Pataterie, Buffalo Grill: pourquoi sommes-nous si attachés à ces restaurants

PATATERIE - Aux abords d’une voie rapide ou d’une autoroute, ça commence souvent par des ronds-points. Une succession de magasins et d’hypermarchés, leurs immenses parkings avec berlines et monospaces, puis un restaurant, parfois en forme de...

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Pourquoi sommes-nous si attachés aux restaurants de zones commerciales

PATATERIE - Aux abords d’une voie rapide ou d’une autoroute, ça commence souvent par des ronds-points. Une succession de magasins et d’hypermarchés, leurs immenses parkings avec berlines et monospaces, puis un restaurant, parfois en forme de maison. 

Une fois à l’intérieur, il y a l’ambiance. Un espace jeux pour les enfants, des crayons de couleur et des coloriages disposés sur le set de table qui sert de menu. Un mobilier qui veut rappeler celui de la maison, une nourriture réconfortante et sans surprise. 

Lundi 6 septembre, le hasard a voulu qu’un touriste américain et sa famille passent les portes d’un restaurant de la chaîne La Pataterie et que ce dernier s’extasie sur Twitter devant ce restaurant et sur ce qui semble être les meilleures pommes de terre de sa vie. Le point de départ d’une immense conversation aussi nourrie qu’inattendue entre internautes sur ce restaurant et tous les autres qui peuplent les zones commerciales de France. 

“Donc nous sommes en vacances en France et nous cherchions un endroit où dîner ce soir et Mélissa a trouvé le restaurant le plus incroyable, la Pataterie, une chaînes de restaurants française spécialisée dans les pommes de terre comme ingrédient principal. ET C’ÉTAIT INCROYABLE.”

Au milieu des tweets moqueurs sur ces restaurants souvent considérés comme ringards (notamment par les Parisiens, il faut bien le dire), il y avait aussi de la nostalgie, du plaisir assumé, de la tendresse pour les Buffalo Grills, Courtepaille et consorts. Ce qui n’étonne pas Fanny Parise, anthropologue, interrogée par Le HuffPost pour qui les zones commerciales à la périphérie des villes ont un fort pouvoir évocateur.

Appel à la nostalgie... et au parisianisme

“Les grandes zones commerciales sont le symbole de toute une époque. Une époque moderne, mais qui n’est plus dans l’air du temps. En période de bouleversements et de changements comme celle que nous traversons actuellement, le côté désuet et kitsch de ces zones appelle à la nostalgie. Une nostalgie qui valorise tout ce que l’on a aimé détesté de ces endroits. Ils nous rappellent une époque révolue, une époque perçue comme plus authentique.”

 

C’est aussi ce qu’a perçu le journaliste Jean-Laurent Cassely qui a raconté sur Slate sa rencontre avec le président de la Pataterie, Michaël Cottin dans les allées du salon de la franchise en 2018. “Il existe une mythologie contemporaine des zones commerciales de périphérie et de leurs magasins franchisés. Elle est visuellement assez pauvre et souvent dédaigneuse. Le président de La Pataterie n’ignore pas que son enseigne figure dans le film des auteurs de Groland, Le Grand soir, dans lequel Benoît Poelvoorde, un punk à chiens, et Albert Dupontel, vendeur dans une grande surface, sont les fils d’un couple de franchisés de l’enseigne. Cette image de restaurant de zone commerciale qui colle à la marque, qu’il juge à raison parisienne, l’amuse”, écrit le journaliste.

Et celui-ci de rapporter une déclaration du chef d’entreprise. “La Pataterie est un symbole, explique Michaël Cottin, car elle fait partie des restaurants qui, dans le sillage de Buffalo Grill, se sont implantés dans des zones qui n’avaient pas d’histoire. C’est pour cela que l’on a voulu recréer un lieu avec une ambiance conviviale, familiale et champêtre.”

La pataterie et l’échelle du cool

En effet, dans ces restaurants tout est identifiable au 1er coup d’œil, y compris le contenu de l’assiette. Et cela a son importance. “Il y a un cadre esthétique très reconnaissable, reconnaît Fanny Parise, un concept de restaurant affirmé et un style de cuisine spécifique”. Tout cela a contribué à nourrir une image de marque moins actuelle ou plutôt moins “cool”. “Ce sont autant de caractéristiques qui ne correspondent plus forcément aux attentes des consommateurs qui veulent un lieu unique et atypique, une cuisine découverte… Les individus veulent vivre une expérience unique et instagrammable même si elle est reproductible à l’infini”, pointe l’anthropologue. Mais elle note aussi un possible retournement de tendance. “C’est peut-être sur le point de changer: le kitsch revient au goût du jour”, ajoute-t-elle.

Si la mode est un éternel recommencement, le cool et le branché aussi. “Le lifestyle des années 1980 est perçu comme cool, comme on peut le voir avec la collection capsule de H&M pour une saison de Stranger Things, par exemple. Tout ce que l’on a aimé détesté de ces restaurants: emplacements, lieux trop grands et impersonnels, cuisine roborative, peut devenir le symbole du retour à un style de vie, à une époque perçue comme plus authentique.”

La France du quinoa et celle du steak

Mais évidemment la simple échelle du cool ne suffit pas à définir le succès ou non de ces enseignes. Quand on cause de Courtepaille, de Buffalo Grill et de la Pataterie, on ne peut s’empêcher de l’opposer, à tort ou à raison, à Cojean, Dubble ou Prêt à manger, ces restaurants qui servent de la nourriture présentée comme saine, en centre-ville et à destination des cadres des grandes métropoles françaises.

En forçant le trait, Jean-Laurent Cassely cause ainsi d’une “France du quinoa, du chou kale, du sans gluten et du végétal à des lieues des offres de viandards périurbaines”. Pour Fanny Parise, il y a “certainement de cela” mais pas seulement. “Il y a également la tension entre identités locales et globalisation des styles de vie”.

Les évolutions récentes offrent de nouvelles opportunités à ces restaurants. “Cette opposition tend à diminuer avec l’attrait grandissant pour la province, mais également par la réhabilitation de friches industrielles. On peut imaginer un futur proche dans lequel aller dans ce style de restaurants sera de nouveau cool et branché. On peut également imaginer un twist de certaines enseignes qui capitalisent sur les concepts initiaux de ces enseignes tout en les mettant au goût du jour. De mon point de vue, toutes ces enseignes ont un potentiel de se positionner en marques rétro-innovantes”, conclut Fanny Parise. 

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