationaux, de l’Égypte au Qatar en passant par les États-Unis, ce qui devrait permettre d’atténuer la violence des derniers jours.  

En ce sens, et au contraire du président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas, dont la capacité d’action a paru pour le moins limitée, le Hamas sort très clairement renforcé de la séquence qui s’achève avec l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, ce vendredi 21 mai au matin. Surtout, il a d’ores et déjà prévenu qu’il se tenait prêt à riposter en cas d’agression venue d’Israël. De quoi tenir encore un peu plus ce rôle de représentant essentiel du peuple palestinien. 

Des fragilités militaires côté israélien...

À l’inverse, et si Israël n’a pas manqué de marteler qu’il combattait l’islamisme en affrontant le Hamas, la stratégie militaire de l’État hébreu n’a pas forcément eu les effets escomptés. On l’a dit, le chef de la branche armée du mouvement, les brigades Ezz Eddin al-Qassam, a échappé aux missiles envoyés par Israël et continue donc à diriger les troupes arabes, comme depuis des décennies. 

Contrairement à la guerre de l’été 2014, où les troupes israéliennes étaient entrées à Gaza et avaient fait des milliers de morts et un nombre colossal de blessés, les manœuvres de cette année ont été bien plus restreintes. La faute -d’un point de vue israélien- à une pression extérieure un peu plus intense, en particulier de la part des États-Unis (on y reviendra). 

Pire encore pour l’image de l’armée, son dôme de fer -ce système d’interception des roquettes envoyées par les combattants palestiniens- a parfois semblé dépassé par la puissance de feu de ses adversaires (plus de 4300 fusées auraient été envoyées contre Israël, assurent les autorités locales), laissant quelques roquettes s’écraser sur son sol et causer des dégâts mortels. 

Reste néanmoins qu’une grande partie du vaste réseau de tunnels souterrains permettant aux combattants palestiniens de se déplacer d’un site militaire à l’autre a été détruit, et que les stocks d’armes et les équipements des factions arabes ont été largement éprouvés par ces onze jours de lutte. 

... Mais un succès politique pour Netanyahu

Malgré ce bilan militaire mitigé, un homme-clé apparaît néanmoins conforté dans le camp israélien: Benjamin Netanyahu. Comme l’expliquait récemment au HuffPost Béligh Nabli, chercheur associé au Ceri de Sciences Po, le Premier ministre d’Israël, qui n’arrive pas à s’assurer une majorité lui permettant de gouverner, a adopté avec plaisir et confort la posture du chef de guerre au cours des dernières semaines. 

Un rôle qui lui a justement permis de prendre le pas sur ses rivaux politiques, à qui il a été demandé de tenter de mettre sur pied une majorité, et de se positionner comme l’interlocuteur unique de la communauté internationale. Ainsi, c’est à Netanyahu que Joe Biden -qui n’a même pas évoqué les morts civiles palestiniens dans son discours- a offert ses félicitations après l’annonce de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Et le président américain de proposer son aide pour rénover le “dôme de fer”, 24 heures seulement après avoir été envoyé sur les roses par un “Bibi” particulièrement vindicatif. 

De quoi retrouver un peu de crédit au niveau national pour Benjamin Netanyahu, même si les toujours plus puissantes extrêmes droites israéliennes, qu’elles soient religieuses ou nationalistes, ont déploré que l’opération militaire ne soit pas allée plus loin. S’il n’a pas encore assuré son futur à la tête de la politique israélienne, Netanyahu a ainsi au moins repris un peu d’avance sur ses rivaux et s’est offert un sursis dont il avait cruellement besoin. 

Des acteurs internationaux confortés

Si les frappes se sont finalement arrêtées et qu’un cessez-le-feu a pu être trouvé sans qu’aucun des belligérants n’ait à admettre une défaite ou une volonté de rendre les armes, c’est bien parce que des acteurs internationaux leur ont offert une porte de sortie, une échappatoire digne. 

Il faut à ce propos évoquer l’Égypte, qui avait été chargée par la communauté internationale de nouer un dialogue entre Israël et les entités palestiniennes. Une mission traditionnelle pour les Égyptiens, qui leur a permis de se montrer au niveau mondial -l’autoritaire président al-Sissi a notamment eu droit à une réception en grande pompe à l’Élysée- avec en point d’orgue le communiqué israélien d’annonce du cessez-le-feu, jeudi soir, dans lequel on pouvait lire que la proposition égyptienne de trêve avait été acceptée. 

L’autre acteur étranger qui s’est mis en lumière avec l’annonce du cessez-le-feu, c’est l’Amérique de Joe Biden. Si les États-Unis ont, depuis la fin du second mandat de Barack Obama, largement reculé dans cette région du monde au point d’abandonner dans les faits leur rôle de gendarme global, ils ont en réalité œuvré en coulisses, notamment auprès de Benjamin Netanyahu pour que les violences cessent. Ce qui a permis à Joe Biden d’être le 1er dirigeant mondial à réagir, dans une déclaration filmée, à l’annonce de la trêve. Et de se permettre de distribuer les bons points, saluant la décision du Premier ministre israélien, se positionnant comme un acteur désireux de voir une paix durable s’installer dans la région et promettant une aide aux deux belligérants.

Une déclaration d’intention qui -comme le fait que ni Israël ni le Hamas n’ont avancé de piste pour avancer vers la mise en œuvre d’une solution pacifique dans la région- ne garantit rien quant à la durée de la trêve. Mais qui aura tout juste permis à certains de marquer des points au niveau politique. 

À voir également sur Le HuffPost: Le “dôme de fer” d’Israël intercepte des centaines de missiles du Hamas