Qu’est-ce qu’on regarde ce soir en streaming ? “La Baie des anges” sur LaCinetek
Suivant le dogme bressonien et filmé avec peu de moyens, La Baie des Anges (1963) est une belle entorse à la maxime du cinéma de Jacques Demy (ou du moins une large partie), l’idée que le hasard fait bien les choses. Ici, il fait mal. C’est...
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Suivant le dogme bressonien et filmé avec peu de moyens, La Baie des Anges (1963) est une belle entorse à la maxime du cinéma de Jacques Demy (ou du moins une large partie), l’idée que le hasard fait bien les choses. Ici, il fait mal.
C’est le deuxième long métrage de Demy, un film où Jeanne Moreau est blonde platine et où le hasard gouverne le monde. Un jeune homme sérieux, poussé par un démon de ses amis, prend goût au jeu, fréquente les casinos et rencontre à Nice le hasard blond platine, femme fatale éperdue et perdue, Jackie. Il et elle se portent chance et poisse, ne roulent plus que pour la roulette et sur des malentendus – “rien-ne-va-plus” permanent qui retarde encore et encore l’annonce du chiffre et l’aveu de l’amour.
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Tout le film est poursuite, fuite, traque, dans l’espace vaste et tortueux, inhabitable, des casinos et des chambres d’hôtel, de deux personnages de roman sans épaisseur (ce qui n’a rien de péjoratif en 1963) par la caméra du hasard. Cette force du hasard que la mise en scène implacablement révèle n’a rien de hasardeuse. Car dans le monde magico-religieux du jeu, l’impulsion est décision, la décision est chance, la chance est mouvement, et, nouvelle entorse aux maximes, le mouvement c’est de l’argent (gagné et aussitôt perdu, circulant sans logique, menant la danse). Nécessité et contingence ne forment qu’un seul règne, auquel le film cherche une échappatoire.
La beauté délétère du grand jeu, du “mystère des chiffres” qui obsède cette mystique frivole qu’est Jackie, détermine les mouvements, les raccords, les gestes, les dialogues magnifiques de vacuité Riviera. Deux plans parallèles, le 1er et le dernier du film, nous livrent le chiffre sans mystère d’une évasion possible. Le 1er s’éloigne, belle envolée, de Jackie seule qui marche. Le second recule vers l’intérieur du casino tandis que les amants s’éloignent en le quittant. Adieu l’attente superstitieuse du joueur traqué : avoir la chance avec soi, c’était être seul. Eux délaissent la caméra, ils partent, anges sans dieu, sans religion, déchus, heureux.
La Baie des anges de Jacques Demy, disponible en streaming sur LaCinetek.