Pascale Ogier, grande sœur de fiction
Ce titre, c’est, dans la fiction, celui d’une émission de radio nocturne dans laquelle officie une star de l’antenne, qui accueille les confidences d’auditeurs anonymes (Emmanuelle Béart, dans le rôle à peine masqué de Macha Béranger). D’abord...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
Ce titre, c’est, dans la fiction, celui d’une émission de radio nocturne dans laquelle officie une star de l’antenne, qui accueille les confidences d’auditeurs anonymes (Emmanuelle Béart, dans le rôle à peine masqué de Macha Béranger). D’abord comme auditrice puis comme intervenante, puis comme employée surinvestie, le personnage meurtri de Charlotte Gainsbourg va trouver dans cette émission de Radio France un rebond salutaire. Mais le titre prend aussi, plus largement, une valeur métaphorique.
Les passagers de la nuit en question, ce sont tous les personnages du film, et au-delà, rien moins que l’humanité tout entière. Nous tous, avançant à tâtons dans une nuit existentielle où nul ne sait ce qui l’attend. De passage, même si chacun l’oublie souvent. Cette condition universelle de passager, pour qui rien n’a vocation de durer, c’est le sujet profond du film de Mikhaël Hers. C’est même sa matière. Chaque plan, sublime enluminure en longues focales magnifiée par l’argentique du chef op surdoué Sébastien Buchman, a la puissance émotionnelle d’un souvenir. Il s’offre à nous comme déjà idéalisé par la mémoire et pourtant déjà rongé par l’oubli. Chaque image jaillit comme une étincelle qui crépite et meurt dans un même battement.
Le récit des Passagers de la nuit se déroule en 1984. C’est la date à laquelle Charlotte Gainsbourg tourne son 1er film (à 13 ans, Paroles et musique d’Élie Chouraqui) et voir la comédienne quinquagénaire revisiter l’univers sensible qui l’a vu éclore comme actrice renforce le régime mélancolique du film. Le temps se plie, l’adolescence et la maturité se touchent, la vie passe comme un songe.
1984, c’est aussi l’année de sortie des Nuits de la pleine lune d’Éric Rohmer. Les personnages les plus jeunes du film vont le voir en salle. Et tous sont bouleversés par le jeu d’une actrice qu’ils ne connaissaient pas mais qui incarne avec une intensité inouïe les contradictions amoureuses de sa génération. C’est Pascale Ogier. Le personnage en déréliction de Noée Abita l’adopte immédiatement comme une grande sœur de fiction.
Dans la dernière partie du film, Noée Abita retrouve après un long éloignement la famille de Charlotte Gainsbourg. Chacun devise de sa vie durant l’intervalle de cette séparation. Et un personnage dévoile à la jeune fille cette nouvelle brutale : “Tu te souviens de l’actrice des Nuits de la pleine lune ? Elle est morte !” La jeune fille de fiction défaille alors en apprenant la mort de l’actrice réelle. Et tout spectateur du film de Mikhaël Hers en âge d’avoir été un adolescent cinéphile foudroyé par Les Nuits de la pleine lune revit dans un éclair le choc de la mort de Pascale Ogier, sa dimension proprement inacceptable. Pascale Ogier ! Découverte, adorée et perdue, elle aussi, en un battement. Pascale Ogier. Nulle mieux qu’elle ne pouvait être l’agent de ce sentiment de la friabilité des êtres et de l’impermanence cruelle des choses aimées qui structurent le cinéma de Mikhaël Hers.