Pour cet été 2021, l'épargne des Français, clef de la relance, pourrait se faire attendre

CONSOMMATION - Cap sur le mois de mai. Le Premier ministre, Jean Castex l’a confirmé en conférence de presse ce jeudi 22 avril, les mesures pour lutter contre le Covid-19 devraient progressivement être levées le mois prochain. Après la fin...

Pour cet été 2021, l'épargne des Français, clef de la relance, pourrait se faire attendre

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Une femme marche sur plage de Deauville le 5 septembre 2020

CONSOMMATION - Cap sur le mois de mai. Le Premier ministre, Jean Castex l’a confirmé en conférence de presse ce jeudi 22 avril, les mesures pour lutter contre le Covid-19 devraient progressivement être levées le mois prochain. Après la fin des limites de 10km le 3 mai, plusieurs lieux accueillant du public devraient rouvrir à la mi-mai, dont les terrasses. Une vraie bouffée d’air frais après six mois de restrictions qui pourraient, veulent croire certains, transformer les Français en véritable cigale, et booster la croissance.

Comme l’an passé, à la suite du confinement dur du printemps 2020, l’économie lorgne sur le bas de laine conséquent accumulé et qui s’élève sur la période 2020-2021 à 160 milliards d’euros épargnés, dont 55 milliards pour l’année en cours. Au mois de mars, le Livret A a encore atteint des records avec 2,8 milliards d’euros déposés.

Une vraie manne de relance, comme le pointe l’OFCE dans une note publiée mi-avril. L’observatoire français des conjonctures économiques estime que si 20% de cette épargne, soit 28 milliards d’euros, était dépensée, la croissance du PIB serait de 6% en 2022, soit deux points de plus que la prévision du gouvernement, et le chômage à 8,7%. Inversement, en cas de non-désépargne, la croissance plafonnerait à 4,3% et le taux de chômage grimperait à 9,4 %.  Si le scénario optimiste reste pour le moment privilégié par l’OFCE, il nécessite de remplir un cahier des charges à la fois sanitaire et économique.

Souviens-toi l’été dernier

Il va tout d’abord falloir se montrer patient, estime Éric Heyer, directeur du département analyses et prévisions à l’OFCE et co-auteur de la note. Contacté par Le HuffPost, il explique que la 1ère condition pour ce scénario optimiste est évidemment que la crise sanitaire se conjugue au passé. “On est partis sur une hypothèse de calendrier où l’on reviendrait à la situation de l’été 2020 en septembre 2021. Et donc un retour à la normale fin 2021 début 2022, pile pour les vacances au ski. Mais attention, en 2022, s’il y a encore des restrictions sanitaires, il y aura encore de l’accumulation d’épargne”, note-t-il.

C’est grossièrement d’ailleurs ce qu’il s’est passé l’été dernier: entre un relâchement nécessaire après un confinement dur et une pandémie toujours menaçante, les Français ont dépensé, mais avec précaution. “L’année dernière, les gens louaient plutôt des maisons avec piscine et faisaient des barbecues dans leur jardin, mais sans forcément aller au restaurant”, estime Éric Heyer. 

Et quand bien même ils auraient dépensé abonde Philippe Crevel, directeur du  Cercle des épargnants, joint également par Le HuffPost, “ils n’ont pas forcément touché à leur épargne”. “À chaque fois qu’il y a eu des restrictions, les Français ont consommé assez fortement et se sont fait plaisir, mais ça ne veut pas dire qu’ils ont puisé dans leur épargne. Les Français sont par ailleurs très prudents. A chaque crise, leur niveau d’épargne augmente sans jamais retrouver vraiment ensuite un niveau inférieur. C’est ce qu’on a vu en 2008 notamment.” 

Made in France

Dès lors, et étant donné le calendrier de déconfinement, il n’est vraisemblablement pas question que les Français fassent flamber leur épargne en terrasse ou en vacances dès le mois de juin. Une vraie perte pour le secteur du tourisme, analyse Éric Heyer, qui illustre par ailleurs les enjeux à venir autour de la consommation de relance. “Le pire scénario serait que cette surépargne aille dans la consommation de produits industriels fabriqués à l’étranger. L’idéal resterait que les autres pays achètent massivement de l’industrie française et que nous consommions du service, comme les commerces, les restaurants, les services à la personne, théâtre, tous ces secteurs qui ne sont pas de l’industrie et qui sont non délocalisables”, précise Éric Heyer.

L’année dernière, le fort rebond de la consommation estival a été dirigé vers les biens et moins les services, et c’est bien normal selon Éric Heyer: “De toute façon en matière de service, ce qui est perdu est perdu. On ne va pas surconsommer des services en allant quatre fois dans la semaine au restaurant. On pourra éventuellement se faire plus plaisir avec un restaurant haut de gamme, mais l’impact sera marginal”.

 

Dis-moi combien tu épargnes, je te dirais...

Si les conditions sanitaires et l’objet des dépenses sont deux conditions indépassables pour que l’épargne profite pleinement à la relance, un autre facteur vient peser dans la balance: le profil des épargnants. Sans surprise, ce sont surtout les plus riches qui ont épargné depuis le 1er confinement. 

En mars, l’Insee estimait dans une note que le patrimoine des 25% les plus modestes a augmenté de 218 euros en 2020 et celui des 25% les plus aisés de plus de 10.000 euros. 

Or note encore l’Insee, cela ne veut pas dire que ce sont forcément les seconds qui sont prompts à rattraper la consommation. L’institut indique ainsi dans sa note que “pendant l’été, le rebond de la consommation a été plus marqué pour les ménages avec des faibles revenus, et au contraire moins prononcé pour ceux avec de hauts revenus”. Et c’est là où le bât blesse, pointe en creux Éric Heyer. “Il y a une probabilité que ces ménages utilisent plutôt cette épargne pour acheter des actifs financiers ou immobiliers. On voit que les bourses ont très fortement progressé cette année. Ce ne n’est pas l’économie réelle qui serait alors stimulée, et c’est en partie pour cela que nous avons tablé sur une réinjection de 20% de l’épargne dans notre scénario optimiste”, analyse-t-il. 

En la matière, l’économiste Anne-Laure Delatte citait en octobre dans Libérationune étude de l’université de Princeton aux États-Unis. Cette dernière démontrait que l’accumulation d’épargne depuis les années 80 des ménages les plus riches n’avait pas entrainé plus d’investissement réel.

Taxer l’épargne pour qu’elle soit dépensée ?

Une déconnexion entre l’épargne et l’économie réelle que réfute en revanche Philippe Crevel, qui estime qu’une taxe sur l’épargne du Covid comme évoquée un moment dans les débats publics, mais écartée par l’exécutif, ne serait pas tenable. “L’épargne n’est pas nuisible, c’est un acte de précaution. Les dépôts sur les livrets servent aussi à financer les crédits, l’économie solidaire, les prêts à la consommation. La taxation de l’épargne in fine n’encourage qu’à épargner encore plus”, abonde-t-il, pointant également du doigt l’importance de facteurs structurels pour expliquer la frilosité ambiante. À savoir, le manque de confiance dans un contexte de précarisation avec des contrats de travail plus courts, mais aussi un vieillissement de la population qui pousse à investir dans la pierre pour la retraite.

Force est de constater, qu’en matière de confiance, il y a effectivement du mieux à faire pour éviter le repli ricardien, un phénomène où, anticipant une crise, les épargnants ne dépensent pas leur patrimoine. “Si on commence à dire que la dette publique est un problème et qu’il faut baisser la dépense publique via notamment une réforme des retraites et du chômage, ça n’est pas un bon signal pour que l’épargne soit consommée. En 2022, il faudra que la situation économique ne soit pas détériorée pour la reprise. C’est aussi à cette période que les entreprises, qui ont perdu près de 90 milliards d’euros en fonds propres, commenceront à rembourser leur PGE. Attention donc à ce que ça ne se traduise par une pluie de faillites”, pointe Éric Heyer.  

Face à cela, le gouvernement se démène pour assurer qu’il n’entend pas augmenter les impôts des Français. Pas sûrs que ces derniers se laissent séduire. Selon un sondage Elabe pour Les Échos, et datant de janvier, 63 % des Français anticipent une crise économique majeure avec un impact très important sur le chômage et les faillites d’entreprises. 

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