Procès d'Ikea France ou le "flicage" des salariés à la barre
JUSTICE - Les faits reprochés au géant du meuble remontent à plus de dix ans. Mais l’affaire rencontre aujourd’hui un écho particulier à l’heure où certaines pratiques de surveillance, mises en place par des entreprises pour faire face aux...
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JUSTICE - Les faits reprochés au géant du meuble remontent à plus de dix ans. Mais l’affaire rencontre aujourd’hui un écho particulier à l’heure où certaines pratiques de surveillance, mises en place par des entreprises pour faire face aux contraintes imposées par l’épidémie de Covid-19, suscitent craintes, débats et controverses.
Le procès de la filiale française d’Ikea, accusée d’avoir mis en place un système de surveillance illégal de certains de ses salariés, notamment de syndicalistes, s’est ouvert ce lundi 22 mars devant le tribunal correctionnel de Versailles.
Révélée en 2012 par Le Canard Enchaîné et Mediapart, l’affaire instruite après une plainte du syndicat FO avait sérieusement ébranlé Ikea France, contrainte de licencier quatre de ses dirigeants.
Des listes de “personnes à tester”
L’instruction a mis au jour, selon les termes du parquet de Versailles, un “système d’espionnage” d’employés et de candidats à l’embauche s’étendant sur l’ensemble du pays, d’Avignon à Reims, en passant par l’Île-de-France. Selon l’accusation, plusieurs centaines de personnes ont ainsi été passées au crible, leurs antécédents judiciaires ou leur train de vie scrupuleusement examinés.
Les prévenus sont notamment poursuivis pour collecte et divulgation illicite d’informations personnelles, violation du secret professionnel ou recel de ces délits, ce qui expose certains d’entre eux à une peine maximale de dix ans d’emprisonnement.
L’enquête a notamment montré que l’ex-directeur de la gestion des risques d’Ikea France envoyait des listes de personnes ”à tester” à des sociétés d’investigation privées auxquelles la filiale allouait un budget de 30.000 à 600.000 euros par an, selon l’ordonnance de la juge d’instruction consultée par l’AFP. Parmi leurs cibles, des salariés de la société ou des candidats au recrutement.
Dans le procès qui doit durer jusqu’au 2 avril, la filiale française d’Ikea, qui emploie 10.000 salariés, est poursuivie en tant que personne morale et encourt jusqu’à 3,75 millions d’euros d’amende.
Des alertes répétées
Si le cas d’Ikea France a connu un fort écho médiatique, notamment en raison de l’ampleur du système dénoncé et de la notoriété du géant de l’ameublement, l’affaire n’a rien d’un cas isolé. De nombreuses alertes sont portées chaque année devant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), où elles ont représenté en 2019 un peu plus de 10% des plaintes reçues.
En juin 2019, la CNIL infligeait ainsi une amende de 20.000 euros à une petite entreprise parisienne de traduction pour un système de vidéosurveillance intrusif et permanent: les six traducteurs étaient filmés ”à leur poste de travail sans interruption”.
En 2011, Canal+ avait été relaxée mais plusieurs ex-employés avaient été condamnés pour l’espionnage quelques années auparavant de Bruno Gaccio, auteur de l’émission satirique “Les Guignols de l’Info”, filé et filmé alors qu’il menait la contestation interne contre le licenciement du patron de la chaîne Pierre Lescure.
Sous la pression du Covid
Pour l’heure, aucun élément chiffré n’a permis d’établir si les mesures de confinement, de télétravail imposé et les restrictions sanitaires ont aggravé le recours à la surveillance des salariés. Une étude du cabinet ISG, portant sur 2000 entreprises à travers le monde et publiée en juin 2020, pointait que les intentions d’achat de produits et/ou services de surveillance des employés à distance avaient été multipliées par 500 depuis le début de la pandémie.
Un mois plus tard, la présidente de la CNIL Marie-Laure Denis s’inquiétait de voir se déployer “de façon anarchique” toute “une floraison de caméras dites intelligentes dans l’espace public et professionnel, qui affichent les températures corporelles, qui comptent les masques ou qui mesurent la distanciation sociale.”
En novembre 2020, la CFDT alertait contre un “changement dans l’organisation du travail qui remet en cause les modes de contrôle traditionnels du travail des salariés par l’employeur et rend poreuse la distinction entre vie personnelle et vie professionnelle”.
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