PMA pour toutes: pourquoi le gouvernement a autant perdu de temps

BIOÉTHIQUE - “Macron hypocrite, les lesbiennes vont en Belgique!”, scandaient encore des militantes lesbiennes le 25 avril dernier à Paris. C’était une des promesses emblématiques du candidat Macron en 2017: l’ouverture de la procréation médicalement...

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Une manifestante pro-PMA pour toutes le 10 octobre 2020 à Rennes

BIOÉTHIQUE - “Macron hypocrite, les lesbiennes vont en Belgique!”, scandaient encore des militantes lesbiennes le 25 avril dernier à Paris. C’était une des promesses emblématiques du candidat Macron en 2017: l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules en France.

Mais quatre ans après son élection, elle n’a toujours pas été votée. Le projet de loi bioéthique, qui comprend cette avancée, mais aussi une délicate réforme de la filiation et de l’accès aux origines, la question de l’autoconservation des ovocytes ou encore la recherche sur les cellules souches embryonnaires, sera à nouveau discuté ce lundi 7 juin à l’Assemblée puis au Sénat à la fin du mois. Avant une promulgation du texte promise pour cet été.

“Le 1er bébé né par PMA (procréation médicalement assistée, NDLR) d’un couple de femmes ou d’une femme seule naîtra avant la fin du mandat”, s’est même avancé le ministre de la Santé Olivier Véran dans une entrevue à Sciences Po TV le 3 mai dernier.

Ce n’est pas la 1ère fois que le gouvernement fait une telle promesse. Il suffit pourtant de se replonger dans les archives pour se rendre qu’elles n’ont bien souvent pas été suivies d’effet. Le 12 septembre 2017, Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes, assurait au micro de BFMTV qu’en “termes de calendrier, nous serons sur l’année qui arrive, 2018, probablement avec les révisions de la loi bioéthique”.

Quelques jours plus tard, sur France 3, elle rétropédale. Finalement, le gouvernement proposera “d’ouvrir la PMA” fin 2018. Et de préciser, prudente: “La PMA sera adoptée avant la fin du quinquennat”.

Lors d’une réunion avec plusieurs associations LGBT+ le 22 novembre 2018 à l’Élysée, le président se serait notamment engagé à ce que la loi bioéthique, incluant la PMA pour toutes et la réforme de la filiation, soit promulguée en 2019. “Emmanuel Macron s’est réengagé à faire la PMA et a assuré qu’il ne fera pas les erreurs commises par ses prédécesseurs”, assurait alors à TÊTU le président de SOS Homophobie Joël Deumier.

Prendre le temps du débat

Sur ce sujet, l’exécutif assume avoir voulu prendre le temps du débat, d’abord avec les États généraux de la bioéthique entre janvier et juillet 2018, puis une étude du Conseil d’État le même mois, un avis du CCNE en septembre et enfin un rapport de la mission d’information sur la bioéthique à l’Assemblée nationale en janvier 2019. Le texte a ensuite été présenté en Conseil des ministres en juillet, avant de commencer son parcours causementaire à l’automne 2019 et a pris du retard, entre autres, en raison de l’épidémie de Covid-19.

La deuxième lecture à l’Assemblée n’est intervenue qu’en juillet 2020, puis au Sénat en février de l’année suivante. Ce dernier, dominé par la droite, avait en partie sabordé le texte en votant le projet de loi avec sa mesure d’ouverture de la PMA, mais en excluant la prise en charge par la Sécurité sociale.

Conséquence: la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à tomber d’accord entre les deux versions et une troisième lecture a été programmée. Un fait rare ayant contribué à retarder le vote final du projet de loi.

“C’est un engagement de campagne du président de la République avec des avancées sociétales majeures qui nécessitent qu’on prenne le temps du débat causementaire”, fait-on valoir dans l’entourage du président. “Sur un texte comme celui-ci, texte sociétal, le temps législatif n’est pas du temps perdu”, abonde auprès du HuffPost le ministre de la Santé Olivier Véran. 

“Toutes les lois de bioéthique, parce qu’elles impliquent des questions extrêmement profondes, prennent plus de temps de débat causementaire que les autres lois”, ajoute le ministre.

Embouteillage causementaire et crise sanitaire

Mais pourquoi Emmanuel Macron s’est-il alors avancé sur une date d’adoption du texte? “Lorsque le président rencontre les associations en 2018, dans la dynamique d’une adoption de la loi en 2019, on ne sait pas que la crise sanitaire va s’enchaîner et venir perturber l’agenda causementaire sur beaucoup d’autres textes”, se défend cette même source.

 

La crise sanitaire a bousculé le pays et l’agenda causementaire. Par exemple, pas moins de huit textes concernant l’état d’urgence sanitaire sont venus s’intercaler.Olivier Véran

 

Les associations, elles, disent ne jamais avoir été “dupes”. “Ce n’est pas une surprise pour nous, souffle Laurène Chesnel, déléguée famille à l’Inter-LGBT. C’est pour ça que nous avions demandé dès le début que l’ouverture de la PMA pour toutes fasse l’objet d’une loi à part, ce qui aurait permis de passer par une procédure accélérée (une seule lecture par chambre, NDLR)”.

Un avis partagé par le député LREM Raphaël Gérard, très engagé sur les questions LGBT+ à l’Assemblée. “Le péché originel est d’avoir intégré la PMA pour toutes aux lois bioéthiques plutôt que d’en faire une loi à part, estime le causementaire.

Mais les multiples reports du texte s’expliquent-ils seulement par le temps causementaire? L’élu et son collègue Jean-Louis Touraine, également rapporteur de l’article 1er du texte, n’y croient pas.

Manque de “courage politique” ?

Pour le 1er, la “crise des gilets jaunes et le souvenir des Manif pour tous” expliquent au moins en partie ces retards. “Le gouvernement n’avait pas envie de voir la France se déchirer en plus sur la PMA.”

Si Jean-Louis Touraine a lui aussi cru que “M. Macron et ses proches avaient gardé un souvenir médiocre du débat et du vote de la loi sur le mariage pour tous et qu’ils souhaitaient que les choses se passent dans une plus grande sérénité”, il a vite déchanté.

Il estime aujourd’hui que le gouvernement ne mesure simplement pas l’importance d’une telle réforme. “Bien qu’elle soit prioritaire pour la population, la loi bioéthique est considérée comme accessoire pour certains”, ajoute-t-il.

Les classes dirigeantes, quel que soit leur bord politique, se méfient comme de la peste de toutes les lois sociétales. C’est pour cela qu’on aboutit à un texte aux avancées très frileuses.

 

Même son de cloche chez son collègue Raphaël Gérard. Celui qui, comme Touraine, s’est battu pour que ce projet de loi aboutisse dénonce un “ratage politique”. “Sur ces sujets de société, l’exécutif se montre très timoré depuis le début du mandat”. Preuve en est: malgré la demande de plus de la moitié des députés, la proposition de loi sur la fin de vie n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour.

“Ce débat est évidemment légitime, mais il arrive tard, jugeait le Premier ministre Jean Castex dans une entrevue au Parisien le 10 mai dernier. Le calendrier causementaire est extrêmement serré”. Et d’ajouter: “La priorité du gouvernement est d’aller au bout du vote de la loi sur la bioéthique, qui comporte notamment la PMA pour toutes”.

“Toutes les questions liées aux discriminations, à la fin de vie ou aux thérapies de conversion n’intéressent pas le gouvernement”, estime Laurène Chesnel de l’Inter-LGBT, pour qui les associations doivent “mettre en permanence la pression pour que ces sujets soient inscrits à l’ordre du jour”.

“S’investir sur toutes ces questions enverrait un signal fort à la population française que nous luttons contre les discriminations et que l’on se préoccupe de ce qu’elle attend”, analyse Jean-Louis Touraine.

Un “calendrier électoraliste” ?

Le gouvernement semble justement avoir compris qu’il ne peut pas se passer de ce texte, porteur de la 1ère et sans doute seule grande réforme sociétale du quinquennat, et très attendu par les lesbiennes et les femmes seules après l’espoir suscité par François Hollande en 2012.

“Ils accélèrent dans les derniers mètres pour des raisons politiques et électoralistes, présume Véronique Cersaoli de l’association SOS Homophobie. Ce n’est pas leur priorité, mais ils savent que ce serait très problématique de ne pas le faire”. “C’est complètement hypocrite”, abonde Laurène Chesnel. 

Car cette attente aura eu des conséquences très concrètes, à en croire les associations. “De nombreuses femmes ont passé ou vont passer dans les prochains mois la limite d’âge pour accéder à la PMA en France”, regrette Véronique Cersaoli. Face à ces critiques sur le vote trop tardif de la loi, l’exécutif botte en touche.

“Bien sûr que le président souhaite que ça aille vite car il sait et entend l’attente voire l’impatience de celles et ceux que cela concerne directement”, rétorque-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Mais “son rôle est aussi d’entendre les avis de tous et d’être le président de tous les Français”.

Cette impatience, Olivier Véran dit lui aussi “la comprendre”. “Mais cette fois, nous y sommes enfin, se réjouit-il. J’ai demandé à mes équipes de travailler en temps masqué pour qu’une fois adoptée, la loi puisse être applicable le plus vite possible. Nous voulons que l’égalité des droits soit réelle sitôt la loi promulguée”. Une promesse qui, comme l’espèrent toutes les femmes concernées, sera cette fois bien tenue.

À voir également sur Le HuffPost: “Le jour où j’ai appris que j’avais été conçue par PMA grâce à un don de sperme”