Pourquoi Castex va prendre des mesures en Île-de-France mais pas en Paca: réponse en courbes
SCIENCE - Emmanuel Macron a tout fait pour attendre, mais le maître du temps, c’est le coronavirus. De nouvelles restrictions pour l’Île-de-France et les Hauts-de-France ont été décidées par le président lors d’un Conseil de défense, mercredi...
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SCIENCE - Emmanuel Macron a tout fait pour attendre, mais le maître du temps, c’est le coronavirus. De nouvelles restrictions pour l’Île-de-France et les Hauts-de-France ont été décidées par le président lors d’un Conseil de défense, mercredi 17 mars.
Ces nouvelles mesures (trop tardives pour certains) seront annoncées ce jeudi 18 mars par Jean Castex et Olivier Véran, un an après le premier confinement provoqué par la pandémie de Covid-19. En plus ou à la place de l’actuel couvre-feu, un confinement le week-end, voire un confinement généralisé toute la semaine seraient notamment étudiés pour ces deux régions, ainsi que dans certains départements limitrophes: l’Yonne, l’Aube, la Marne, le Loiret, l’Eure-et-Loir, l’Eure et la Seine-Maritime.
Ces nouvelles mesures ne devraient pas s’appliquer en Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur), a précisé mercredi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, alors que les Alpes-Maritimes sont déjà soumises à un couvre-feu doublé d’un confinement le week-end depuis fin février.
Pourquoi ce traitement particulier pour la région du sud-est, qui cumule elle aussi plusieurs départements sous surveillance renforcée? Pour y voir plus clair, Le HuffPost vous propose de faire le point sur l’épidémie de Covid-19 en courbes et en cartes.
L’incidence en Paca, Île-de-France et Hauts-de-France
Commençons par regarder les taux d’incidence et de positivité dans ces trois régions. Un indicateur utile car très réactif, mais loin d’être parfait. On voit dans les graphiques ci-dessous que la région Paca a moins de cas rapportés à sa population ces derniers jours que les Hauts-de-France ou que l’Île-de-France, qui a dépassé les 400 contaminés pour 100.000 personnes. Mais l’incidence reste très élevée, bien au-dessus du seuil “d’alerte maximale”.
Si l’on regarde en détail l’évolution de ces taux (pour mieux cerner la hausse ou la baisse de la courbe), on voit même que la région du sud-est voit son incidence baisser depuis fin février.
Impossible pour autant de dire que le confinement le week-end dans les Alpes-Maritimes permet de l’expliquer: il a été mis en place le 26 février, or la baisse a commencé quelques jours plus tôt. Alors même qu’il y a un décalage entre les mesures et leurs effets sur l’incidence. Logique: il y a un délai de 5 jours en moyenne avant de tomber malade du Covid-19 après avoir été contaminé.
La réanimation en Paca, Île-de-France et Hauts-de-France
Les taux d’incidence et de positivité sont utiles, mais insuffisants. Ils peuvent en effet varier fortement en fonction du dépistage. Les indicateurs hospitaliers sont plus stables dans le temps (même si les variants et les vaccins changent un peu la donne ces dernières semaines).
Et ici, difficile de comprendre les décisions de l’exécutif à première vue. Les lits en réanimation sont occupés à 101% de leur capacité habituelle en Île-de-France, à 116% dans les Hauts-de-France et à 111% en Paca.
Pour autant, si l’on regarde sur la durée, on voit quelques nuances dans la tendance.
Ce second graphique, qui montre l’évolution en pourcentage du nombre de personnes hospitalisées ou en réanimation, permet de mieux s’en rendre compte. Les hospitalisations ont quelque peu baissé en mars en Paca, pas dans les deux autres régions. En réanimation, la différence est beaucoup plus nuancée, mais existe tout de même.
Les variants en Paca, Île-de-France et Hauts-de-France
Reste un dernier indicateur important: la part de variants dans chaque région. Notamment le variant anglais, plus contaminant et entraînant probablement des cas plus graves.
Sur ce terrain, difficile de trouver des ingrédients pour expliquer le traitement spécial de la région Paca. Le variant anglais (V1) représente plus des trois quarts des cas dans les trois territoires et est même plus établi dans le sud-est qu’ailleurs.
En clair, on voit bien que les trois régions sont toutes à haut risque vis-à-vis de l’épidémie de coronavirus. De faibles nuances dans l’évolution de l’épidémie permettent de mieux comprendre le choix du gouvernement, même s’il est loin d’être évident. Le niveau de circulation du virus, la part des variants et la tension hospitalière est telle en Paca que la situation pourrait basculer très rapidement.
Nos autres indicateurs génériques
Retrouvez ci-dessous d’autres cartes et courbes nationales et départementales afin de mieux cerner l’évolution de l’épidémie de coronavirus en France.
Les courbes globales du Covid-19 en France
Voici une description des principaux indicateurs suivis:
- Taux d’incidence: c’est le nombre de cas détectés pour 100.000 habitants. Il est très utile, car il donne un état des lieux de l’épidémie en quasi-temps réel (quelques jours de décalage pour l’apparition des symptômes, voire avant leur apparition pour les cas contacts). Mais il est dépendant des capacités de dépistage.
- Taux de positivité: c’est le nombre de tests positifs par rapport aux tests totaux effectués. Il permet de “contrôler” le taux d’incidence. S’il y a beaucoup de cas dans un territoire (taux d’incidence), mais que cela est uniquement dû à un dépistage très développé, le taux de positivité sera faible. À l’inverse, s’il augmente, cela veut dire qu’une part plus importante des gens testés sont positifs, mais surtout que les personnes contaminées qui ne sont pas testées, qui passent entre les mailles du filet, sont potentiellement plus nombreuses.
- Taux d’occupation des lits de réanimation par des patients Covid-19: C’est un chiffre scruté, car il permet de savoir si les hôpitaux sont capables de gérer l’afflux de patients. Il est très utile, car il y a peu de risque de biais: il ne dépend pas du dépistage et les occupations de lits sont bien remontées aux autorités. Son désavantage: il y a un délai important entre la contamination et le passage en réanimation, d’environ deux à trois semaines.
- Décès à l’hôpital: Comme les réanimations, c’est un indicateur plutôt fiable, mais avec un délai important.
Cartes du taux d’incidence et de positivité par département
Sur la carte ci-dessous, on peut voir l’évolution du taux d’incidence sur les trois dernières semaines, en pourcentage, par département (le menu permet de remonter le temps pour comparer la situation depuis le mois de décembre).
Pour des raisons techniques, les territoires ultramarins ne sont pas visibles sur nos cartes, mais sont accessibles dans le moteur de recherche en haut à gauche. On voit ici que l’évolution est loin d’être claire.
Mais seul, ce baromètre peut être parfois trompeur. Le taux de positivité permet de limiter les biais. C’est pour cela que nous avons également mis au point une carte de France basée sur le taux d’incidence et de positivité. Chaque département est coloré en fonction de l’évolution de ces indicateurs. La première carte (bouton “tendances”) permet de voir l’évolution dans le temps du taux d’incidence et de positivité. En clair, de savoir si la situation s’améliore ou se détériore dans chaque département.
Comme ces taux dépendent des remontées du dépistage, nous avons choisi de mettre en avant uniquement les baisses et hausses des deux taux pendant plus d’une semaine.
La seconde carte (bouton “indice global”) montre l’état d’un département par rapport aux seuils de vigilance et d’alerte mis au point par le gouvernement lors du déconfinement en mai dernier. Par rapport à la seconde vague, une grande partie des départements ne sont plus au-delà des deux seuils d’alerte. Mais on voit que la situation reste compliquée dans une majorité de départements.
Courbes du taux d’incidence et de positivité par département
Si la carte ci-dessus est pratique pour voir en un coup d’œil la situation actuelle et la tendance globale par département, il peut être également utile de regarder plus en détail l’évolution dans un département précis. C’est justement ce type d’évolution qui est scrutée par les autorités pour prendre des mesures locales, comme l’avancée du couvre-feu à 18h.
Nous avons donc mis au point un graphique permettant de comparer l’évolution du taux d’incidence et de positivité dans le temps, par départements. Ici aussi, il faut se garder de conclusions hâtives: une hausse ou une baisse doit se confirmer pendant plusieurs jours et, surtout, se voir répercuter sur les autres indicateurs.
Carte des réanimations par département
L’un des indicateurs les plus stables est le nombre de personnes qui entrent en réanimation. C’est également celui que suit avec attention le gouvernement, car le taux d’occupation de ces lits est primordial: il faut éviter une saturation qui, en plus des morts provoqués par le Covid-19, engendrerait des conséquences en cascade sur le reste du système de santé.
La carte ci-dessous résume la tendance en termes de nombre de lits en réanimation occupés par des patients Covid-19, sur les 7 et 14 derniers jours.
Courbes des réanimations et hospitalisations par départements
Le principal inconvénient de cet indicateur, c’est qu’il y a un gros décalage temporel. “Pour les cas sévères, on a estimé qu’il se passe environ deux semaines entre l’infection et l’admission en réanimation. Donc l’impact d’une mesure contraignante ne sera visible que 14 jours après”, explique au HuffPost Samuel Alizon, directeur de Recherche au CNRS, spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses.
Afin de pouvoir suivre cette évolution justement, voici un graphique permettant de voir le nombre de personnes hospitalisées ou en réanimation pour cause de coronavirus, dans chaque département.
À voir également sur Le HuffPost: Comment contrôler une épidémie, mode d’emploi