Psychanalyste, je mets la série "En thérapie" sur le divan - BLOG
PSYCHO - Les séries se suivent et ne se ressemblent pas, mais elles ont toutes en commun cette capacité à captiver le spectateur, à le fidéliser, à le concerner…Avec leur série “En thérapie”, Olivier Nakache et Éric Toledano se placent au cœur...
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PSYCHO - Les séries se suivent et ne se ressemblent pas, mais elles ont toutes en commun cette capacité à captiver le spectateur, à le fidéliser, à le concerner…
Avec leur série “En thérapie”, Olivier Nakache et Éric Toledano se placent au cœur de ce processus. Peut-être davantage encore que toutes les autres, cette série s’attache à ce qui préoccupe la plupart des humains: comment dire, comment être entendu, comment se sentir accepté dans ses paroles, ses interrogations, ses colères, ses détresses…
Lors de cette mise en scène, les patients qui nous sont présentés vont défiler dans le cabinet du psychanalyste où, sans hésiter, ils se montreront agités, agressifs, méfiants, désagréables.
Bien sûr nous regardons une série et en cela nous ne sommes pas dans la vraie vie.
Une série, pas la vraie vie
En réalité, dans notre pratique psychothérapique et au cours de nos séances, les patients ne sont pas heureusement aussi déplaisants! Ils ne déambulent pas nécessairement dans le bureau, ne se sentent pas obligés de critiquer systématiquement la décoration de la pièce. En règle générale, ils ne se précipitent pas non plus aux toilettes pour vomir au milieu d’une phrase et la femme du psy ne se préoccupe pas davantage de sécher les cheveux ou les vêtements de l’adolescente qui arrive trempée par la pluie.
Lorsqu’un patient se décide à consulter, il souhaite trouver un psy avec lequel il se sentira en confiance, cette attente va permettre d’instaurer le transfert. Toutefois la relation thérapeutique ne s’exprime que très rarement sous la forme d’une déclaration amoureuse passionnée.
Si les praticiens ne se reconnaissent pas dans ces situations improbables, la plupart se retrouveront dans l’accueil bienveillant et l’écoute patiente du psychanalyste de la série. Ses phrases sont justes et il est bien question de dire “tout ce qui vous vient à l’esprit” pour “entamer un travail”.
Les psychothérapeutes et psychanalystes y retrouveront également ces moments de tension au cours desquels le patient a parfois tant de mal à nommer ce qui le gêne. Ce sont des moments certes lourds, mais inévitables au cours desquels l’intime du patient se dévoile, il y faudra la ténacité du psy pour l’aider là dépasser ses résistances, parvenir ainsi à exprimer ses peurs et ses hontes.
Les talents de la série
Le talent de “En thérapie” réside dans plusieurs points:
Le fait de camper le décor juste après l’attentat du Bataclan va permettre d’établir un parallèle entre le traumatisme collectif et les traumatismes individuels. Les échos en seront d’autant plus forts qu’ils réveilleront les blessures anciennes, souvent oubliées, refoulées, mais non encore cicatrisées. Les émotions reviennent à la conscience grâce à un mot, une image fugace, un rêve, un lapsus, un acte manqué… qui déclenche le souvenir douloureux ou déplaisant. Il faudra entendre ce qui s’est passé pour déplier l’évènement en direct pendant la séance. L’on refera par le récit le chemin à l’envers pour remonter à l’origine des circonstances traumatisantes. C’est alors que le travail du psychanalyste devient plus exigeant, savoir entendre pour comprendre et dépasser.
Les manifestations corporelles des patients sont très souvent abordées tout au long des épisodes de cette série. Il faut juste préciser qui si le corps représente un élément important dans notre travail de psy cela ne se passe pas tout à fait de cette manière.
La voix qui faiblit ou qui s’intensifie, le souffle qui s’accélère, les larmes, les sanglots signifient la présence du corps en séance. Cela peut aussi se manifester par une douleur viscérale ou une migraine.
La fausse couche sur le divan ou les vomissements en direct sont improbables.
Les épisodes courts ressemblent au temps des séances et invitent les spectateurs à participer au rythme si particulier d’une psychothérapie. Ils auront presque l’impression de suivre les séances en temps réel pour assister à l’évolution de chaque patient, tous en souffrance, chacun dans sa singularité.
Le temps et la régularité rythmeront les avancées du travail de la psychothérapie ou de la psychanalyse.
Quelques principes fondamentaux sont posés et pour un public non informé il faut préciser la notion de confidentialité en psychanalyse qui relève du secret professionnel. Ce qui se dira dans le bureau restera entre le patient et son praticien. Si par exemple quelque chose devait être rapporté aux parents d’un jeune en psychothérapie cela ne se ferait qu’en sa présence et après l’en avoir informé.
Une série pédagogique
La dimension pédagogique de cette série permet aussi d’aborder pour ceux qui s’y intéressent certains processus psychiques. Cela permet de parler de l’inconscient, d’expliquer par exemple ce qu’est un souvenir-écran, un acte manqué ou le refoulement. Enfin il n’est pas inutile de rappeler que c’est le patient qui sait de quoi il souffre. Le psychanalyste est là pour l’aider à déchiffrer comment sa souffrance se traduit par des symptômes.
Présenter l’envers du décor avec ces moments où le psy se retrouve face à ses doutes est tout à fait intéressant. Le praticien connaît son métier, il maitrise sa technique, mais cela ne l’empêche pas de questionner sa pratique. Il faut juste préciser que généralement il n’entretient pas de relations amicales avec celui ou celle qu’il va choisir pour cet exercice… Le contrôleur n’est pas non plus censé partager ses difficultés personnelles avec l’analyste qui le consulte.
Le patient, héros de sa propre vie
Cette série pourrait s’envisager comme une invitation à être le héros de sa propre série, puisqu’en séance, le patient est au centre de ce qui va se dérouler avec l’aide professionnelle et bienveillante de son psy.
Mais après tout n’est-ce pas l’objectif de la psychothérapie et de la psychanalyse?
Lorsque les réalisateurs mettent en scène la rencontre entre des patients et leur psy, ils nous montrent comment la parole se délie, les mots reviennent, les images et les souvenirs douloureux ressurgissent. On passe ainsi des angoisses aux larmes qui libèrent. Les colères enfin entendues se comprennent et s’apaisent lorsqu’elles sont formulées.
Grâce à ce processus, le patient va pouvoir accéder à ses propres choix. Car il s’agit bien de mieux se connaître pour se comprendre soi-même.
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