Que reste-t-il de l’esprit slacker ?

En ouverture du film de Richard Linklater Slacker (1990), un intertitre donne la définition de ce mot que l’on voit disparaître et réapparaître à intervalles plus ou moins réguliers depuis une quarantaine d’années dans le jargon de la critique...

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En ouverture du film de Richard Linklater Slacker (1990), un intertitre donne la définition de ce mot que l’on voit disparaître et réapparaître à intervalles plus ou moins réguliers depuis une quarantaine d’années dans le jargon de la critique musicale : “Slacker : individu qui se soustrait à ses devoirs et à ses responsabilités.” On pourrait ajouter que pour un slacker, tout glisse sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard, qu’il cultive une image de feignasse satisfaite et qu’il surfe sur la crête de la vie selon l’adage du poète et philosophe Ralph Waldo Emerson : “Nous vivons parmi les surfaces, et le véritable art de vivre est de bien glisser dessus.

En musique, plus particulièrement, le “slacker rock” désigne ce sous-genre mélodique et lo-fi apparu au début des années 1990. Beck ou encore Stephen Malkmus, de Pavement, en sont les plus illustres émissaires. Plus récemment, il y a une petite dizaine d’années déjà mine de rien, c’est le Canadien Mac DeMarco qui a endossé ce rôle jusqu’à la lie. Pizza pepperoni, casquette estampillée Viceroy sur la tête et clope au bec de la même marque ; ce bon vieux Mac a incarné la quintessence du slacker, avec ses chansons éternelles jouées sur une guitare à 15 balles mal accordée, dans des clips mal foutus et complètement goofy.

Dans une entrevue accordée à Télérama en 2020 à l’occasion de la sortie en version restaurée de ce 1er long métrage (petite collection de sketchs, en réalité), Linklater parlait ainsi de sa génération, la génération X : “Je suis de la 1ère génération qui a grandi avec la télé et l’essentiel de ce que nous savons vient de la télé et pas de notre expérience.” DeMarco, un millenial, soit la génération d’après, ferait partie, quant à lui, de celles et ceux parmi les dernier·ères à avoir grandi avec la télé, avant qu’Internet et les réseaux sociaux ne deviennent les nouveaux canaux privilégiés pour s’abreuver de conneries diverses et variées. Ce qui explique peut-être ce revival slacker dont Mac a été le porte-parole trop souvent involontaire.

Qu’il s’agisse de la télé, du cinéma ou d’Internet, le point commun, c’est les images. Et l’une d’entre elles, extraite du long métrage de Linklater, s’est imposée comme le mètre étalon de l’esthétique slacker. Tellement symptomatique, qu’elle est même devenue l’affiche du film, avant de se propager partout sans forcément être rattachée de façon systématique à Slacker. On y voit une jeune adulte, casquette à visière relevée, lunettes de soleil sur le pif, l’air ahuri. Cette jeune fille, c’est Teresa Taylor, plus connue sous le nom de Teresa Nervosa, comédienne et musicienne. En plus de s’être transformée en icône underground – elle aussi, bien malgré elle –, Teresa était batteuse au sein de la formation punk-psychédélique de San Antonio, Texas Butthole Surfers. Un nom bien slacker.

Dans Slacker, Teresa joue le rôle d’une kid d’Austin qui essaye de refourguer à des potes un frottis vaginal de Madonna, agrémenté d’un poil pubien de la pop star. Le 18 juin dernier, on apprenait sa mort à l’âge de 60 ans, pas dans l’anonymat, mais presque. Drôle de voir à quel point une figure aussi underground et figée sur un poster aura marqué l’imaginaire de deux générations de jeunes gens à côté de leurs pompes de 1990 à nos jours. Muchas gracias, Teresa.

Édito initialement paru dans la newsletter Musiques du 23 juin. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !