Qu’est-ce qu’on regarde ce dimanche soir, 23 mai en streaming ? “Fedora” de Billy Wilder sur le Vidéo club Carlotta
Avant-dernière réalisation de Billy Wilder, déjà septuagénaire, Fedora est un film éblouissant, sans doute le plus fou et lyrique d’un cinéaste généralement trop lucide et sarcastique pour y céder tout à fait. Fedora est une immense star hollywoodienne,...
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Avant-dernière réalisation de Billy Wilder, déjà septuagénaire, Fedora est un film éblouissant, sans doute le plus fou et lyrique d’un cinéaste généralement trop lucide et sarcastique pour y céder tout à fait. Fedora est une immense star hollywoodienne, dont la carrière court des années 30 au début des années 60 et qui choisit de l’interrompre, encore au faîte de sa gloire et de sa beauté, pour se retirer du monde dans sa forteresse grecque.
Pour pénétrer la forteresse Fedora, plusieurs films antérieurs peuvent servir de sésame. Le 1er, le plus évident, mais pas loin d’être une fausse clé, c’est Sunset Boulevard. William Holden, à nouveau dépositaire de la narration en voix off, n’y est plus un jeune scénariste désargenté mais un producteur indé à la ramasse qui essaie de se refaire. Wilder le confronte une fois de plus à une star de cinéma mais inverse la dramaturgie de son hit des années 50.
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Revoir FedoraDans Sunset Boulevard, toute la difficulté était de sortir de l’antre de Norma Desmond (le héros n’en sortira que les pieds devant, tout imbibé d’eau et de chlore). Dans Fedora, le plus périlleux est d’y entrer. Dans Sunset Boulevard, c’était la vieille idole qui rêvait d’un retour triomphal devant la caméra. Dans Fedora, c’est essentiellement le producteur qui désire un come-back que tout semble contrarier. Mais surtout dans les presque trente ans qui séparent les deux films, le cinéaste, à l’image de son double masculin Holden, est devenu plus âgé que son personnage de star féminine sur le retour.
Dans Sunset Boulevard, Norma Desmond moquait la platitude réaliste du cinéma parlant, la vulgarité de ses interprètes. A l’inverse dans Fedora, c’est le producteur has been qui décoche des flèches contre la mode “de filmer dans la rue avec une petite caméra” ou la génération “des nouveaux barbus d’Hollywood”. Si on ne peut s’empêcher d’entendre Billy Wilder persifler derrière les répliques de son personnage, il n’est pas certain qu’il en partage pleinement l’hostilité.
Un conte cruelCe qui frappe en revoyant Fedora, c’est sa parfaite contemporanéité de l’œuvre d’un des plus importants “barbus” du Nouvel Hollywood : Brian De Palma. Le film prend la forme d’un thriller paranoïaque sur la manipulation et les simulacres. La résolution de l’intrigue, qui intervient de façon audacieuse en plein cœur du récit, repose même sur une histoire de body double (on n’en dira pas plus), et la construction en flash-backs explicatifs aux points de vue entrelacés n’est pas sans évoquer certains classiques seventies depalmiens (Obsession, Furie…). Les corps de femmes se substituent, chaque image se double d’un mensonge, tout n’est qu’apparat et mise en scène.
Fedora, ce n’est rien, sinon un signifiant. Mais un signifiant puissamment carnivore, qui va engloutir beaucoup de corps vivants pour entretenir le mirage de son existence. D’autres films, à l’imaginaire tout aussi carnassier, croisent l’itinéraire de Fedora : Les Yeux sans visage de Franju (masque et défiguration), Rebecca d’Hitchcock (gouvernante abusive et sadisme saphique sous-jacent)… C’est dire si Fedora est une œuvre puissamment hantée, un conte cruel à la beauté foudroyante, où la démythification annoncée des mensonges ataviques du cinéma est peu à peu débordée par un amour fou de ses puissances falsificatrices.
Fedora de Billy Wilder est disponible sur le Vidéo club Carlotta.