Peut-on être humble et radical ? La réponse pop lo-fi de Muddy Monk

​​​​​Depuis que l’on a croisé la route de Muddy Monk lors de la double épiphanie de Si l’on ride (2016) et Le Code (2017) chez Myth Syzer, l’artiste suisse originaire de Fribourg n’aura eu de cesse de repousser ses frontières sonores. Lui qui...

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​​​​​Depuis que l’on a croisé la route de Muddy Monk lors de la double épiphanie de Si l’on ride (2016) et Le Code (2017) chez Myth Syzer, l’artiste suisse originaire de Fribourg n’aura eu de cesse de repousser ses frontières sonores.

Lui qui a la répétition en horreur épousait sans états d’âme le motif de la fuite en avant (en moto Honda de préférence) et renouvelait perpétuellement matériel et modus operandi pour arriver à ses fins.

Gérer la nostalgie, anticiper le futur

Après l’explosion Longue Ride (2018), le trentenaire se réinventait en démiurge pop sur le passionnant EP Ultra Tape (2020), avant d’envoyer balader ce maximalisme dans une avalanche de distorsions et de reverb sur l’imprévisible Ultra Dramatic Kid (2022).

Mais après l’excitation de cette course effrénée, l’heure du troisième album est celle de la décélération, du coup d’œil dans le rétro. Pas franchement par nostalgie – même si la musique de Muddy Monk semble condamnée à l’évoquer –, mais plutôt le temps de mettre le pied à terre et de contempler le chemin parcouru avant d’embrayer vers le prochain virage.

À ce titre, Bingo Paradis, dans sa manière de rejouer avec les codes balnéaires et lo-fi de son véritable 1er disque (le méconnu Ipanema paru en 2015), tout en anticipant le futur et en arborant des airs nonchalamment conquérants, a tout d’un disque d’interstice, perdu sur la ligne du temps.

Muddy Monk est aussi à l’aise dans l’exercice sentimental que sur un mode gentiment ego trip

Difficile de faire plus humble que cette collection de pop songs – visiblement inspirées par la library music et la variété du voisin italien (le single Tic-Tac avec Giorgio Poi) – résolument lo-fi. Pourtant, ces ritournelles, qui rompent avec l’ambition sonore et esthétique de leurs prédécesseures, cachent toujours, et peut-être plus encore, la radicalité de leur auteur.

Aussi à l’aise dans l’exercice sentimental que sur un mode gentiment ego trip, Guillaume Dietrich déploie les textes les plus libres et modernes de sa discographie. Dans une sorte de poétique de messagerie instantanée, directement branchée sur le cœur, il vante ses choix de vie et son agentivité (“Même si on n’est pas vraiment fait pour cette merde/On a fini par savoir rider cette vie boy/Et ça c’est le prix pour être un peu plus libre”), et explique des histoires d’amour en écriture spontanée. “D’un coup c’est clair, je suis fait pour ça.” Bingo !

Bingo Paradis (Half Awake Records/Bigwax). Sortie le 27 septembre. En tournée française et en concert à l’Olympia, Paris, le 28 janvier 2025.