Pour les stations de ski, la saison blanche du Covid est un avertissement de plus
CORONAVIRUS - La montagne est-elle sur le point de planter le bâton et d’amorcer son virage? La saison blanche se confirme pour les stations de ski françaises alors que le gouvernement a annoncé ce lundi que les remontées mécaniques resteraient...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
CORONAVIRUS - La montagne est-elle sur le point de planter le bâton et d’amorcer son virage? La saison blanche se confirme pour les stations de ski françaises alors que le gouvernement a annoncé ce lundi que les remontées mécaniques resteraient fermées tout le mois de février. Pour les professionnels du secteur et les saisonniers, c’est évidemment un scénario catastrophe qui risque de précipiter encore plus rapidement certaines stations au bord du dépôt de bilan.
“Précipiter”, car depuis plusieurs années les saisons sans neige se multiplient aussi bien dans les Alpes que dans les Pyrénées, et posent à nouveau la question des reconversions des stations dont l’activité économique est essentiellement tournée vers le ski alpin. Elles peinent à sortir du cercle vicieux pour lequel le Plan Neige engrangé au milieu des années 60 a posé les bases. Une vingtaine de nouvelles stations et des dizaines de milliers d’hébergements sont sorties de terre pour construire du jour au lendemain la filière sports d’hiver.
C’était sans compter sur l’émergence du réchauffement climatique qui a poussé les territoires à investir massivement dans la neige de culture. En Auvergne-Rhône-Alpes, où les domaines skiables dépassent le milliard d’euros de recettes chaque année, Laurent Wauquiez a investi en 2016 50 millions d’euros dans les canons.
Pour Vincent Vlès, professeur émérite en aménagement et urbanisme à l’université de Toulouse, contacté par Le HuffPost, ce sont pourtant des solutions à court terme. “Outre le fait qu’elles sont très coûteuses pour des stations qui n’ont pas les finances assez solides, de nombreuses études montrent désormais l’impact environnemental des neiges de culture. Les dernières projections climatiques montrent que, dans les 20 à 30 ans, il faudra de toute façon imaginer une reconversion. Notamment pour les petites ou moyennes stations”.
Une étude menée en 2019 par le Centre national de recherche météorologique et Irstea Grenoble s’est penchée sur le futur des stations de ski face au réchauffement climatique. Elle notait qu’après 2050, au-delà d’une augmentation de 3 degrés, la neige de culture ne suffirait plus à compenser la réduction d’enneigement naturel.
Noël, un avant-goût du futur ?
Le poids du réchauffement climatique dans l’économie de la montagne avait d’ailleurs déjà poussé la Cour des comptes à tirer la sonnette d’alarme en 2018 face à la vulnérabilité des stations alors qu’en moyenne deux à trois stations ferment tous les ans. La Cour y allait alors à pas de loups en appelant à “diversifier prudemment l’activité” des stations et “reconvertir les sites menacés”.
Trois ans plus tard, face à l’épidémie de Covid, de nombreuses stations y ont été partiellement obligées. Au final, le taux de fréquentation s’est établi à 25%. Des chiffres encourageants pour Vincent Vlès qui pointe toutefois le caractère très particulier de la période.
“Les vacances de Noël se sont déroulées dans un contexte contraint, avec des réunions de famille limitées. La pandémie a effacé artificiellement la concurrence internationale. Les Français ne pouvaient pas aller skier ailleurs et les amoureux de la montagne se sont repliés vers les stations françaises. Que fera cette clientèle lorsque les équipements de ski alpin ouvriront à nouveau, on ne le sait pas”, alerte-t-il.
De fait, l’ensemble de la filière a tout de même engrangé une perte de chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros sur les deux dernières semaines de décembre.
Au coeur de la reconversion, c’est bien l’enjeu de la rentabilité qui se pose. Pour certaines stations, c’est déjà un pari réussi. “Le premier exemple historique, c’est certainement celui du Mas de la barque dans les Cévennes, qui était une petite station qui accueillait 3000 skieurs le week-end. Finalement en 93, après deux saisons sans neige et un déficit de plusieurs dizaines de milliers d’euros, elle a démonté ses remontées et s’est positionnée sur une station de pleine nature avec de la randonnée, du VTT, du ski de fond, des raquettes. Un village de gîtes a été construit”, détaille Vincent Vlès. Au final, le taux d’occupation est moyen mais l’activité suffit pour que le domaine soit rentable.
Ce modèle de la base de loisirs s’ajoute aux trois autres pistes de reconversion identifiées par Pierre-Alexandre Métral, doctorant en géographie à l’Université de Grenoble Alpes: la transformation en hameau par l’arrivée de nouveaux habitants, le retour à la nature et à l’alpage, et enfin un troisième modèle mixte où seule une poignée de remontées est gardée et gérée sur un mode plutôt associatif.
Électrochoc des grandes stations ?
Ces quatre modèles de reconversion sont des pistes qui figurent notamment dans le nouveau programme national pour la montagne piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Comme l’a expliqué la ministre Jacqueline Gourault en conférence de presse fin novembre, ce programme doit “travailler à la définition d’une nouvelle offre de services orientée vers les territoires ruraux et de montagne”.
Cela tombe bien puisqu’en la matière, précise Vincent Vlès, il y a encore tout à faire. “C’est tout un nouveau modèle économique qu’il convient d’inventer, et nul ne dit que la culture française de la pratique de la nature acceptera de bon gré de payer pour s’aérer. La recherche a montré par exemple que, l’été, l’accès payant - comme c’est le cas en Espagne - était refusé à plus de 80% dans les sites naturels exceptionnels”, interpelle le spécialiste. Qui estime que l’aide financière ne suffira pas. “Il faut accompagner l’effort par des équipes scientifiques au plus près du terrain pour conseiller, comme ce qui a été fait pour le Plan neige.”
Pierre-Alexandre Métral considère certes que ce “premier électrochoc” du Covid pourrait “pousser (les stations) à l’adaptation”. “On voit quelques bribes de créativité”, juge-t-il. Mais la transition prendra du temps. Vincent Vlès abonde: “Pour les grandes stations alpines, il n’y aura pas de prise de conscience. Ces systèmes sont dans une logique fermée et c’est valable pour toutes les stations moyennes ou un peu grosses. Elles vont essayer d’aller au bout de la durabilité du système. Si l’année prochaine, elles font une très bonne saison, elles oublieront la crise. Les acteurs sont tenus par un jeu de dépendance entre lobbys et capitaux financiers. Le Covid est un voyant qui s’allume sur un tableau de bord mais il n’est pas dit que le pilote y prête une attention durable”.
À voir également sur Le HuffPost: Le désarroi de cette station de ski familiale face à la fermeture