Qu’est-ce qu’on regarde ce soir en streaming ? “Le vent se lève” sur Netflix
L’histoire de Jiro Horikoshi, un jeune homme fasciné par les réalisations du concepteur d’avions Giovanni Caproni qui rêve un jour de devenir pilote. Il existe encore quelques spectateurs dans nos contrées qui détestent ou repoussent le dessin...
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L’histoire de Jiro Horikoshi, un jeune homme fasciné par les réalisations du concepteur d’avions Giovanni Caproni qui rêve un jour de devenir pilote.
Il existe encore quelques spectateurs dans nos contrées qui détestent ou repoussent le dessin animé japonais par principe, par préjugé ou expérience malheureuse. Certes, le film d’animation japonais, mais pas plus que ses compères occidentaux, aime souvent la mièvrerie.
Le nouveau film – présenté en compétition à la Mostra de Venise – d’Hayao Miyazaki, le grand maître du genre, devrait pourtant leur plaire.
Non que Le vent se lève ne soit dénué de cette sentimentalité qui nous paraîtrait insupportable dans tout film européen. Mais ce sont les conventions du genre, comme les gestes accentués dans les films de Bollywood le sont aussi. Pourtant, la complexité des sentiments souvent exprimés dans ce film-ci, un véritable chef-d’œuvre, devrait tous nous réconcilier avec ce cinéma, nous convaincre de sa totale modernité et de sa capacité à l’abstraction. Certes, Miyazaki préfère toujours la charge comique au discours politique.
Par exemple, ses militaires seront toujours des fantoches, des petits chefs ridicules, des malfaisants de vaudeville – les gaîtés de l’escadron –, un aspect gentiment antimilitariste qui lui a d’ailleurs été reproché dans son propre pays. Mais quel génie du dessin et de l’animation, une nouvelle fois !
Un film personnelUn tremblement de terre (celui de Kanto, en 1923) devient sous sa patte le dos d’un crocodile qui se déplace lentement, écaille par écaille… La Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon sont montrées avec une inventivité et un sens de l’image qui frappe ou de l’ellipse inépuisé. Car, nouveauté, le dernier film annoncé de Miyazaki – pour semble-t-il des raisons de fatigue, mais il continuerait à travailler comme producteur au studio Ghibli – est aussi son plus réaliste, et sans doute son plus personnel malgré les apparences.
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Fondée sur la vie de personnages réels (le génie de l’aviation Jiro Horikoshi et le romancier Tatsuo Hori), l’histoire du Vent se lève est celle d’un as de l’aéronautique, Jiro, l’inventeur du fameux chasseur “Zero”, le monoplace emblématique de l’armée japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale. L’enfant passionné d’aviation devient très vite l’un des principaux artisans de l’usine où il est embauché.
Il voyage en Allemagne… Il a aussi une amoureuse, Naoko, qu’il a rencontrée et aidée lors du tremblement de terre de Kanto (l’une des scènes les plus stupéfiants), alors qu’elle n’était qu’une enfant. Plus la guerre approche, et plus Jiro semble avoir trouvé dans le vol des hirondelles le modèle idéal pour l’avion de ses rêves.
Aussi choquant que cela puisse paraître, le héros de Miyazaki se vit avant tout comme un artiste dégagé, ou désengagé. Impossible pour nous de ne pas y voir un autoportrait de Miyazaki lui-même, pourtant pas exempt d’une part très forte d’autocritique, sinon d’autoflagellation. Jiro est un égoïste, si passionné par son métier qu’il en oublie le reste. Miyazaki ne tente-t-il pas de le dédouaner de toute responsabilité politique, de nous faire oublier qu’il travaille en toute cécité pour un régime fasciste qui compte sur lui ? Et pourtant non.
“Le vent se lève ! Il faut tenter de vivre !”Dans une des scènes les plus déchirantes, Jiro, après avoir appris que Naoko est très malade, prend un train pour se rendre à son chevet. Alors, tandis qu’elle se repose, il lui prend la main, et de l’autre se met à dessiner et dessiner des plans d’avions…
Quiconque ne pleure pas à cet instant à un cœur de béton. Mais l’image amoureuse est ambiguë : qui donne de la force à qui ? qui en a le plus besoin ? Dans ce long échange amoureux entre ces deux êtres qui s’aiment, il y a l’idée que l’artiste est aussi, d’une certaine manière, en train de vider le corps de son aimée de son énergie vitale. Egocentré, vampirique, ce jeune homme bien sous tous rapports épuise tous ceux qui l’entourent. Touché certes par leur souffrance, mais continuant à marcher sur sa route tandis qu’ils tombent derrière lui…
Alors, quand le vent se lève à la fin du film, après le spectacle désolé des milliers de carcasses d’avions issues des combats aériens de la guerre du Pacifique, notre héros reste seul et redit une dernière fois la phrase emblématique du film, signée Paul Valéry : “Le vent se lève ! Il faut tenter de vivre !” Seul à avoir survécu. Doit-il s’en réjouir ?