Protocole sanitaire : le casse-tête organisationnel des festivals maintenus
C’est maintenant une certitude : il y aura bien une saison des festivals musicaux cet été en France. Alors que Villette Sonique s’apprête à ouvrir le bal avec son édition 2021 (le week-end du 29-30 mai), nombre d’équipes de programmation sont...
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C’est maintenant une certitude : il y aura bien une saison des festivals musicaux cet été en France. Alors que Villette Sonique s’apprête à ouvrir le bal avec son édition 2021 (le week-end du 29-30 mai), nombre d’équipes de programmation sont passées au branle-bas ces derniers mois pour tenter de s’adapter en dernière instance au protocole sanitaire.
C’est qu’entre les reports successifs des concerts-test censés jauger l’efficacité des mesures sanitaires dans le cadre de spectacles musicaux, l’évocation d’un pass sanitaire qui tarde encore à faire connaître ses modalités dans le détail et les multiples déclarations lancées sporadiquement par la ministre de la Culture ces dernières semaines, la période a été particulièrement agitée pour les organisateur·rice·s de ces évènements.
Composer avec des bases incertaines“La période est quand même psychologiquement difficile, attaque Perrine Deltei, programmatrice du festival Les 3 Elephants à Laval. C’est un métier qui prend beaucoup de place dans la vie, et on a quand même eu l’impression de travailler pour rien. Depuis le début de l’épidémie, j’ai successivement préparé et annulé six programmations…” Son festival, étalé du 18 au 30 mai, se tiendra finalement sans concerts et privilégiera les installations, expositions et arts de rue qui en constituent d’habitude une partie.
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Même son de cloche chez Pierre-Marie Ouillon, directeur artistique des Nuits Sonores à Lyon. “Ça fait plus d’un an que c’est devenu très dur et parfois frustrant de travailler, mais les annonces successives, ça a été le coup de grâce.” Pour cause : c’est après la préparation de bout en bout d’un festival assis – et donc un conséquent travail d’adaptation aux niveaux logistique et artistique – que son équipe a appris que des événements debout pourraient a priori se tenir, à raison de 4 mètres carrés par personne. A l’instar du rendez-vous lavallois, son équipe a travaillé sur différentes versions du festival selon le contexte et le protocole sanitaire. “On s’était préparé·es à monter le festival en trois mois, afin de se lancer au moment où on aurait le plus de visibilité. Mais ça n’a pas suffit : on se demande si on devrait pas repenser notre programme, parce qu’on a peur de ne plus faire carton plein en ayant misé sur un format assis avec des musiques plus axées ambient”, déplore-t-il.
Les problèmes de calendrier ne sont pas les seuls auxquels sont confrontées les équipes d’organisation. “Concrètement, on ne sait même pas comment mettre en place ces mesures, reprend Pierre-Marie Ouillon. Quand on y pense ça reste incertain cette jauge de 4 mètres carrés par festivalier. Les gens ne vont pas se trimballer avec des cerceaux autour d’eux.”
Une “promesse”, plus qu’autre choseEn dépit des annonces de Jean Castex venues détailler, le 10 mai, les modalités du calendrier de déconfinement et de réouverture des lieux culturels, le protocole sanitaire qui s’appliquera aux festivals doivent encore se concrétiser sous la forme de décrets. “En attendant, toutes les déclarations du gouvernement n’ont qu’une valeur de promesse”, souligne Perrine Deltei. Une temporisation qui enfonce dans l’embarras les organisations, responsables jusqu’alors de la bonne de mise en application d’un protocole encore flou.
Autant d’incertitudes qui n’ont toutefois pas empêché certains festivals de se maintenir, les équipes n’ayant pour composer que les rumeurs des dispositifs du protocole sanitaire appliqué aux évènements musicaux. Parmi ces bruits de couloirs finalement officialisés : la restriction du nombre de spectateurs par des jauges plafonnées et calculées selon la capacité initiale, ainsi qu’une obligation temporaire (jusqu’au 30 juin) d’organiser des évènements au public assis.
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Pour Didier Fusillier, président de la Villette et organisateur du 1er événement à essuyer les plâtres du dispositif, l’enjeu est de taille. “L’organisation de Jazz à la Villette en septembre 2020 nous a prouvé que notre équipe sait gérer un festival soumis à des restrictions sanitaires. C’est autant à nous qu’au public de s’adapter, mais cette édition de la Villette Sonique est aussi un test : on a peur que les gens s’attroupent autour du festival pour profiter du son”, s’inquiète-t-il. Le spectacle se passera sur deux scènes différentes, avec des tranches horaires de 2 heures maximum, une jauge à 1000 personnes et un couvre-feu à 21 h.
Double peineIl faut dire que les mesures concernant les jauges ont créé quelques absurdités, fait remarquer Perrine Deltei. “Il faut déjà prendre en compte que si on peut accueillir 35% de notre capacité normale en assis, ça équivaut en fait à recevoir environ 10% de notre disposition habituelle qui est normalement debout. Si je prends l’exemple du 6PAR4 [la scène de musique actuelle de Laval, ndlr], ça revient à organiser un concert pour un public de 28 personnes…”
Si la question de la circulation a un impact considérable sur le public, elle a aussi un effet sur les artistes. Pour François Floret de la Route du Rock, la seule solution a été de se rabattre sur une programmation franco-française. Du côté des Vieilles Charrues, le constat est plus alarmant. Le directeur du festival Jérôme Trehorel explique que “sans têtes d’affiches, le modèle des Charrues serait susceptible de s’effondrer”. Néanmoins, l’évènement a décidé de se maintenir sur une dizaine de soirées pour toucher un public plus large. “On aura une programmation dévoilée fin mai, sans internationaux mais très éclectique”, annonce-t-il déjà.
Maintien et concessions
Faire le pari d’une édition 2021 est donc bien, en dépit de l’incertitude du protocole, une question de concessions. C’est d’abord le possible sacrifice de l’identité artistique, avec un choix limité, mais aussi à cause du format assis. Pour le directeur de la route du rock, qui s’est déjà essayé au concert en places assises par le passé (il programmait Tindersticks au théâtre national de Bretagne en février 2020, dans le cadre de l’édition d’hiver de son festival), “ce n’est pas dénaturer le festival, c’est juste n’en garder qu’une partie”. Secondé par la volonté de ne pas passer une nouvelle année blanche, c’est aussi le devoir de faire revivre son territoire qui anime Jérôme Tréhorel des Vieilles Charrues : “je comprends que certains préfèrent ne rien faire, mais nous, être assis, c’est une concession qu’on peut et choisit de faire. Ça donnera une expérience forcément différente, mais ça nous permettra surtout de ne pas repasser un été silencieux.”
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“On a aussi une responsabilité, reprend François Floret, directeur du festival malouin. On a reçu beaucoup d’aides financières pendant cette période, il faut maintenant faire ruisseler pour que les artistes et tous les corps intermédiaires puissent en profiter.” Un constat pas forcément partagé par l’ensemble des organisations contactées, puisque les aides financières varient selon l’implantation ou la structure, comme le rappelle le représentant de Nuits Sonores. “Pour nous, ce serait une catastrophe économique de ne pas avoir d’édition 2021.”
Il faudra donc aussi compter sur le bon vouloir des spectateur·rice·s à s’adapter aux restrictions imposées. Car il ne faut pas oublier que le public aura sûrement à se plier au pass sanitaire. “On aimerait intégrer notre savoir-faire à ce dispositif pour rendre plus agréable l’expérience du public”, révèle le directeur de Vieilles Charrues. Mais à l’image de la gestion de la crise due au Covid depuis son début, le dialogue avec le gouvernement reste compliqué.
Sous quelle forme que ce soit, l’édition 2021 de ces évènements sera autant un risque économique et artistique pour les organisateur·trice·s qu’une source d’enthousiasme, après plus d’un an sans festivités (ou presque).