“Polaris”, un grand 1er film sur la transmission entre sœurs

Que fait-on du manque d’amour ? Comment se débrouiller avec ? Polaris, 1er long métrage d’Ainara Vera, Espagnole de 38 ans déjà repérée pour son moyen See You Tomorrow, God Willing!, se le demande et laisse l’idée germer en envisageant une...

“Polaris”, un grand 1er film sur la transmission entre sœurs

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Que fait-on du manque d’amour ? Comment se débrouiller avec ? Polaris, 1er long métrage d’Ainara Vera, Espagnole de 38 ans déjà repérée pour son moyen See You Tomorrow, God Willing!, se le demande et laisse l’idée germer en envisageant une 1ère solution : aimer celles qu’il regarde.

C’est d’abord le portrait d’une navigatrice, Hayat, que semble nous présenter le film, sélectionné à l’ACID en 2022, dans cette veine assez classique du documentaire qui consiste à observer l’exceptionnel d’une condition de vie et d’un métier, son intense solitude et les conditions extrêmes qu’il impose à un corps tout petit dans une nature trop grande.

Polaris réfléchit au caractère singulier et rare, à l’expérience parfois violente de la condition de femme dans un milieu majoritairement gouverné par les hommes. Mais le film vient vite briser cet attendu du genre sans totalement l’écarter, et rompt l’isolement de sa matelote au contact de Leïla, sœur d’Hayat, bientôt prête à accoucher seule.

C’est alors que Polaris devient le récit d’une solitude partagée. Hayat et Leïla, apprend-on bientôt, n’ont pas eu droit à une enfance heureuse, à l’attention et aux soins d’ordinaire réservés aux enfants. Elles sont nées d’un père absent et d’une mère malade, toxicomane et incapable de s’occuper d’elles. Cet abandon qui figure la condition de leurs existences, ce statut d’orphelines précoces aura ainsi déterminé ou solidifié les contours de leurs vies respectives et la force de leurs liens que le film rend immédiatement tangibles, éclairés par la seule présence de ces deux protagonistes qui se causent.

Film épistolaire

Plus qu’un double portrait, Polaris devient alors ce grand film épistolaire où les lettres se sont changées en appel FaceTime, et où la connexion établie entre les deux, malgré un réseau mobile pas toujours fiable selon les mers sillonnées par Hayat, a valeur de cordon ombilical qui fait tenir l’ensemble, le peu de ce qui leur reste de famille à deux et bientôt à trois. Le film rend avec une acuité particulière les bénéfices de ce média, désormais démocratisé après des temps de crise sanitaire, qui accueille les questionnements des deux sœurs et encapsule leur protection mutuelle avant que le film ne les réunisse en chair et en os.

Comment transmettre ce que l’on n’a pas reçu ? Polaris y pense et Hayat l’exprime à voix haute, elle qui à la manière de l’astronaute mélancolique d’Ad Astra de James Gray semble chercher sur l’eau et à travers le monde un remède pour vaincre cette abyssale peur d’un vide affectif. À l’image, les années écoulées défilent alors dans un temps de projection restreint (à peine 1 h 20 de film) et c’est pourtant toute la charge émotionnelle d’une renaissance, d’une vie retrouvée qui prend forme et s’agite avec au bout la sensation, par pointe légère, d’une détresse un peu apaisée par le passage du temps et des saisons. Alors peut-être la jeunesse aura permis à Hayat, promeneuse solitaire, “d’étudier la sagesse” et la vieillesse naissante, “de la pratiquer”.

Polaris d’Ainara Vera, en salle le 21 juin.