Quelle alliance militaire avec les États-Unis l'Europe peut-elle espérer de Joe Biden?
Le futur Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, l’a dit et répété: l’Amérique a besoin de ses alliés, de tous ses alliés. La première réaction des Européens est de se dire: voilà une bonne nouvelle après les déchirures faites dans l’Alliance...
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Le futur Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, l’a dit et répété: l’Amérique a besoin de ses alliés, de tous ses alliés. La première réaction des Européens est de se dire: voilà une bonne nouvelle après les déchirures faites dans l’Alliance atlantique par le président Donald Trump. Il est clair qu’entre les Européens et les Américains, tout nous rassemble et tout nous ressemble. Il n’en reste pas moins que la question de cette interdépendance proclamée par la nouvelle équipe du président élu Joe Biden mérite d’être posée en de nouveaux termes.
La défense commune, fondement de l’Alliance atlantique?
En effet, il faut peut-être se demander pourquoi les Américains disent avoir besoin des Européens: pourquoi faire précisément? En général la question est posée en sens inverse et la réponse est automatique.
Pour faire court, les Européens ont besoin de la protection armée américaine contre leurs ennemis potentiels. L’OTAN a été créée pour cela et remplit son rôle la plupart du temps dissuasif mais parfois combatif, aujourd’hui comme hier. En revanche, deux des plus grandes puissances européennes, l’Allemagne et la France, ont refusé de s’engager aux côtés des forces armées américaines lors de l’invasion de l’Irak en 2003, montrant ainsi que les besoins américains ne pouvaient pas, ne devaient pas selon certains, toujours être satisfaits par les alliés. D’autre part, les dangers existentiels potentiels qu’encourt l’Europe sont essentiellement liés aux armes atomiques de la Russie, plus nombreuses et plus développées que celles des deux puissances nucléaires européennes, la France et le Royaume-Uni.
Mais qu’en est-il des États-Unis eux-mêmes? Pour le moment, la Russie est bien la seule puissance à posséder des armes nucléaires sous la forme de missiles balistiques intercontinentaux capables d’atteindre le sol continental américain, en particulier à partir de leurs bases en Sibérie orientale. Jusqu’à ce que les Chinois (qui disposent de telles armes nucléaires mais en quantité bien moindre) voire les Coréens du Nord ne développent des systèmes similaires et surtout en nombre suffisant. Les systèmes de défense européens, dans leur situation géographique, sont incapables pour le moment de faire pièce à ce type d’armement. Ils ne peuvent espérer détruire des armements nucléaires russes qu’à partir de l’Europe elle-même et pour cela, ils ont besoin des forces américaines. Mais l’Amérique elle-même ne peut être protégée par aucune force européenne de taille adéquate, et ne peut se garantir de toute attaque sur son sol que par elle-même. Même si les Français, en particulier, possèdent des forces opérationnelles capables de donner du fil à retordre aux attaquants.
Qu’attendent les Américains des Européens?
Revenons donc à la question: pourquoi faire? Il y a bien évidemment beaucoup d’autres éléments que les armes pour bâtir une alliance solide et paritaire. Les valeurs, tant de fois évoquées et galvaudées mais toujours aussi nécessaires, l’histoire et la culture, toujours axées sur l’Occident, que certains s’en réjouissent ou que d’autres le déplorent, le soutien au sein des grandes organisations internationales et au multilatéralisme, sans parler de l’interopérabilité nécessaire à une défense conjointe.
Mais au fond, la question du besoin des alliés répond à l’injonction permanente de leadership du monde libre que se sont donnés à eux-mêmes les États-Unis, et auquel leadership leurs alliés se sont volontairement soumis avec la gratitude et la confiance acquises après la Seconde Guerre mondiale. Cette nécessité d’assumer le rôle de leader est devenue, pour le personnel politique américain à la fois un slogan électoral et un modus vivendi. La question qui revient aujourd’hui de manière obsessionnelle dans les articles de think-tanks, voire dans les journaux et magazines grand public est justement celle-là, parfois sous forme d’affirmation, parfois d’interrogation inquiète. “Nous sommes de retour” après la présidence de Donald Trump, ou bien “Il n’y a personne d’autre que nous”, ou bien encore “Comment retrouver la position qui était la nôtre” avant la présidence Trump, et autres variantes.
Une certaine angoisse
Une certaine angoisse perce sous ces phrases. Comme, en d’autres temps, un empereur qui aurait perdu une partie de ses sujets à cause d’une pandémie ou parce que de lointaines provinces auraient décidé de faire sécession, les États-Unis semblent se demander sur qui ils pourraient bien maintenant régner sans partage. La solution devrait donc résider dans le partage justement: “revenez au bercail et nous partagerons avec vous nos labeurs et nos succès”, semblent clamer à l’unisson les membres du cabinet constitué par Joe Biden. Entre-temps, les certitudes et la confiance ont été ébranlées, les divisions se sont accentuées un peu partout, et la contestation est devenue le maître mot de la nouvelle ère post-Donald Trump. D’autres acteurs, plus jeunes, plus fringants et plus autoritaires –ce qui fait les délices des populistes– se sont présentés sur la scène avec des promesses qui peuvent sembler alléchantes aux populations avides de changement, qu’il soit essentiellement réactionnaire ou radicalement progressiste.
L’Amérique ayant depuis longtemps gagné la bataille du soft-power, victime de son succès planétaire, elle n’a plus à offrir pour se différencier des autres que sa puissance militaire, perspective devenue effrayante plus que réconfortante.
La grande force des États-Unis et de sa population est de savoir se réinventer, verbe qui caractérise peut-être le mieux son approche existentielle. Il importe donc que les Européens, atlantistes dans leur grande majorité, sachent faire preuve d’un certain attentisme pour savoir dans quelle direction cette réinvention va vouloir les entraîner, avant de formuler des suggestions pour faire de l’atlantisme une véritable structure de partage égalitaire.
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