Que vaut “Army of The Dead”, le nouveau film de zombies de Zack Snyder ?

Deux mois après la sortie de sa (très) longue version de Justice League, Army of The Dead a tout du retour aux sources pour Zack Snyder. Censé être la pierre angulaire du DC Universe, son précédent film de super-héros s’était mué en accident...

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Deux mois après la sortie de sa (très) longue version de Justice League, Army of The Dead a tout du retour aux sources pour Zack Snyder. Censé être la pierre angulaire du DC Universe, son précédent film de super-héros s’était mué en accident industriel après son départ, en pleine post-production, pour raisons personnelles, et son remplacement par le laborieux Joss Whedon, à qui incombait la tâche de charcuter l’œuvre jugée trop sombre et tortueuse par ses producteurs.

Ayant obtenu de la Warner le droit de se réapproprier le bébé, pour en faire l’épopée boursouflée et néanmoins fascinante dont il rêvait, Snyder a ensuite eu à cœur de tourner un projet plus léger : un film de zombie dans la même veine que son tout 1er long-métrage, Dawn of the Dead — traduit en français non pas “l’aube”, mais “l’armée des morts”, d’où une possible confusion avec ce film-ci, qui n’en est ni une suite ni un remake, mais une simple déclinaison du génial concept inventé George Romero en 1968.

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Retour à Las Vegas

Army of The Dead végétait depuis des années dans les limbes du développement, sans trouver acquéreur, jusqu’à ce que Netflix se décide à le financer. Et c’est, de fait, un pur film Netflix, autant qu’un pur film de Snyder — des noces pour le meilleur et pour le pire, comme celles, en carton-pâte et néanmoins réelles, célébrées à Las Vegas par des sosies d’Elvis Presley.

C’est précisément après un mariage à Vegas que débute le film, dans la voiture d’un couple trop excité qui provoque un accident de la route avec un convoi militaire, aboutissant à la libération d’un spécimen de zombie particulièrement retors (un “alpha zombie”, apprendra-t-on plus tard). Relâché, celui-ci s’en va derechef contaminer la voisine cité du vice, que l’on voit sombrer dans le chaos lors du brillant générique de début — si brillant qu’il constitue le sommet du film, à l’instar de celui de Watchmen, qui figurait une histoire alternative de la deuxième moitié du 20e siècle au son du Times they are a changin’ de Bob Dylan.

C’est cette fois une reprise kitsch de Viva Las Vegas d’Elvis qui accompagne ces vignettes, dans lesquels Snyder joue de son effet préféré, le ralenti, pour expliquer la chute de la plus américaine des villes américaines, dans une orgie grand-guignolesque qui n’est pas sans évoquer Jérôme Bosch. Scorsese avait déjà, à la fin de Casino, montré le caractère apocalyptique du Vegas moderne, avec ses hordes de touristes zombifié·es (même sans morsure). La comparaison s’arrête là.

Un film de braquage version zombies

Les films de zombie peuvent avoir différentes saveurs, et Snyder choisit de traiter celui-ci comme un film de braquage, où l’ingéniosité aurait cependant été remplacée par la puissance de feu — comme si les gaillards d’Ocean’s Eleven avaient laissé leur place aux soutiers d’Aliens, le retour, dans un décor à la New York 1997 ou Los Angeles 2013. En lieu et place de Ripley ou Snake Plissken, le soldat en chef se nomme ici Scott, et c’est le modérément charismatique David Bautista (plus convaincant dans Les Gardiens de la galaxie) qui lui donne ses traits de molosse testostéroné.

Recrutés par un propriétaire de casino pour récupérer ses 200 millions de dollars qui croupissent dans un coffre, au beau milieu de la métropole désormais infestée et étanchement scellée, lui et son équipe ont 24 heures pour mettre la main sur le magot et s’enfuir par les airs. Suivant le cahier des charges désormais bien établi du blockbuster Netflix, le cast est très divers, avec des acteurs et actrices de multiples nationalités (américaine, britannique, mexicaine, allemande, indienne, et même française, avec Nora Arnezeder, convaincante en éclaireuse bad ass) ou orientations sexuelles (un couple crypto-gay, une pilote d’hélico lesbienne jouée par la très drôle Tig Notaro).

Sur ces prémices, les trente 1ères minutes du film qui expliquent la préparation du coup, si elles n’impressionnent pas autant que l’introduction, sont de fait assez plaisantes. Le film ne cesse malheureusement de s’embourber, durant ses 2h28 qui en paraissent le double, dans des développements toujours plus prévisibles, sans relief. Chaque scène a déjà été vue ailleurs, en mieux (par exemple dans les films cités précédemment), et les personnages ne sont que des amas de clichés (le mercenaire ripou, la tête brûlée au grand cœur, la pilote cynique, le pauvre civil à sauver, etc.), posés sur un plateau de jeu poussiéreux qu’il s’agit d’explorer en blaguant de temps à autre.

Certes, les scénarios de Snyder ont rarement brillé par leur originalité, mais ils étaient toujours prétextes au déploiement d’une esthétique radicale, tantôt pompière tantôt étourdissante — en réalité les deux en même temps. Ayant atteint une pointe avec Justice League, où chaque plan pesait des tonnes, comme si la gravité y avait été multipliée par cent et que stase et mouvement s’y confondaient, il a fait demi-tour avec ce film-ci, cherchant à émuler l’énergie brute, sauvage, un peu brouillonne de ses débuts. Il n’a ainsi pas eu recours à son chef op habituel (Larry Fond), et préféré tenir lui-même la caméra.

Le mythe surgelé du héros réfractaire

Cette idée, séduisante sur le papier, ne produit hélas qu’une forme de banalité télévisuelle, à peine plus élaborée qu’un épisode de The Walking Dead. Politiquement, le film n’est pas beaucoup plus inspiré. Dans ce décor symbolisant mieux que tout autre le pourrissement du consumérisme américain, il y avait matière à réaliser une satire carpenterienne (ou romérienne). Ce d’autant plus que Snyder prend soin d’évoquer, avec son mur métaphorique, sa zone-tampon, et ses passeurs sans vergogne, la situation à la frontière mexicaine. Mais le cinéaste, qui semble se définir comme un libertarien modéré — il veut adapter La Source vive d’Ayn Rand, mais a appelé à voter Biden aux dernières élections —, n’a rien de mieux à servir que le mythe surgelé du héros réfractaire versus la meute indifférenciée.

Tout propos un tant soit peu audacieux est relégué au second plan, ou tout simplement noyé dans un océan œcuménique. Les alphas zombies, vilains pourtant prometteurs, n’ont aucune consistance, aucune profondeur, contrairement à ceux du si beau Land of the Dead de Romero. Ils n’effraient ni n’émeuvent, et ne semblent là que pour satisfaire la créativité des maquilleu·ses et costumier·eres. Ils illustrent, en somme, le gâchis de ce film, qui n’a rien de désagréable mais qui n’apporte rien de neuf ou de stimulant à un corpus déjà riche.

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