Qu’est-ce qu’on regarde ce soir en streaming ? “Crash” sur MyCanal
Crash est étrange, percutant. Il pourrait avoir pour seul but d’être une enveloppe corporelle le temps d’une projection, pour accueillir les spasmes d’un monde où le désir fait loi. Voici un film qui voudrait nous aider à muter. Notre monde,...
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Crash est étrange, percutant. Il pourrait avoir pour seul but d’être une enveloppe corporelle le temps d’une projection, pour accueillir les spasmes d’un monde où le désir fait loi. Voici un film qui voudrait nous aider à muter. Notre monde, sans doute, mais juste un peu à côté. Juste un peu plus fou et malaisant, comme toujours chez David Cronenberg. Un boudoir de métal et de peaux d’abord imaginé par J.G. Ballard dans son roman de 1973, où des hommes et des femmes se reconnaissent à travers leur appétit sexuel pour les océans de tôles froissées et de voitures renversées.
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Naissance de jalousies et circulations fluides
Comment montrer des êtres qui se reconnaissent ? L’évidence douloureuse de la rencontre n’a peut-être jamais été aussi bien filmée au cinéma que dans l’une des 1ères scènes du film, quand un accident entre James Ballard (James Spader) et Helen Remington (Holly Hunter) se transforme en un ballet de regards stupéfaits. Tu es là, je suis là. Je te vois, je te sens. Nous ne devrions pas, nous allons le faire.
Cet homme et cette femme se retrouveront bien d’autres fois, au gré d’un marivaudage sadien entre épouse, mari et maîtresse, que viendra perturber un monstre de libido sans limite joué par l’extravagant et sexy Elias Koteas, qui pousse le film vers ses extrémités parodiques et cruelles, dézinguant au passage toute tentative hétéro-normative. Des jalousies naîtront, des circulations fluides aussi, dans cette communauté hors des lois qui ne sait aimer et baiser qu’en léchant des crevasses-cicatrices sur une jambe ou caresser une attelle de fer sur un membre meurtri par les accidents.
On bande et mouille beaucoup
D’une certaine façon, Crash explique de simples histoires d’amour et de cul, dont le cadre serait un théâtre baroque fait de bagnoles, d’autoroutes dans la nuit et de corps soumis à une tension extrême. On peut y voir aussi un objet purement conceptuel dont les influences se trouveraient dans la musique répétitive, à mesure que les scènes reproduisent des situations similaires sans véritable progression dramatique. Le merveilleux thème d’Howard Shore, fait de plusieurs guitares électriques enchevêtrées, apporte à ce sentiment potentiellement austère une dimension charnelle. Le film passe du chaud au glacé en allers-retours avec lui.
Enfin, Crash ressemble aussi à un manifeste pour un cinéma libéré, où pourraient se mêler des genres qui n’ont pas beaucoup l’occasion de converser : le film de voitures, dont l’auteur de Faux-Semblants maîtrise les codes et les ralentit à l’extrême, le film érotique, puisqu’il est assumé que la narration passe par les nombreuses et vitales séquences de cul, le film de pure parole enfin, car le sexe y sort largement de la bouche de celles et ceux qui le expliquent avant de le pratiquer.
On bande et mouille beaucoup par les oreilles, nous chuchote Crash, entre autres rappels essentiels comme celui-ci : le sexe et le cinéma sont des rituels qui parfois terrifient et souvent font jouir.
Crash de David Cronenberg est disponible sur MyCanal.