Qu’est-ce qu’on regarde ce soir en streaming ? “Arrête-moi si tu peux” sur Netflix

Pour Arrête-moi si tu peux, sorti en 2002, Steven Spielberg s’est en grande partie inspiré de la vie de Frank Abagnale Junior, qui à l’âge de seize ans, s’inventa une série d’identités pour tromper son origine sociale. Tour à tour pilote de...

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Pour Arrête-moi si tu peux, sorti en 2002, Steven Spielberg s’est en grande partie inspiré de la vie de Frank Abagnale Junior, qui à l’âge de seize ans, s’inventa une série d’identités pour tromper son origine sociale. Tour à tour pilote de ligne à la Pan Am, médecin, avocat, Frank va fabriquer en l’espace de cinq ans une centaine de chèques et encaisser grâce à ses dons de faussaire et sa bonne figure plusieurs millions de dollars aux Etats-Unis et à travers le monde.

Délaissant l’alternance des vaines machines à effets spéciaux et des sujets à thèse ambitieux (accouplés récemment le temps d’un Minority Report contestable), Spielberg réalise là un film presque aussi séduisant que son jeune héros. Le décor de la fin des années 60 se prête tout à fait à cette euphorisante aventure. John Williams a même tronqué ses flonflons pour une pétillante musique dans le style d’Henry Mancini.

Spielberg n’est pas Blake Edwards, mais il fait son possible pour atténuer sa propension à la balourdise et adopte une mise en scène virevoltante, bien que pas toujours très élégante et subtile. Dès l’ambiance lounge du générique, on nous promet un dépaysement sixties, une course-poursuite et de nombreux changements de décors. Pari tenu. Le film est porté par un Leo DiCaprio plein de charme et de talent, et l’on assiste avec une réelle jubilation à l’enchaînement frénétique d’escroqueries et mensonges divers.

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Revenir à l’enfance

Arrête-moi si tu peux traite le plus beau sujet (de cinéma) qui soit, l’imposture, moteur intarissable de fictions et de situations. A l’écran, le personnage de l’imposteur est celui qui met avec le plus d’évidence sa vie en scène et surtout montre l’intelligence et la folie au travail, avec toujours deux motivations : un résultat immédiat (l’argent, la gloire), déclenché par sa mégalomanie, et un but caché, provoqué par sa névrose. Pourquoi fait-il ça ? Hélas, serait-on tenté de dire, Spielberg a une réponse déjà prête, qui est contenue dans tous ses films. C’est une réponse qui est peut-être la sienne, intime, ou celle du personnage, mais on a également peur que ce ne soit celle du public, car on se demande toujours avec Spielberg où commence la sincérité et où s’arrête la démagogie.

Malgré la variété apparente de ses films, le réalisateur creuse le même sillon, plus ou moins consciemment. La cavale de son jeune héros n’a pour seul but que de revenir à l’enfance, de retarder l’entrée dans le monde des adultes. Que le déclic de la carrière d’escroc de Frank soit provoqué par le divorce de ses parents procure une excellente aubaine à Spielberg pour asséner une nouvelle fois le rôle essentiel de la famille dans la construction du bonheur. Cette idée n’est pas ridicule en soit, mais elle incite Spielberg à déraper vers son péché mignon, la scène sentimentale, véritable dispositif pavlovien pour déclencher la sympathie et l’identification du spectateur. Car malgré son existence enivrante et hors du commun, le jeune escroc ne rêve qu’à une belle vie de foyer. Sa solitude ­ paresseusement mise en parallèle avec celle de son poursuivant, austère agent du FBI (Tom Hanks) ­ apparaît dans toute sa tristesse les soirs de Noël. Voilà sans doute l’image parfaite du malheur selon Spielberg (et/ou son public familial).

Cependant, ce genre de facilités narratives n’occulte pas les qualités psychologiques du film lors des scènes qui réunissent DiCaprio et Christopher Walken, vraiment très bons tous les deux. La plus belle partie du film concerne la relation entre Frank et son père, porteurs du même patronyme et de la même vision de la vie. La frénésie volontariste avec laquelle Frank se sent le devoir de réaliser les principes d’audace que son père lui a transmis rend particulièrement émouvant cet amour filial placé sous le signe de l’admiration et de la procuration.

Un film très masculin

Arrête-moi si tu peux est d’ailleurs un film très masculin (comme le sont les thèmes de la fuite et de l’imposture). Éloigné de son véritable père, Frank va développer avec son poursuivant une sorte de rivalité bienveillante puis de complicité. Les femmes, elles, sont hors jeu, ou mauvaises joueuses : les filles qui passent entre les bras de Frank, au bénéfice de ses fausses activités et de sa belle apparence, ne sont que des silhouettes blondes plus ou moins vénales. Les deux seules femmes aimées par Frank, la fiancée oie blanche et la mère française, se révèlent délatrice et traîtresse. Misogyne, ethnocentrique (mieux vaut rire du sort réservé à la France et aux Français dans le film), Spielberg laisse toujours déborder dans ses productions proprettes quelques refoulements suspects. Pour Spielberg comme pour son héros, le passage à la maturité est problématique.

Malgré son sujet, ce n’est pas encore avec ce film que l’on pourra taxer Spielberg d’auteur adulte, d’immoraliste ou de provocateur (mieux vaut revoir Le Roman d’un tricheur de Guitry). C’est un film édifiant, où la morale est sauve, puisque Frank rentrera dans le droit chemin… Mais cette success story emprunte un chemin plutôt original et se pose quelques questions suffisamment importantes pour que les derniers contempteurs recensés de Spielberg y trouvent un intérêt. Les autres, majoritaires de toute façon, seront conquis d’avance par l’emballage parfait de ce bon divertissement.

Arrête-moi si tu peux de Steven Spielberg, est disponible en ce moment sur Netflix.

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