Pension alimentaire: Macron dans une CAF à Tours pour acter sa réforme

FAMILLE - Pour son premier déplacement de l’année 2021, Emmanuel Macron s’attaque à un dossier social. C’est à la Caisse des allocations familiales (CAF) de Tours que le président de la République va présenter mardi 5 janvier les grandes lignes...

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A child goes to school with her mother on September 1, 2016 in Vertou, western France, for the start of the school year.

FAMILLE - Pour son premier déplacement de l’année 2021, Emmanuel Macron s’attaque à un dossier social. C’est à la Caisse des allocations familiales (CAF) de Tours que le président de la République va présenter mardi 5 janvier les grandes lignes de la réforme de la pension alimentaire, en vigueur depuis le 1er janvier.

Cette nouvelle mesure vise à réduire le nombre de pensions impayées, mal payées ou payées avec retard par le second parent au parent ayant la garde d’un ou plusieurs enfants. Depuis le 1er janvier, l’un des deux parents peut avoir recours à un nouveau service public d’intermédiation de la CAF.

À la demande d’un parent -sans que l’autre ait besoin de donner son accord- la CAF devient avec ce dispositif l’intermédiaire entre les deux parents séparés ou divorcés. La pension alimentaire est alors versée directement à la CAF, qui se charge de la payer au parent ayant la garde.

Une sécurité jusqu’aux 18 ans de l’enfant

Une avancée qui a pour but de gommer la capacité du parent payeur à se servir de la pension comme d’une menace ou unité de chantage -puisqu’il paye la CAF et non l’autre parent. Elle permet de prélever directement la pension sur le compte du parent en cas de non-paiement ou de retard.

Auparavant, le parent n’ayant pas touché sa pension alimentaire devait effectuer un recours auprès de L’Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (Aripa). Une démarche peu connue et surtout qu’il fallait renouveler à chaque impayé.

Avec le nouveau système, l’intermédiation demandée une seule fois sera ensuite automatiquement conservée pour tous les paiements, jusqu’aux 18 ans de l’enfant. En cas d’insolvabilité du parent payeur, l’allocation de soutien familial (ASF) de 116€ par mois et par enfant est versée. Ce qui était déjà le cas lors d’un recours à l’Aripa. De même, les pénalités qui s’imposent au non-payeur restent inchangées.

350.000 familles concernées

Seule condition pour en bénéficier: que le couple ait acté sa séparation et le montant de la pension officiellement. Soit à l’aide d’un titre exécutoire, délivré par un notaire ou par la CAF, ce qui implique une entente entre les deux parents. Soit par le biais d’un jugement rendu par un tribunal, dans le cas d’un désaccord.

En France, une famille sur quatre est monoparentale. “Chaque année, 900.000 à un million de familles touchent une pension alimentaire, décompte l’Élysée. 30 à 40% d’entre elles ne sont pas payées, en partie seulement ou avec du retard. Ce qui équivaut à environ 350 000 familles.”

Les familles sans titre exécutoire et sans jugement resteront hors du système, comme c’est le cas aujourd’hui. Autres oubliés du dispositif: les parents qui ne payent pas la pension qu’ils doivent à leur ex-conjoint et qui habitent à l’étranger. 

L’exemple du Québec

L’objectif pour le gouvernement est “que les questions financières entre des parents séparés ou divorcés aient le moins d’impact possible sur les enfants”. Le Québec et sa loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, adoptée en 1995, font figure d’exemples.

“Les Québécois sont passés de 30 à 4% d’impayés de pensions alimentaires depuis la mise en place de leur système de recouvrement”, souligne-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Des chiffres qui font rêver l’exécutif. Un dispositif dont s’est inspirée la France, avec une différence: au Québec, il est automatique en cas de séparation ou de divorce.

Ce qui ne sera pas le cas en France, où l’un des parents devra en faire la demande. “Pour les séparations qui ont déjà eu lieu, il fallait qu’il puisse y avoir un recours”, avance-t-on à l’Élysée, où l’on insiste sur le fait que le dispositif sera désormais proposé systématiquement par les juges aux affaires familiales.

Violences contre les femmes et les enfants

Le 1er octobre 2020, une première étape de cette intermédiation a été mise en place pour les familles qui faisaient face à un problème d’impayé. Environ 10.000 en auraient déjà bénéficié, à en croire les conseillers d’Emmanuel Macron.

Objectif: atteindre les 350.000 familles touchées par cette épée de Damoclès que représente le non-paiement de la pension. “33% des familles monoparentales sont touchées par la précarité - contre 14% de la population moyenne, détaille l’Élysée. Et dans 85% des cas, les parents concernés sont des femmes.” 

Un sujet dont s’est emparé le collectif “Abandon de famille”, qui n’hésite pas à parler de “violences économiques faites aux femmes et enfants” et de “violences post-séparation”. Pour sa co-fondatrice, Stéphanie Lamy, cette mesure ne vise que “les couples qui s’entendent déjà plutôt bien, qui peuvent avoir recours à l’intermédiation en amont d’un impayé.”

Pour elle, ce dispositif ne changera pas la situation des victimes d’ex-conjoints qui refusent délibérément de payer. “Si Monsieur -car ce sont principalement des hommes- ne donne pas son RIB ou se met en situation d’insolvabilité, la situation reste inchangée, assure-t-elle. Et il risque encore moins de payer en sachant qu’il y a la CAF derrière.” 

Un sujet qui date du “grand débat”

Souvent, ces auteurs de violences sont classés “hors d’état d’assumer leurs obligations envers les enfants” et seule l’allocation de soutien familial (ASF), de 116€ par mois et par enfant est versée, “sans prendre en compte ses besoins”, observe Stéphanie Lamy. Seule avancée pour elle: “la CAF pourra se rendre compte plus rapidement quand quelqu’un ne paye pas.” 

Le sujet des pensions alimentaires a été beaucoup évoqué lors du grand débat national organisé par l’État en janvier 2019, dans le contexte du mouvement des Gilets jaunes. Depuis, l’Élysée assure qu’une augmentation du nombre de demandes de recouvrement a été observée (de 24.400 procédures en 2017 à 57.000 fin 2020).

Un renforcement des effectifs est prévu pour la mise en place de ce nouveau service public. Il a coûté 42 millions d’euros à l’État en 2020 qui prévoit de débourser 85 millions en 2021 et 122 millions à partir de 2022. Des montants pris en compte dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2020.

Pour aller plus loin sur le sujet, nous vous conseillons le podcast de Titiou Lecoq sur Slate, “Rends l’argent”, qui traite de la place des finances dans les histoires d’amour. Et plus particulièrement les épisodes 5 et 6, qui abordent les relations de domination par l’argent dans le couple et en cas de séparation, ainsi que les violences économiques faites aux femmes.

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