Quand le Covid long enterre les rêves olympiques de sportifs
SANTÉ - Le 7 août prochain, Anne-Laure Florentin aurait dû se présenter à la Nippon Budōkan de Tokyo forte de ses trois titres de championne d’Europe de karaté et viser une breloque olympique. Et puis le Covid-19 est passé par là... Infectée...
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SANTÉ - Le 7 août prochain, Anne-Laure Florentin aurait dû se présenter à la Nippon Budōkan de Tokyo forte de ses trois titres de championne d’Europe de karaté et viser une breloque olympique. Et puis le Covid-19 est passé par là...
Infectée par le coronavirus au sortir de l’été 2020, la Martiniquaise de 29 ans a effectivement vu ses rêves de JO en or -ce devait être la dernière compétition de sa carrière- s’envoler. Non pas du fait d’un contrôle positif tardif, mais à cause de séquelles de ce que l’on appelle le “Covid long” et qui ont entraîné une myocardite, un problème cardiaque incompatible avec la pratique de son sport au plus haut niveau.
Carrières brisées et rêves envolés
Affaibli par le coronavirus, son cœur n’est effectivement plus capable à coup sûr d’envoyer suffisamment de sang et donc d’oxygène dans son organisme. Depuis la fin d’année 2020, ce qui aurait dû être sa préparation pour le grand jour est fait au contraire de palpitations anormales, quotidiennement ou presque. Au point qu’Anne-Laure Florentin à dû prendre une décision radicale: mettre fin à sa carrière.
Comme elle, nombreux sont les sportifs -en plus de la population générale- qui souffrent de complications plus ou moins durables liées à ce fameux Covid long, comme vous pouvez le voir dans la galerie de portraits ci-dessous.
On retrouve parmi eux la basketteuse Asia Durr, qui, interrogée sur les conséquences du virus, a récemment raconté avoir “l’impression d’avoir été percutée par un bus” et d’être inlassablement “poignardée aux poumons”. Le boxeur Aleksandr Povetkin, lui, a pris sa retraite, fatigué d’avoir l’impression d’être “ivre” tant il se sentait perdre l’équilibre. La footballeuse Margaux Huaumé-Danet a quant à elle vécu pendant des semaines avec des quintes de toux si violentes qu’elle en vomissait la nuit, sans causer des malaises et d’une fatigue écrasante. Le triathlète Chris Silver a de son côté passé des journées entières incapable de faire autre chose que “de rester assis avec les yeux fermés”, tant il était désorienté, éreinté par les séquelles à long terme du Covid-19. Et d’autres cas éloquents se multiplient.
Mais alors y a-t-il une explication à ces nombreuses histoires individuelles? Le HuffPost a interrogé à ce propos deux médecins particulièrement concernés puisqu’ils travaillent avec l’élite du sport de leur pays respectif à longueur d’année.
Des malade en puissance, comme tout le monde
“Les sportifs de haut niveau sont des humains à part entière, qui n’ont pas d’autre spécificité que d’avoir une masse musculaire et des capacités cardio-respiratoires supérieures à la moyenne”, pose d’entrée le docteur Laurent Winkler, responsable adjoint du pôle médical de l’Insep, où s’entraîne l’élite du sport français. “Le Covid-19 peut donc les contaminer comme n’importe qui d’autre. Ce ne sont simplement pas des sujets à risque, ils ne sont ni obèses, ni âgés”, ajoute-t-il.
“Ce n’est pas parce que vous êtes un athlète que vous êtes protégé contre ce qui peut infecter la population générale”, corrobore le docteur James Hull, pneumologue spécialiste du sport et consultant pour l’ISEH (l’Institut britannique du sport et de la santé). Or on voit qu’à cause du Covid long, le grand public peut souffrir de myocardites (comme Anne-Laure Florentin, NDLR) et d’inflammations cardiaques. Néanmoins, une étude publiée aux États-Unis et pour laquelle environ 3000 sportifs de haut niveau ont passé des tests a montré que ce risque était extrêmement faible chez les athlètes, d’environ 0,6%.” Logique quand on sait que le risque de développer un Covid long est “corrélée au nombre de symptômes ressentis durant l’infection et à la gravité de celle-ci”, ajoute le médecin britannique.
En clair, puisque les athlètes font partie de la population à faible risque de nécessiter une hospitalisation ou de souffrir de formes graves (comme l’a montré cette étude publiée dans le British Journal of Sport Medicine), ce sont surtout des cas marginaux chez qui l’on observe des séquelles graves. Le docteur Hull n’a d’ailleurs pas rencontré de fibrose pulmonaire chez ses patients sportifs de haut niveau, mais plutôt, occasionnellement, une forme de fatigue intense dont les athlètes ont du mal à récupérer. Il a pu observer aussi des rythmes cardiaques plus élevés qu’à l’accoutumée et qui s’emballent plus rapidement.
Des machines surpuissantes et vulnérables
Pour expliquer les histoires individuelles évoquées plus haut, on peut avancer l’effort que font subir à leur organisme les sportifs de haut niveau. “C’est clair que leur corps est leur outil de travail, donc ils pourraient être plus affectés que la population normale parce qu’ils lui demandent plus”, précise le docteur Laurent Winkler.
“Il y a déjà une différence entre ce qui va vous rapporter une médaille d’or aux Jeux olympiques et ce qui va vous faire terminer cinquième, alors imaginez la différence entre un athlète qui essaie de produire son meilleur effort et quelqu’un du grand public, ajoute le docteur James Hull. Quand vous êtes un sportif, une perte d’efficacité même minime va vous sauter immédiatement aux yeux alors qu’elle passera peut-être inaperçue chez un sportif du dimanche, et plus encore chez quelqu’un qui ne pratique pas d’activité. Tout doit être absolument parfait quand vous visez une médaille.”
C’est en cela que si les deux médecins constatent pour l’heure une absence de littérature scientifique (ou en tout cas des ressources extrêmement limitées) sur les effets du Covid long chez les sportifs, le pneumologue britannique pense que les JO de Tokyo permettent de mieux appréhender ses conséquences. “Je ne serais pas surpris si des témoignages sortaient après les Jeux, par exemple de la part d’un athlète qui était 5e mondial dans son sport et qui dirait qu’il n’a pas pu jouer la médaille à Tokyo parce qu’il n’arrivait pas à atteindre son niveau habituel de performance.”
Mieux préparés à la convalescence?
Pour l’heure, d’un point de vue scientifique, on comprend aisément pourquoi le Covid long peut avoir une influence bien plus dommageable sur un athlète de haut niveau que sur quelqu’un qui se contente d’un footing une fois de temps en temps. Rien ne montre en revanche que les sportifs sont davantage à risque que le grand public. Auteur d’une étude sur le sujet qui est actuellement en train d’être validée par ses pairs, James Hull l’assure: “Les données que l’on possède pour l’heure montrent que la durée des symptômes et la prévalence du Covid long est à peu près la même chez les sportifs et dans la population générale.”
Et au-delà des récits personnels de carrières brisées ou du moins mises en suspens par le Covid-19 et ses conséquences à long terme, le docteur Laurent Winkler pense même que les sportifs de haut niveau sont peut-être en réalité mieux armés que le grand public pour revenir d’une infection au Sars-Cov2.
“Peut-être que les sportifs partent avec une longueur d’avance puisqu’ils ont des capacités cardio-respiratoires plus importantes, et qu’ils savent revenir de blessures ou de périodes d’arrêt, qu’ils savent mieux s’écouter, quand il faut se reposer, quand ils peuvent reprendre”, décrit le médecin, pour qui une reprise post-Covid pourrait se rapprocher de celle suivant une neuro fibromyalgie, une maladie chronique encore mal connue. “Et ça, les sportifs le savent peut-être que des personnes lambda qui ne réaliseraient pas qu’il faut une phase de repos avant de reprendre très progressivement.”
Batterie de tests et précaution absolue
Chez les sportifs qui ont contracté le Covid-19, tant l’Insep en France que l’Iseh au Royaume-Uni ont d’ailleurs été très précautionneuses au moment de reprendre une activité sportive.
“On leur a demandé de respecter une période de repos plus longue qu’à l’ordinaire après une blessure, et quand ils ont repris, on a fait cela de manière très graduelle, avec des périodes de repos imposées entre chaque séance”, détaille le docteur James Hull. Et de préciser que des protocoles spécifiques ont été mis en place en fonction des symptômes ressentis par ses patients athlètes. Ainsi, pour tous ceux qui ont eu des soucis de rythme cardiaque, une batterie de tests a été effectuée: prise de sang, mise à l’épreuve des fonctions respiratoire, IRM cardiaque pour être sûr que ce soit bien le covid-19 et pas une pathologie non détectée, recherche de caillots sanguins, tests d’effort sur un vélo ou un tapis de course...
Du côté de l’Insep, Laurent Winkler détaille un processus similaire: “On a mis en place une obligation de voir des cardiologues dans un 1er temps pour se baser sur leurs recommandations, puis des tests à l’effort, des électrocardiogrammes, des échographie du cœur, de nouvelles consultations avec le cardiologue puis avec un médecin du sport pour s’assurer que les sportifs aient bien récupéré... Et parfois même un bilan biologique pour compléter tout cela.”
Malgré toutes ces précautions, les deux médecins décrivent néanmoins des reprises qui ont pu être compliquées, des patients qui sont restés excessivement fatigués pendant de longues semaines après leur guérison du Covid-19. Et toujours cette variété de symptômes difficiles à comprendre: “des problèmes cardio-respiratoires, des troubles neurologiques qui peuvent influer sur le visuel, l’équilibre, l’audition, agueusie et anosmie (la perte du goût et de l’odorat respectivement)”, liste Laurent Winkler.
Cela fait moins de deux ans que le virus responsable du covid-19 est en circulation à travers le monde, et comme l’explique le docteur James Hull, il faudra encore du temps et des données à analyser pour comprendre un peu mieux ses effets sur le corps humain, et surtout sur des machines aussi complexes que l’organisme des sportifs qui nous font actuellement vibrer du côté de Tokyo.
À voir également sur le HuffPost: Comment le village olympique est organisé contre le Covid