Prothèses PIP: La cour d'appel ouvre la voie à l'indemnisation de certaines victimes
JUSTICE - Des centaines de victimes vont devoir être indemnisées. Le tentaculaire dossier des prothèses mammaires défectueuses de la société PIP, au cœur d’un scandale sanitaire dans les années 2010, a connu rebondissement d’importance ce jeudi...
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JUSTICE - Des centaines de victimes vont devoir être indemnisées. Le tentaculaire dossier des prothèses mammaires défectueuses de la société PIP, au cœur d’un scandale sanitaire dans les années 2010, a connu rebondissement d’importance ce jeudi 20 mai avec la décision de la cour d’appel de Paris, appelée à trancher sur la responsabilité de la société de certification TÜV Rheinland.
Après plus de dix ans de procédure et une série de jugements contradictoires, la décision de la cour d’appel de Paris a estimé que le géant allemand avait “manqué à ses obligations de contrôle, de prudence, de vigilance dans l’exercice de sa mission”, le condamnant à indemniser des centaines de femmes victimes des prothèses PIP à travers le monde.
Sur les dizaines de milliers de femmes victimes à travers le monde, la cour a cependant restreint la responsabilité de TÜV à la période allant du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010 et plusieurs centaines de femmes sur les 2.500 concernées -colombiennes, vénézuéliennes ou anglaises notamment- ont été jugées irrecevables ou déboutées.
“Un vrai tournant”
Il s’agit néanmoins un nouveau revers pour le géant allemand de la certification et sa filiale française après un 1er arrêt en ce sens de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en février. “C’est un vrai tournant”, s’est félicitée maître Jacqueline Laffont, qui défend 1.500 victimes avec l’avocate de Bogota Nathalie Lozano.
Après une décennie de procédures et de décisions contradictoires, “on est en train d’avancer vers une reconnaissance de responsabilité de TÜV”, a-t-elle estimé. “La décision met fin à la période d’incertitude que l’on connait avec ce yoyo judiciaire, on est à mon avis à un point de basculement”, a fait valoir Olivier Aumaître, avocat de 20.000 femmes. “La question n’est plus de savoir si TÜV va payer, mais quand et combien”, a-t-il assuré.
De son côté, TÜV “prend note du rejet d’une grande partie des demandes par la cour d’appel de Paris mais conteste sa décision en ce qu’elle a retenu une responsabilité de l’organisme notifié, même partielle”, selon une déclaration de l’avocate maître Christelle Coslin. “Cette décision est en contradiction avec [celles] de la Cour de Justice de l’Union Européenne en février 2017 et de la cour d’appel de Versailles en janvier 2021”, a-t-elle ajouté dans un communiqué. La société a la possibilité de former un pourvoi en cassation.
Des prothèses remplies d’un gel non conforme
Dans son arrêt de 288 pages, la cour d’appel a condamné TÜV à payer au titre des provisions 3000 euros ou 6000 euros pour chacune des victimes pour les préjudices moral et d’anxiété. Le montant final qui sera accordé sera déterminé individuellement après une expertise.
Le scandale PIP avait éclaté à la suite d’un contrôle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en mars 2010. Les implants de cette société installée dans le Var présentaient un taux anormal de rupture et ils étaient remplis, par souci d’économie, avec un gel non conforme, artisanal et bon marché, à la place du gel en silicone requis.
TÜV avait apporté la certification des prothèses avant leur commercialisation, permettant notamment le marquage CE, puis avait réalisé treize contrôles dans les locaux de PIP entre octobre 1997 et janvier 2010, sans jamais constater de manquements à la réglementation. Le fondateur de l’entreprise PIP, Jean-Claude Mas, a été condamné en appel en 2016 à quatre ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende pour fraude aggravée et escroquerie à l’égard de TÜV. Il est décédé en 2019.
Près d’un million de prothèses vendues dans le monde en dix ans
Au total, près d’un million de ces prothèses défectueuses ont été écoulées dans le monde entre 2001 et 2010 et le nombre de victimes a été évalué à 400.000, principalement en Amérique latine. Après le scandale, plus de la moitié des 30.000 porteuses françaises avaient fait retirer leurs implants. Parmi elles, 7.500 avaient connu un événement indésirable (dysfonctionnement, épanchement du gel, infection ou inflammation), selon un bilan des autorités de santé en 2015.
Plusieurs vagues de victimes se sont successivement tournées vers la justice ces dernières années. Le volet tranché jeudi a débuté à Toulon avec la condamnation, en 2013, de TÜV à verser 5,8 millions d’euros à titre provisoire.
Deux ans plus tard, la cour d’appel avait toutefois infirmé ce jugement et dédouané le certificateur allemand de toute responsabilité. Mais saisie à son tour, la Cour de cassation a ensuite annulé cet arrêt en 2018 et renvoyé l’affaire à la cour d’appel de Paris.
Récemment, la responsabilité de TÜV a aussi été reconnue en février dans un autre pan de l’affaire: la cour d’appel d’Aix-en-Provence l’a condamné à verser 3.000 euros en provision aux femmes concernées, déclarant cependant 6.000 des 20.000 demanderesses irrecevables. TÜV a formé un pourvoi en cassation.
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