Papacito, gifle, enfarinage... la semaine où la violence a refait surface dans le débat politique
POLITIQUE - Une accumulation qui pose question. De la vidéo du youtubeur d’extrême droite Papacito singeant l’exécution d’un militant insoumis à l’enfarinage de Jean-Luc Mélenchon en passant par la gifle reçue par Emmanuel Macron, la violence...
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POLITIQUE - Une accumulation qui pose question. De la vidéo du youtubeur d’extrême droite Papacito singeant l’exécution d’un militant insoumis à l’enfarinage de Jean-Luc Mélenchon en passant par la gifle reçue par Emmanuel Macron, la violence a brutalement refait irruption en quelques jours dans un débat politique déjà très tendu, dans lequel la perspective d’une “guerre civile” ou l‘abandon des principes de l’État de droit sont clairement évoqués par certains.
Une ambiance électrique qui fait dire à plusieurs responsables, de droite comme de gauche, que la société connaît un niveau de violence politique jamais atteint. “Il y a une banalisation de la violence en politique, en particulier contre les députés contre lesquels il n’y a jamais eu autant d’attaques”, a déploré samedi 12 juin François de Rugy, après avoir été enfariné dans les rues de Nantes. “Un seuil a été franchi”, a réagi le même jour Jean-Luc Mélenchon après avoir subi le même sort.
La campagne des élections régionales donne également lieu à la dénonciation de ce phénomène. Ici, c’est le Rassemblement national qui s’indigne après l’agression violente de colleurs d’affiches du côté d’Arles. Même chose à Montpellier pour le Parti socialiste. Dans l’Essonne, des représentants de listes de gauches concurrentes en sont venus aux mains. Une liste non exhaustive qui participe à la dégradation d’un climat jugé irrespirable.
Des précédents (très) nombreux
Alors, la société a-t-elle réellement un cap en la matière? Un bref coup d’œil dans le rétroviseur permet de constater que la violence n’a jamais vraiment quitté le combat d’idées. Le 13 février 1936, alors député SFIO, Léon Blum se faisait lyncher dans les rues de Paris aux cris de ”à mort le juif”.
En août 1962, le général de Gaulle, alors président de la République, essuyait les tirs de militants de l’OAS lors de l’attentat du Petit-Clamart. Pour ce qui est des violences observées au niveau des militants, on peut rappeler l’affaire Ibrahim Ali, jeune homme de 17 ans tué par des colleurs d’affiches du Front national à Marseille en 1995. Au-delà de ces exemples historiques qui pourraient souffrir d’une trop longue distance avec les événements récents, la dernière décennie a également compté plusieurs événements violents.
En 2011, Nicolas Sarkozy, alors chef de l’État, était violemment pris à partie lors d’un bain de foule près d’Agen. Sans remonter aussi loin, la campagne présidentielle de 2017 avait déploré plusieurs incidents comparables, de la gifle reçue par Manuel Valls en Bretagne en passant l’œuf reçu par Emmanuel Macron ou l’enfarinage du candidat François Fillon. D’où vient alors cette impression que la violence politique s’aggrave ces derniers jours?
Réseaux sociaux et désacralisation de la fonction
Dans une tribune publiée dans Le Monde, Xavier Crettiez, membre de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean Jaurès et spécialiste de la violence en politique, voit notamment dans les événements récents l’œuvre de “la désintermédiation du politique”. Soit, dit autrement, la disparition des forces politiques qui avaient pour rôle de canaliser les colères.
“Avec l’effacement partisan, c’est l’individualisation du politique qui devient la norme, mais également la cible des plus radicaux. L’élu est seul, sans protection partisane”, note le chercheur, qui pointe aussi le rôle du “narcissisme politique qu’encouragent les réseaux sociaux”. Un phénomène relativement nouveau qui conduit les élus à s’exposer et à cliver pour se démarquer. “Non contraint par le parti, l’homme politique, comme l’anonyme en mal de reconnaissance, expose son moi dévorant et défend, à l’image d’un Jean-Luc Mélenchon, des positions toujours plus clivantes, radicales, brusques et conflictuelles sans lesquelles le buzz ne se fait pas”, observe-t-il, devançant les mises en scène d’altercations observées sur certains marchés dans le week-end.
Les réseaux sociaux permettent d’ailleurs de voir une sorte de perception à géométrie de la violence politique. C’est ainsi que le compte Twitter “Nantes révolté” (dénoncé par François de Rugy) a salué l’enfarinage de l’ancien ministre de la Transition écologique, et dénoncé par la suite celui subi par Jean-Luc Mélenchon. Ce qui montre que la perception d’un acte similaire diffère en fonction de celui qui le reçoit, et donc que la violence peut être inhérente au combat politique.
24 heures d’écart entre ces deux tweets. pic.twitter.com/KKH6QRPu6k
— Raphael Grably (@GrablyR) June 12, 2021
Autre aspect, la “désacralisation de la fonction et une fragilisation des institutions politique”, observe auprès de 20 Minutes, Benjamin Morel, docteur en sciences politiques. Une dégradation de l’image du politique à laquelle les acteurs du débat participent eux-mêmes.
“Il y a une crise majeure du débat public, où les différents élus ne se respectent pas, s’invectivent, se hurlent dessus, se coupent… Les élus ne respectent plus la fonction des autres, ce qui fait perdre de la considération à la fonction en général”, observe le directeur de recherche émérite à Sciences Po Daniel Boy, cité par le même média. Autant d’éléments qui favorisent un retour de la violence au sein d’un débat politique, duquel elle ne s’est jamais vraiment tenue éloignée.
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