Qu’est-ce qu’on regarde ce dimanche soir, 20 juin ? “Démineurs” sur W9
Film acclamé à sa sortie en 2009, Démineurs marque surtout le retour de Kathryn Bigelow à la réalisation (elle est la 1ère femme à recevoir un Oscar de la meilleure réalisation) et confirme son titre de cinéaste atypique dans la paysage hollywoodien....
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Film acclamé à sa sortie en 2009, Démineurs marque surtout le retour de Kathryn Bigelow à la réalisation (elle est la 1ère femme à recevoir un Oscar de la meilleure réalisation) et confirme son titre de cinéaste atypique dans la paysage hollywoodien. La réalisatrice aime filmer les groupes d’hommes, les codes masculins, et après les bikers vampires d’Aux frontières de l’aube, après les gangsters surfeurs de Point Break, rien de surprenant à la voir s’intéresser à une unité de l’armée américaine dont le rôle consiste à repérer et désamorcer les mines semées sur le théâtre des opérations irakien.
Démineurs est donc un film sur le conflit en Irak, mais plutôt que de se lancer dans de grands discours généraux sur la guerre ou la politique de Bush, Bigelow a préféré se concentrer sur cet aspect très particulier et moins rebattu du conflit que constitue le travail au quotidien des démineurs. Le film s’ouvre d’ailleurs par une longue séquence, très précise, très minutieuse, entièrement consacrée au labeur quotidien de ces hommes : la peur, l’attente, le dispositif de couverture, la technique de déminage, les problèmes d’outillage…
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Tout de suite, Bigelow est dans le détail et le concret, ce qui confère au film un mélange de force et d’austérité. La cinéaste semble s’être souvenue d’une règle très Nouvelle Vague : il n’y a pas de petits sujets, il n’y a que des petits ou grands films. D’ailleurs, Bigelow met aussi en scène certaines séquences d’explosion plus stupéfiants, mais plutôt que de renchérir sur le spectacle, ces moments sont assez brefs et marqués par des idées plastiques saisissantes et plutôt “modestes” : une carcasse de voiture qui se met soudain à trembler, une nappe de sable qui frémit et se soulève…
Ligne de frontAprès la mort de son chef, l’unité de démineurs est troublée par l’arrivée du successeur, le lieutenant James, un genre de tête brûlée qui semble n’avoir peur de rien et n’hésite pas à violer les procédures habituelles ou à griller les voies hiérarchiques pour gérer certaines situations selon son instinct. Le scénario prend alors le tour plus classique du conflit au sein d’un groupe, de la tension entre l’individu et le système, motif éternel du cinéma américain. Mais outre que ce scénario déjà vu est ici bien employé, il ne fige jamais la mise en scène. C’est au contraire cette dernière qui incarne et transcende l’écrit, comme dans une effarante séquence de fusillade entre les démineurs et une petite baraque de pierres où seraient cachés des insurgés.
La nature indécidable de la ligne de front est admirablement bien rendue : que ce soit en zone urbaine ou dans le désert, difficile de (sa)voir avec précision où est le camp américain, où sont les insurgés, avec de part et d’autre des lignes les populations civiles, filmées ici telles qu’elles sont : des témoins postés à leur corps défendant aux 1ères loges du conflit. La place que donne Bigelow aux Irakiens semble juste et honnête : ils ne sont pas invisibles, ils existent dans le film, mais la cinéaste n’essaie jamais de se mettre à leur place, évitant de glisser vers un point de vue qui pourrait apparaître comme facile, paternaliste. Les différentes figures d’Irakiens qui apparaissent dans le film (terroriste suicidaire, gamin faisant du petit business, badauds impuissants et parfois victimes de la nervosité des troupes occupantes, professeur bilingue, combattants…) dessinent la mosaïque d’un peuple occupé que la cinéaste montre mais ne juge pas.
Réalité dérangeanteArrivé au bout de sa mission, le lieutenant James rentre chez lui et retrouve femme et bébé. Une scène le montre au supermarché, prostré devant un gigantesque rayon de corn-flakes. Ce plan marquant peut signifier au moins deux choses. Si les Etats-Unis partent occuper des pays lointains, c’est pour préserver leur mode de vie hyperconsumériste jusqu’à l’absurde, et notamment la possibilité d’approvisionner de toutes les marques possibles de céréales toutes les épiceries de l’Union. Entre les dégâts d’une guerre et la multitude des boîtes de corn-flakes, il y a un raccourci stupéfiant, un contraste violent et dérisoire. L’autre signification de ce plan est plus dérangeante. La vie de famille tranquille ennuie profondément James. A cette version étroite mais réelle du “rêve américain”, il préfère l’adrénaline des champs de mines, le voisinage avec la mort.
On pourrait faire une lecture idéologique de ces scènes et reprocher à Kathryn Bigelow de faire l’apologie de la guerre, voire de l’invasion de l’Irak. Ce serait un contresens aussi grossier que d’avoir cru en son temps que Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino était un film conservateur, voire raciste. A aucun moment Bigelow ne fait de son personnage un héros (pas de contre-plongée sur lui, il n’est pas joué par une star, il est souvent contredit par des personnages aussi importants que lui dans le film), elle se contente d’observer avec honnêteté une réalité dérangeante, y compris sans doute pour elle-même : pour certains soldats, la guerre peut devenir une addiction. Plutôt que mettre en avant son opinion, Bigelow a voulu montrer une vérité humaine pas si souvent dite ou montrée, peut-être parce qu’elle fait partie de ces vérités pas faciles à dire, notamment dans le contexte hollywoodien. Non contente de se saisir d’un sujet d’une rare complexité philosophique dans le cinéma de grande consommation, elle l’a traité avec style, force, rigueur, en déminant les pièges les plus fréquents du ciné hollywoodien que sont la facilité stupéfiant ou le sentimentalisme.
Démineurs de Kathryn Bigelow est diffusé ce dimanche 20 juin à 21h05.