Pourquoi il ne faut jamais déjeuner à son poste de travail (surtout chez soi)
VIE DE BUREAU - Le gouvernement français interdit depuis des années aux salariés de déjeuner à leur bureau. Mais, il y a peu, afin de contrôler l’épidémie de Covid-19, la ministre du Travail a modifié la législation en vigueur, permettant aux...
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VIE DE BUREAU - Le gouvernement français interdit depuis des années aux salariés de déjeuner à leur bureau. Mais, il y a peu, afin de contrôler l’épidémie de Covid-19, la ministre du Travail a modifié la législation en vigueur, permettant aux Français de prendre leur repas à leur poste. Dans les faits, les employés surpris à déjeuner sur leur lieu de travail ne risquent plus d’écoper d’une amende.
Cette loi temporairement abrogée a toujours visé à encourager les travailleurs à briser leur routine. Selon de nombreuses études, cette pause serait tout aussi nécessaire à la productivité que le fait de se concentrer sur un écran pendant longtemps.
Toutefois, les bienfaits d’une vraie pause-déjeuner ne se limitent pas au simple fait de s’accorder un temps de repos bien mérité. Le contenu de nos assiettes et la façon dont nous le consommons ont un impact tant psychologique que nutritionnel, surtout en cette période. Voici pourquoi il est bénéfique de quitter son bureau à l’heure des repas, surtout durant la pandémie.
Si vous travaillez de chez vous en ce moment, prenez garde à votre proximité avec la nourriture
Compte tenu des conditions de télétravail actuelles du Français lambda, n’importe quel espace de travail peut aujourd’hui être qualifié de “bureau”, qu’il s’agisse d’une table de salle à manger, d’un lit, d’un canapé ou d’un véritable bureau.
“Je n’ai eu aucun retour selon lequel les gens [en télétravail] seraient plus enclins à déjeuner devant leur écran”, déclare la psychologue clinicienne américaine Sam Von Reiche. “J’ai remarqué que les travailleurs à domicile profitent au contraire davantage du fait qu’ils peuvent aller se préparer un vrai repas.”
Cela étant, la psychologue note que la proximité de la cuisine a un impact direct sur le phénomène d’alimentation inconsciente, qu’il faut s’efforcer d’éviter. Son ressenti fait écho à celui des praticiens de santé et des nutritionnistes.
“L’alimentation inconsciente consiste à manger sans prêter attention aux signaux physiologiques auxquels on serait peut-être plus attentif à table”, explique Leanne Redman, codirectrice déléguée du pôle d’enseignement scientifique du centre de recherche biomédicale Pennington. “Comme on ne perçoit pas la sensation de satiété, on risque de manger vite sans se sentir rassasié.”
Un problème que la pandémie actuelle accentue. Dans un cadre professionnel traditionnel, les employés sont d’ordinaire limités dans leur choix de repas, en fonction de ce qu’ils ont à disposition. ”À l’ère du COVID-19, sortir acheter à manger est devenu une gageure, aussi avons-nous tendance à faire les courses en quantité et à stocker des réserves chez soi”, poursuit Leanne Redman. “Par conséquent, alors que nous restons assis, nos portions alimentaires (notamment les en-cas, mets de prédilection en matière d’alimentation inconsciente) ont significativement augmenté.”
Selon Brooke Scheller, docteur en nutrition clinique et spécialiste certifiée en nutrition, l’accès facilité à une plus grande variété alimentaire se traduit également par un apport calorique plus important. “En restant au même endroit, à proximité de la cuisine, on est plus susceptible de grignoter ”, résume-t-elle.
Pourquoi est-il recommandé de prendre le temps de déjeuner en conscience loin de son bureau, surtout durant la pandémie?
“L’idée de rester à traiter des e-mails pendant le déjeuner peut sembler pertinente”, déclare Brooke Scheller, “mais en se levant de son siège pour s’accorder une pause, on gagne par la suite en productivité. Dans l’idéal, il faudrait faire une coupure d’une demi-heure ou d’une heure. On a tendance à se tuer à la tâche quand on ne s’impose pas ces moments de détente.”
Sam Von Reiche rejoint Brooke Scheller sur ce point: “Prendre le temps de recharger les batteries et de [donner à son] cerveau l’occasion de redémarrer (...) permet ensuite d’être plus attentif et de booster sa créativité.”
Brooke Scheller mentionne en particulier l’hormone du stress, appelée cortisol, dont le taux est probablement déjà élevé durant une période aussi anxiogène que la pandémie. Selon de nombreuses études, une exposition prolongée à la lumière bleue émise par les écrans (ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.) stimule considérablement la production de cortisol par l’organisme. En quittant son poste de travail, on se préserve donc d’une source de stress supplémentaire.
Il ne faut pas non plus négliger le potentiel relationnel du déjeuner. En temps normal, la pause méridienne offre aux employés l’occasion de socialiser, un facteur psychologique indispensable à tous les humains. Inutile de rappeler que ce besoin d’interaction (à distance raisonnable et avec masque, bien entendu) est mis à l’épreuve à l’heure actuelle.
“Il ne me paraît pas nécessaire d’expliquer pourquoi nous avons plus que jamais besoin de souffler”, poursuit Sam Von Reiche. “Nous sommes privés [d’interactions sociales] depuis bien longtemps. Et même si certains considèrent internet ou les réseaux sociaux comme un mode de socialisation, ce n’est pas du tout la même chose. Les gens expriment malgré tout un sentiment d’isolement et de dépression en restant chez eux.”
Existe-t-il quand même des avantages à déguster une salade à son bureau en toute tranquillité? “En matière de distanciation physique, il est évident que déjeuner à son poste permet de garder ses distances”, concède-t-elle. “Cependant, je reste convaincue qu’il est possible de faire la même chose en sortant s’assoir sur un banc pour déjeuner en profitant du soleil et du grand air.”
Des astuces à mettre en place pour améliorer son bien-être
En 1er lieu: notez la pause-déjeuner dans votre agenda. Que l’on pose une demi-heure ou une heure, se réserver du temps pour soi hors de son espace de travail est un très bon début. “Cela vous aidera à faire des choix plus réfléchis à l’heure du repas”, explique Leanne Redman.
Si vous ne pouvez pas sortir de chez vous, pas d’inquiétude! Il suffit peut-être de quitter la pièce dans laquelle vous avez passé la matinée. “Changez d’environnement”, conseille Brooke Scheller. “Si possible, installez-vous dans un autre espace que celui où vous travaillez. Si vous avez une table ou un endroit associé à la prise des repas, ne vous privez pas de l’utiliser.”
Selon Sam Von Reiche, il est important de “se préparer au déjeuner”. Qu’il s’agisse de mettre la table ou d’écouter de la musique, l’important consiste à manger dans un environnement différent, quand bien même on resterait chez soi.
Mieux vaut également évacuer la tentation d’attraper dans le frigo de quoi manger sur le pouce devant son écran. “Ne laissez pas de nourriture en évidence!” suggère Leanne Redman. “Il vaut mieux ne rien laisser à portée de main sur le plan de travail et cacher les denrées au fond du cellier. Dans le frigo, ne rangez pas en évidence les produits les plus faciles à grignoter.”
Leanne Redman va même jusqu’à conseiller de se comporter comme si on allait au bureau. “Il faut préparer le déjeuner comme si on quittait la maison, et donc anticiper repas et en-cas de la pause-café comme on le ferait en temps normal.”
S’il vous paraît difficile de suivre ces recommandations, ne désespérez pas. En s’appuyant sur une étude mondiale menée sur 7.754 personnes par le centre de recherche biomédicale Pennington en avril 2020, Leanne Redman rapporte qu’en raison de l’anxiété et de la panique engendrées par la pandémie 30% des participants ont déclaré éprouver de plus en plus de difficultés à éviter les distractions responsables du trouble alimentaire inconscient dont il est ici question. De toute évidence, vous n’êtes pas seul·e!
Les Français ont-ils eu raison d’interdire la prise de repas sur le lieu de travail?
“Certains pays méditerranéens pratiquent la sieste postprandiale”, déclare-t-elle. “C’est un concept intéressant.” En mettant l’accent sur les pauses, les Européens optimisent leurs temps d’activité.
Brooke Scheller estime également que les pauses améliorent la productivité. “Nous travaillons de 9h à 17h, du lundi au vendredi, souvent persuadés que la détente et l’amusement sont réservés aux week-ends ou aux vacances”, dit-elle. Selon elle, une pause prévue en amont sur un jour de travail serait aussi reposante que le fait de partir en escapade. “Je trouve très plaisant d’admettre que l’on peut s’autoriser à quitter son bureau dans la semaine pour se faire plaisir.”
Ce qui est peut-être le plus triste, c’est que notre conception de la pause méridienne finit par affecter les autres aspects de notre vie. “La culture professionnelle aux États-Unis se voit reprocher d’imposer le travail à tout prix, avec pour conséquence directe des niveaux de satisfaction de vie plus bas qu’en Europe. Nous avons vraiment beaucoup à apprendre des Européens, en termes de proportions de congés et de temps de pause”, déclare Sam Von Reiche. “On constate chaque jour les effets néfastes de la politique américaine qui prône la productivité avant le bien-être.”
Cet article, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Mathilde Montier pour Fast ForWord.
À voir également sur Le HuffPost: Les patrons ont-ils confiance en leurs employés en télétravail?