Pourquoi “In the Cut” vaut mieux que sa réputation sulfureuse
“What will I be ? Will I be pretty ? Will I be rich ? (…) Que sera, sera…” C’est sur cette ritournelle rendue célèbre par Doris Day dans L’homme qui en savait trop (Hitchcock, 1956), adressant à son garçon les mots tendres de ce conte philosophique...
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“What will I be ? Will I be pretty ? Will I be rich ? (…) Que sera, sera…” C’est sur cette ritournelle rendue célèbre par Doris Day dans L’homme qui en savait trop (Hitchcock, 1956), adressant à son garçon les mots tendres de ce conte philosophique musical, que s’ouvre, dans une version quasi atonale et planante, In the Cut. A l’image, et comme rarement dans la filmographie de Jane Campion, une ville, New York, s’éveille dans un ciel encore délavé.
La cinéaste filme ce réveil comme au lendemain d’une gueule de bois. Sa caméra ramasse les débris d’une nuit urbaine banale et agitée sans en évacuer la beauté mystique (la pureté d’une fine pluie de neige) avant de nous faire pénétrer dans la chambre de Frannie (Meg Ryan, revenue des comédies romantiques pour endosser une image sexuellement plus subversive), belle endormie en train de rêver d’un homme et d’une femme patinant sur la glace – nous apprendrons plus tard qu’il s’agit de ses parents.
Un film cabossé, chargé en motifs et en indices
Mis à l’honneur ce mois-ci par LaCinetek, qui propose tune sélection thématique de films policiers, In the Cut, sixième long métrage de Jane Campion, est une adaptation du best-seller de Susanna Moore, A vif. La cinéaste néo-zélandaise infiltre les décors poisseux d’un thriller urbain et raconte ce qu’elle n’a jamais cessé de raconter : le désir féminin, son éveil, ses vertus, filmé comme un déluge de vents contraires, de jeux (possession/dépossession, dominant·e/dominé·e), s’invitant comme par effraction dans le corps de l’héroïne, marquée ici, dès le début du film, par une scène de sexe dont elle ne se remettra pas.
Film cabossé mais troublant, chargé en motifs et en indices, In the Cut délaisse vite son intrigue policière, la vraie enquête est ici avant tout intime, existentielle et sexuelle. Etrangement, celle qui a déjà su filmer la fusion de deux corps inconnus ne réussit pas totalement sur le terrain de l’érotisme trash qu’elle convoite, né de la relation que Frannie entretient avec un détective moustachu et inquiétant (Mark Ruffalo) chargé d’enquêter sur la mort de femmes décapitées. Comme si, dans le grand bain new-yorkais, le cinéma de Jane Campion se dissolvait un peu, perdait pied comme son héroïne vacille, comme possédé par le chaos d’une ville qui ne dort jamais.
C’est quand il abandonne la chair pour l’intellect qu’“In the Cut” saisit le plus
Pourtant, dans ce film insomniaque, résiste un mystère effleuré dès l’ouverture. Sa beauté trouble réside dans le surgissement progressif d’un secret enfoui, d’un inconscient qu’il faudra du temps à décrypter. Au fur et à mesure que la traque du tueur se précise, c’est le rêve idéalisé du début (le père et la mère, amoureux·euses sur la glace) qui se fissure, s’assombrit. C’est quand il abandonne la chair pour l’intellect, qu’il pénètre dans le cerveau, le véritable refoulé de son héroïne, qu’In the Cut saisit le plus.
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Non pas parce que le dévoilement du secret familial agit comme un twist final renversant mais parce qu’il délivre une vérité sur le cinéma de Jane Campion, et sur la vie en général. Chez elle, le désordre du désir n’est qu’équilibre, affirmation de soi et liberté, il appelle les rencontres, les hasards, pour que la vie n’ait pas de plan, ni d’héritage et qu’arrive ce qui doit arriver. Que sera, sera.
In the Cut de Jane Campion, avec Meg Ryan, Mark Ruffalo, Jennifer Jason Leigh (E.-U., G.-B, Aus., 2003, 1h42). Sur LaCinetek