Quand les Daft Punk se faisaient des infidélités
On a tendance à l’oublier, tant Daft Punk semblait ne constituer qu’une entité diffuse, mais les deux robots ont souvent œuvré l’un sans l’autre pour des projets individuels. La première infidélité remonte à 1995, deux ans après leur formation,...
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On a tendance à l’oublier, tant Daft Punk semblait ne constituer qu’une entité diffuse, mais les deux robots ont souvent œuvré l’un sans l’autre pour des projets individuels. La première infidélité remonte à 1995, deux ans après leur formation, quand Thomas Bangalter fonde le label Roulé, pour lequel il va laisser libre cours à son amour de la house américaine, signer des pointures comme Romanthony ou Roy Davis Jr. et produire toute une série de maxis vinyle à vocation dancefloor comme Trax on da Rocks ou Spinal Scratch – on y retrouve son goût des labels Cajual ou Relief, son sens de la compression intense et ses inspirations disco. C’est aussi sur Roulé que Thomas éditera le tube en or massif Music Sounds Better with You signé avec Stardust, trio qu’il forme le temps du morceau avec Alan Braxe et Benjamin Diamond.
Guy-Manuel de Homem-Christo riposte deux ans plus tard avec le label Crydamoure où, en association avec son complice Eric Chédeville sous les pseudos Le Knight Club ou Crydajam, il laisse exploser sa passion pour les rythmes découpés façon DJ Sneak, pour la house filtrée et les basses qui font trembler les murs. A l’époque, les vinyles des deux labels s’arrachent, et si certain.es trouvent les productions de Thomas plus disco et funky que celles, house et crades, de Guy-Manuel, d’autres affirment que ce dernier excelle dans la mélodie quand le premier est plus technique. Une chose est sûre : leurs maxis vinyle en solo se ressemblent et se répondent avec de constants clins d’œil aux gimmicks que l’on retrouve dans les morceaux de Daft Punk – le Holiday on Ice (1997) du Knight Club s’imposant comme une version ralentie d’Around the World.
Crydamoure et Roulé mis en pause au début des années 2000, on recroise en 2002 Thomas Bangalter en balade sur un titre du groupe 113. En 2016, Rim’K racontait pour Vice : “Thomas appréciait le taf de Mehdi et kiffait Les Princes de la ville. Il est passé au studio à l’improviste au moment de 113 fout la merde et il est reparti chercher son vocodeur. Ce n’était vraiment pas calculé. […] c’était un vrai partage musical et un vrai moment de studio : on peut même se dire qu’on a devancé Pharrell sur ce coup.”
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Mais c’est plutôt en tant que compositeur attitré des BO des films de Gaspar Noé que Bangalter va occuper son temps libre. On pense à celle, sombre et glauque, d’Irréversible qui trahit son amour pour le groupe italien Goblin (qui a composé la musique de certains des premiers films de Dario Argento) et pour le Phantom of the Paradise de Brian De Palma, tout en dévoilant une facette plus mentale et techno avec le mini-tube Outrage, descente hallucinée pleine de sueur et de foutre aux enfers.
Génies respectifs
De son côté, Guy-Man ajoute en 2008 à son CV la carte de producteur à succès avec Sexuality, le troisième album de Sébastien Tellier, qui n’a pas eu de mal à le convaincre. “J’ai découvert Sébastien en écoutant le morceau Universe, confiait alors Guy-Manuel à Trax. J’ai trouvé ça mortel pour un truc français. Après il y a eu La Ritournelle que Thomas et moi avons adorée. Lorsque le titre est sorti, je suis même allé voir Sébastien pour le lui dire. Ce n’est pourtant pas mon style d’aller vers les gens pour les complimenter, mais là je l’ai fait. Alors, quand il m’a demandé de produire son album, je n’ai pas hésité une seconde.”
Et Tellier de lui répondre, justifiant son choix : “J’avoue être un fan quasi obsessionnel des Daft depuis Homework. Je tenais à soigner la production. L’idée de faire appel à lui s’est imposée parce que Guy-Man pouvait apporter cette touche suave et funky qui manquait à mes compositions.” Cette collaboration au sommet signera l’un des plus beaux disques de Tellier – sur lequel on retrouve en effet cette touche très synthwave et ces mélodies érotico-kitsch déjà présentes sur Make Love des Daft Punk en 2005.
Thomas, pendant ce temps, continue ses aventures cinématographiques avec Gaspar Noé sur Enter the Void (2010), dont il signe les effets sonores
La suite, on la connaît : en produisant l’EP Nightcall (2010), Guy-Man propulse Kavinsky en nouvelle star de la French Touch, lui offrant au passage un tube mondial en forme de cash machine. On le retrouve de nouveau avec Tellier sur My Poseidon, tiré du contrasté My God is Blue (2012), et aux côtés de SebastiAn sur le splendide titre Rest de Charlotte Gainsbourg (2017), puis plus discret, en 2018, aux côtés de Gesaffelstein sur Hurt You et I Was Never There, deux morceaux de The Weeknd. Thomas, pendant ce temps, continue ses aventures cinématographiques avec Gaspar Noé sur Enter the Void (2010), dont il signe les effets sonores.
Alors que depuis Random Access Memories les Daft Punk faisaient diversion face aux attentes de leurs fans en produisant mollement, avec leur patte rétrofuturiste, The Weeknd (Starboy, I Feel it Coming), Kanye West (Yeezus) ou Parcels (Overnight), la nouvelle de leur séparation brouille un peu plus les pistes quant à leurs génies respectifs.
Si on a souvent dit que Guy-Man était le plus dilettante des deux, le plus talentueux et celui qui avait le goût mélodique le plus sûr, et Thomas le plus nerd, passant 24 heures sur 24 en studio, l’obsédé de la compression, des montées vocales et des rythmes post-disco, l’histoire a prouvé que ce n’était finalement pas si simple.
Une énigme de plus à ajouter au mystère des hommes robots dont on n’a jamais su – devenus interchangeables derrière leurs samplers, leurs synthés, leurs boîtes à rythmes et leurs casques – qui faisait et qui apportait quoi. D’où peut-être leur besoin d’enfin se séparer pour affronter des chemins qu’on n’a aucun mal à imaginer très différents.
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