Pourquoi “The Eternals” est-il l’anti-Matrix ?
On rêvait The Eternals comme un blockbuster pivot dans l’histoire du genre, un game changer de la trempe de ceux qui ringardise en quelques séquences tout ce qui c’était fait avant en matière de film de super-héros progressiste. Le studio racheté...
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On rêvait The Eternals comme un blockbuster pivot dans l’histoire du genre, un game changer de la trempe de ceux qui ringardise en quelques séquences tout ce qui c’était fait avant en matière de film de super-héros progressiste. Le studio racheté par Disney l’avait annoncé : il y aurait au sein de la galerie de personnages cosmopolites de The Eternals le 1er super-héros ouvertement gay du MCU. Et cette petite révolution woke devait s’accompagner d’une refonte des codes esthétiques du genre puisque Kevin Feige l’avait annoncé, Chloé Zhao y imposait à Marvel son style naturaliste, marque de fabrique de ses trois 1ers films. S’il est bel et bien question de renouveler le genre dans The Eternals, c’est sur un tout autre terrain que celui de la proximité avec le réalisme ou avec les représentations des LGBTQ+.
Se déroulant juste après les événements d’Avengers : Endgame – tout en n’en reprenant aucun protagoniste – le film relit toute l’histoire de l’humanité à l’aune de l’existence des Éternels, une race d’extra-terrestres immortelle au sein de laquelle chaque individu jouit d’un pouvoir propre et complémentaire avec celui des autres Éternels. Obéissant à une entité supérieure appelée Céleste, sorte de dieu suprême, ils et elles ont pour mission de nous protéger des attaques des Déviants, sorte de monstre bestial à quatre pattes. Lorsque le film débute, cela fait bien longtemps que les Déviants ne se sont plus manifestés et que les Éternels vivent une vie d’humains seulement trahie par leur absence de vieillissement.
>> À lire aussi : Pourquoi “Avengers : Endgame” est un beau loupéTout en se focalisant sur l’épisode contemporain de la lutte entre des Déviants ayant réapparu dotés de pouvoirs augmentés et des Éternels qui réalisent qu’ils et elles doivent faire face à une autre menace, la narration ne cesse de faire des pas de géant dans le passé, pour visiter les civilisations successives que les Éternels ont connues et protégées. Ces allers-retours spatio-temporels font du film un vertigineux parc à thème où l’on passe du crépuscule de la civilisation inca à l’âge d’or de Babylone en un clignement d’œil, avec force VFX et couleurs criardes.
Encapsulée à l’échelle d’un grand manège Disney, cette vision du monde confronte sa mythologie auto-proclamée – des super-héros (demi-dieux) représentant une interface entre l’humanité et Dieu autant qu’un rempart contre le mal – à une croyance aveugle dans la technique. Sans trop en dévoiler, on peut dire que ce qui se joue dans The Eternals est le remplacement de la croyance religieuse ou mystique par la croyance dans la technologie. Face à la menace de l’extinction, c’est l’Éternel (qui a super-pouvoir d’ingénierie) qui échafaude un plan reposant sur la mise en réseau des pouvoirs de ses congénères qui, à ce moment-là du récit, ont fait le deuil de leur divine ascendance.
Un film de science-fiction
Au nom de la défense d’un humanisme générique (la famille, la bonté, l’amour) et d’une humanité arrivée à son stade maximal de développement, ce super ingénieur est capable de contrarier la volonté du dieu suprême et de libérer l’humanité de son joug. L’arborescence dorée qui recouvre l’armure des Éternels rappelle celle des circuits imprimés. Bien qu’ayant l’apparence d’animaux, les Déviants sont composés, eux, d’une grosse pelote de fibre optique ; tandis que le vaisseau des Éternels a l’aspect d’un immense carte-mère et que l’accessoire qui permet leur mise en relation a tout du bracelet-montre connectée. Même le fonctionnement interne des Éternels est celui d’un outil technologique puisqu’après une certaine période, ils et elles doivent être réinitialisé·es pour libérer de l’espace dans leur mémoire et fonctionner normalement.
À l’heure du dérèglement climatique, de la Covid-19 et autres symptômes d’apocalypse, le message est clair : c’est la technologie qui nous sauvera de la catastrophe. À ce titre, The Eternals est plus un film de science-fiction qu’un film de super-héros, dans le sens où il délivre une utopie basée sur le progrès technique, tout en prenant congé des liens qui unissent l’humain avec les mythes qui le dépassent.
La Némésis de ce blockbuster technophile ultime lui rétorquera dans un peu plus d’un mois. Il s’agit évidemment du quatrième volet de Matrix, cette grande saga technophobe qui a ouvert le siècle. Les deux récits proposent une réalité alternative – le monde factice fabriqué par les machines versus le monde réel dirigé en sous-main par les Éternels – où le corps humain est une simple ressource énergétique, sauf que Matrix veut nous sortir du metaverse tandis que The Eternals y fonce tête baissée.
The Eternals de Chloé Zhao en salles le 3 novembre
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