Pourquoi on sort bouleversé·es d‘“Atarrabi et Mikelats”, le nouvel OVNI cinématographique d‘Eugène Green

Le cinéaste français Eugène Green, auteur du Monde vivant, du Fils de Joseph ou de La Sapienza (essayiste et un romancier prolifique, il fut également un homme de théâtre), s’est toujours intéressé aux langues les plus diverses (il a tourné...

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Le cinéaste français Eugène Green, auteur du Monde vivant, du Fils de Joseph ou de La Sapienza (essayiste et un romancier prolifique, il fut également un homme de théâtre), s’est toujours intéressé aux langues les plus diverses (il a tourné un très beau film dans la langue du poète Luís de Camões, La Religieuse portugaise), les plus fragiles aussi, comme le français de l’âge baroque ou le basque.

En 2017, il consacrait son seul documentaire à ce jour, Faire la parole, à cette langue unique et mystérieuse qui renaît depuis quelques décennies après un long temps d’abandon ou de persécution (le centralisme uniformisateur en France, le nationalisme castillan franquiste en Espagne).

Une force d’expression souvent démente

Aujourd’hui, après quelques courts déjà tournés en euskara batua (la langue basque actuelle, forgée à la fin des années 1960), c’est un conte que Green fait renaître de ses cendres, ici pour un long métrage, une fois de plus coproduit par les frères Dardenne.

Ce conte explique l’histoire de Mari, une divinité majeure de la mythologie euscarienne, qui enfante deux garçons procréés avec un mortel. Elle décide de révèler leur éducation au diable. L’aîné, Atarrabi, devenu grand, s’enfuit de l’Enfer avant de se faire prêtre. Mais le diable a réussi à capturer son ombre et Mikelats vit toujours à ses côtés…

Les dernières images sont les plus élégiaques que nous ayons vues depuis des années.

Fidèle au conte, Eugène Green n’en reste pas moins attaché à son propre style, très frontal et symétrique, bressonien, hiératique, systématique, rigoureux (janséniste ?), qui manie aussi l’humour anachronique et vachard sans vergogne (l’Enfer, pour Green, c’est une boîte de nuit contemporaine…).

Mais le film est surtout poignant, d’une force d’expression souvent démente. Les dernières images – les obsèques d’un des personnages dans un paysage de montagnes venteux, où les oiseaux vont jouer un rôle capital dans la destinée de l’âme du défunt – sont les plus élégiaques que nous ayons vues depuis des années. Le chef opérateur fétiche de Green, Raphaël O’Byrne, effectue une fois de plus un travail d’une beauté remarquable.

Atarrabi et Mikelats de Eugène Green avec Saia Hiriart, Lukas Hiriart, Ainara Leemans (Fr., Bel., 2020, 2 h 02). En salle le 1er septembre