Qu’est-ce qu’on regarde ce soir ? “Europe 51” sur LaCinetek
La révolution qu’accomplit Roberto Rossellini au sortir de la Seconde Guerre mondiale est en deux temps. Le 1er est celui de trois films qui dissolvent tous les codes du cinéma narratif au profit de récits dépourvus d’arête dramatique centrale,...
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La révolution qu’accomplit Roberto Rossellini au sortir de la Seconde Guerre mondiale est en deux temps. Le 1er est celui de trois films qui dissolvent tous les codes du cinéma narratif au profit de récits dépourvus d’arête dramatique centrale, sans personnages centraux, peuplés d’acteurs non-professionnels pour la plupart (à l’exception d’Anna Magnani), abandonnent le studio au profit de la rue et jettent les bases de l’esthétique néoréaliste : Rome, ville ouverte (1945), Païsa (1946) et Allemagne année zéro (1948). Trois œuvres-clés où le cinéma recueille les gravats d’un monde défait économiquement, moralement, métaphysiquement.
Dans un second temps, le cinéma de Rossellini confisque à Hollywood une de ses plus glorieuses effigies pour la déparer de tout artifice. Des cinq films que Rossellini et Ingrid Bergman (égérie de Cukor, Hitchcock, qui, impressionnée par les films du cinéaste italien, lui écrit une lettre pour dire son désir de travailler avec lui) tournent ensemble dans la 1ère moitié des années 50, Europe 51 (1952) est le deuxième (après Stromboli, 1950).
Sagesse et folie
L’actrice y interprète une grande bourgeoise américaine mariée à Rome, qui fait face au plus cruel des drames : le suicide de son enfant, un garçon de dix ans qu’elle négligeait tout accaparée par sa vie mondaine. L’expérience de cette perte l’ouvre tout à coup au monde. A l’amour particulier d’une mère, qu’elle a échoué à exprimer, se substitue un amour efflorescent pour toute forme de malheur humain. Elle quitte son mari, son quartier huppé, distribue sa richesse dans les quartiers les plus démunis de la ville, travaille dans une usine, accompagne dans son chemin de croix une jeune prostituée, aide un malfaiteur à échapper à la police… Sa volonté de distribuer le salut à chacun l’entraîne vers la plus totale désocialisation, dans une zone insituable à la plus grande des sagesses et la plus dangereuse des folies.
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Un regard du cinéma moderne
Le trajet est bouleversant ; Ingrid Bergman est de bout en bout géniale ; le film imprime une douceur létale entêtante. Mais c’est aussi une idée (immensément haute) du cinéma que métaphorise le personnage d’Ingrid Bergman. Son histoire est celle d’un décillement. Elle ne voyait rien (pas même le malheur de son fils, pas même les mensonges et les dénis d’une société italienne qui toute à sa reconstruction a trop vite enfoui la mémoire du fascisme). Et tout à coup elle voit, de façon absolue. Comme, selon les préceptes du néoréalisme, le cinéma classique qui ensevelissait le monde sous des images fausses et tout à coup se fixe la tâche de le montrer tel qu’il est. Dépouillé de tout artefact. Dans sa vérité nue. Le regard à la fois inquiet et empathique posé sur des individus, des milieux sociaux, des formes de vie, qu’elle avait pris soin d’ignorer, c’est le regard du cinéma moderne, qui au cœur du XXème siècle part à la rencontre du plus ineffable des graals : le réel.
Europe 51, un film de Roberto Rossellini