Qu’est-ce qu’on regarde ce soir ? “La Captive” sur LaCinetek
Remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs en 2000, La Captive dépasse, de loin, la simple adaptation littéraire et dévoile plutôt une relecture par Chantal Akerman des thèmes principaux de La Prisonnière de Marcel Proust. Du désir à l’obsession,...
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Remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs en 2000, La Captive dépasse, de loin, la simple adaptation littéraire et dévoile plutôt une relecture par Chantal Akerman des thèmes principaux de La Prisonnière de Marcel Proust. Du désir à l’obsession, passant par l’isolement, le film terrifie autant qu’il fascine et questionne la possession comme amour.
Aimer jusqu’à la folie
Dans la pénombre d’un appartement, Simon (Stanislas Merhar) projette en boucle un film de vacances. De ces images muettes, preuves d’une exaltation passée, se distingue Ariane (Sylvie Testud) dont la présence captive totalement Simon, qui lâche à demi-mot : “Je vous aime bien.” Cette séquence d’ouverture est vertigineuse, à l’image de tout le film. Progressivement, Akerman met en scène l’obsession grandissante de Simon à l’égard d’Ariane, les deux sans complicité apparente.
Comme le Minotaure mythologique, Simon suit et observe discrètement le quotidien vagabond d’Ariane qui s’échappe à travers les ruelles parisiennes, les couloirs étroits de l’appartement, les labyrinthes du film. Dès lors, l’utilisation du surcadrage et du plan-séquence accentue cette impression d’enfermement névrotique. “Tu t’éloignes dès que tu fermes les yeux”, souligne Simon (aux manières vampiriques) à Ariane, dont les multiples sorties de champ préfigurent son évasion finale.
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Une réinterprétation actuelle
Oscillant constamment entre dispute et entente sans tendresse, le film explore les mouvements d’un couple sur le point de séparer. Dans une voiture, Ariane et Simon règlent leurs comptes, le plan est long et l’espace en mouvement perpétuel. Seule leur présence dans le cadre sert à combler les silences intempestifs. Il et elle viennent et vont dans des milieux opposés, des mondes inconciliables. Ce qui rend la mise en scène de Chantal Akerman si singulière, c’est l’absence de hiérarchie dans son découpage. La caméra est toujours à la bonne distance, ni trop près, ni trop loin. De Paris à Cabourg, de l’appartement luxueux du 16e arrondissement à l’hôtel haut de gamme normand, passant par le bois de Boulogne, le film nous donne envie d’être ailleurs.
Par cette délicate stylisation, la réalisatrice s’immisce dans la réclusion puis la fuite d’un couple opaque dont la relation est impossible. Bien qu’il s’agisse d’une adaptation – en témoigne le carton du générique : “inspiré de Marcel Proust” –, La Captive livre une réinterprétation actuelle d’une œuvre passée. Le temps littéraire, celui des phrases, est alors transposé au temps du film et de ses émotions, celles captées par la cinéaste, qui, une fois de plus, impose son propre rythme.
Du corps féminin au corps féministe
Dès les années 70, Chantal Akerman a manifesté son engagement dans la lutte féministe et ce n’est pas un hasard si le corps féminin est le cœur de son travail filmique, notamment dans Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1976). En 1999, Chantal Akerman ne filme plus les gestes quotidiens de Delphine Seyrig, mais explore le désir incompatible d’un homme et d’une femme. La façon même dont les relations sexuelles sont filmées dans La Captive illustrent bien le malaise voire le désaccord d’Ariane qui subit la passion de Simon. Le corps d’Ariane est présent, collé à celui de Simon, mais ses désirs et sentiments sont ailleurs. Sur ce point, le film se joue contre une forme de binarité entre et chez ces personnages. Ce qui intéresse Chantal Ackerman dans La Captive, et qui a également habité l’œuvre proustienne, ce sont les désirs indomptés.
La Captive est disponible sur LaCinetek