Que reste-t-il de la Convention Climat dans la loi du gouvernement?

POLITIQUE - Que reste-t-il des billets doux, des mois d’avril, des rendez-vous? Le 29 juin dernier, Emmanuel Macron, accompagné de son Premier ministre de l’époque Édouard Philippe, traversait un bosquet du jardin élyséen pour promettre aux...

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Que reste-t-il de la Convention Climat dans la loi du gouvernement? (photo d'illustration d'Emmanuel Macron et Édouard Philippe prise le 29 juin 2020)

POLITIQUE - Que reste-t-il des billets doux, des mois d’avril, des rendez-vous? Le 29 juin dernier, Emmanuel Macron, accompagné de son Premier ministre de l’époque Édouard Philippe, traversait un bosquet du jardin élyséen pour promettre aux membres de la Convention Climat de reprendre “sans filtre” l’intégralité -ou presque- de leurs propositions pour accélérer la transition écologique. Huit mois plus tard, le gouvernement sort du bois. 

Le projet de loi baptisé “climat et résilience” issu du travail des 150 citoyens arrive ce mercredi 10 février en Conseil des ministres. L’occasion pour le chef de l’État de reverdir son bilan écolo à un an de l’élection présidentielle tout en finalisant un pari lancé au printemps 2019: demander à une poignée de Français tirés au sort de plancher sur des solutions destinées à réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici 2030 par rapport à 1990.

Mais rien ne sera simple pour Emmanuel Macron. Le temps presse, l’État ne respecte pas sa propre trajectoire en la matière et pour nombreux défenseurs du climat, le nouveau texte gouvernemental, trop peu ambitieux par rapport aux propositions de la Convention, ne changera rien à l’affaire. 

Ce que prévoit la loi

Après sa présentation en Conseil des ministres, le projet de loi de 65 articles devrait arriver devant l’Assemblée nationale à partir de fin mars. Il reprend six grands thèmes (consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir, renforcer la protection judiciaire de l’environnement) sur lesquels ont travaillé pendant neuf mois les 150 tirés au sort.

Au programme: la fin de la location des passoires thermiques en 2028, l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, l’interdiction des vols domestiques s’il existe une alternative en train en moins de 2h30, la possibilité pour les régions de créer une écotaxe routière, l’interdiction des terrasses chauffées ou encore la création d’un délit général de pollution de l’eau et de l’air.

Selon Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, ce texte reflète près de la moitié des 149 propositions de la CCC. Mais il n’est plus question de toutes les reprendre “sans-filtre” pour les proposer au Parlement, comme l’avait promis Emmanuel Macron aux membres de la Convention à plusieurs reprises. 

Le décompte que font les citoyens sur leur site n’est d’ailleurs pas flatteur à l’égard de l’exécutif. Loin du chiffre agité par le gouvernement évoquant 75 mesures déjà mises en place, “Les 150” n’en dénombrent que quatre. Ils estiment en revanche que 10 propositions ont été rejetées et que 99 autres sont encore dans les cartons.

Quant à celles effectivement inscrites dans le projet de loi, elles ne sont pas de nature à entièrement satisfaire les défenseurs de l’environnement qui dénoncent, depuis plusieurs mois, un détricotage du travail des citoyens.

“Le compte n’y est pas”

À la veille de la présentation du texte en Conseil des ministres, dont elles regrettent le manque de “souffle”, une centaine d’ONG a appelé Emmanuel Macron à “redonner vie” aux ambitions climatiques.

“Monsieur le président de la République, en amenuisant de la sorte l’ambition des mesures proposées par la Convention Citoyenne sur le Climat, vous privez notre pays d’un formidable potentiel de sortie des crises, climatique, sanitaire, économique et sociale”, expliquent ces organisations dans une lettre ouverte, à l’image de Greenpeace, la Fondation Nicolas Hulot, WWF, la Fondation Abbé Pierre, ATD Quart Monde, Attac ou encore la Confédération paysanne.

“Alors que les propositions des citoyens devaient être retranscrites dans la loi, force est de constater que le compte n’y est pas”, insistent-elles, regrettant notamment que le texte adopte une approche d’“encouragement” à changer de pratiques “là où une intervention des pouvoirs publics est requise”.

Nombreuses mesures inscrites au menu du projet de loi apparaissent effectivement moins contraignantes que les propositions formulées par les citoyens. Pour freiner l’essor du transport aérien, très polluant, le gouvernement veut par exemple interdire les vols domestiques quand une alternative existe en train en moins de 2 heures 30. Trop peu de lignes seront concernées, répondent les ONG quand la Convention prônait un seuil fixé à 4 heures de temps de trajet.

Dans le même esprit, les citoyens voulaient bannir la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, le gouvernement se limite quant à lui à interdire la publicité en faveur des énergies fossiles. La Convention poussait pour la création d’un crime d’écocide, le gouvernement a finalement retenu un simple délit général de pollution de l’eau et de l’air, avec la qualification “d’écocide” uniquement lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle. De quoi affaiblir le droit existant, selon plusieurs juristes. 

Que disent les citoyens?

Mais que pensent les principaux intéressés de ce projet de loi et ces évolutions majeures? “C’est une étape”, constate la co-présidente de l’association “Les 150″, regroupant la majorité des participants à la convention, Mélanie Cosnier à l’AFP. “Nous avons conscience que le texte est édulcoré” par rapport aux propositions initiales de la CCC, admet-elle, tout en rappelant la promesse d’un autre texte visant à inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution.

Le projet de loi présenté mercredi “reprend un peu la philosophie (de la CCC) mais on décale dans le temps, et c’est ça qui me préoccupe, parce qu’on n’a pas le temps”, juge de son côté Laurence Tubiana, architecte de l’Accord de Paris sur le climat et co-présidente du comité de gouvernance de la CCC, dans le sillage du “garant” de la Convention, le réalisateur Cyril Dion, qui longtemps croisé le fer avec Emmanuel Macron par médias interposés.

“Je n’ai pas de leçons à recevoir!”, s’agaçait même le chef de l’État, le 4 décembre dernier sur le média en ligne Brut en réponse aux critiques de l’activiste. Et ce même si elles sont dictées par la justice française? Saisie dans le cadre de l’Affaire du siècle, le tribunal administratif de Paris a condamné l’État début février pour inaction climatique, le jugeant “responsable” d’une partie du préjudice écologique constaté.” Un argument supplémentaire pour les citoyens de la Convention avant que le texte débarque à l’Assemblée nationale au printemps. 

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