Qu’est-ce qu’on regarde ce soir ? “Une Fille facile” de Rebecca Zlotowski sur OCS

Une Fille facile a des allures de fable rohmérienne, un petit air de La Collectionneuse. Pourtant, le film n’est pas vraiment un remake. Peut-être, un peu un pari, un “coup” avant de devenir un film, mais pas un coup qui n’aurait rien d’étonnant...

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Une Fille facile a des allures de fable rohmérienne, un petit air de La Collectionneuse. Pourtant, le film n’est pas vraiment un remake. Peut-être, un peu un pari, un “coup” avant de devenir un film, mais pas un coup qui n’aurait rien d’étonnant de la part de sa réalisatrice. Car Rebecca Zlotowski, à bien y réfléchir, a fondé tous ses films sur des figures féminines tels que Léa Seydoux (Belle Epine, Grand Central), Lily-Rose Depp (Planétarium)), et maintenant Zahia. Des femmes mal-aimées souvent parce que bien nées, objets malgré elles d’un mélange de fascination et de misogynie, et que la réalisatrice s’employait à libérer de cette entrave.

Poupée mélancolique

Dans cette coming of age story balnéaire qui lui offre son 1er rôle d’importance et où elle joue Sofia, l’initiatrice d’une cousine plus jeune, Zahia intéresse tellement Zlotowski en tant que Zahia qu’elle n’est, en fait, pas tout à fait un personnage. Il s’agit d’une apparition fantasmatique et éphémère (“elle est partie comme elle était venue : presque sans prévenir”), sans nom de famille, sans racines claires, littéralement sans bagage (elle sort en ville sans sac à main ni argent, presque nue), qui visite la Côte d’Azur comme tombée du ciel, et plus probablement apportée par les flots.

Aux côtés de sa cousine (l’inconnue Mina Farid, qu’on croirait évadée d’un Kechiche), dans les bras des millionnaires à yachts, sur les plages cannoises, Sofia n’est jamais que Zahia, amie de personne et venue de nulle part : un corps insaisissable, à la fois complètement déformé, refait et impur, et néanmoins tiré par là même vers sa pureté dans la sublimation, vers une espèce de féminin transfiguré.

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Sofia est une expérience théorique sur la forme la plus stéréotypale du féminin, quelque chose qui vient de Bardot (à laquelle, à Cannes, on a copieusement comparé Zahia, qui tient d’ailleurs plus de la statuaire et de la mélancolie du Mépris que de la pétillance de Et Dieu… créa la femme). Une expérience que l’actrice pousse à un point de rupture, à la fois dans l’impudeur (Sofia offre sa poitrine aux regards prédateurs à tout bout de champ) et dans l’effacement (“oh, moi je ne sais pas faire la conversation”).

Elle est ainsi plus libre que toutes – ou du moins le souhaiterait-elle –, n’habitant aucun lieu, sinon celui de sa promenade perpétuelle, son aspiration lapidaire à « l’aventure », jouant comme elle respire de sa toute-puissance sur les hommes qui la convoitent, mais condamnée aussi à ne rien posséder, hormis ce qu’ils veulent bien lui offrir, et toujours pour un temps seulement.

Drame existentiel

Libre ou prisonnière : c’est toute la dialectique sur laquelle repose le film. Tandis que la cousine aînée s’adonne à ses habitudes de coucheuse entretenue, la cadette contemple dans un coin, hésitant à embrasser cette vie de luxe et d’apparences, prenant la mesure des privilèges qu’elle offre en même temps que de ce qu’il en coûte d’y entrer.

C’est tout à la fois le drame existentiel (elle sera toujours seule) et l’armure immarcescible de cette fille facile et cependant compliquée qui, contre toutes les estocades masculines, et feignant de leur céder l’entrée, demeure impénétrable.

Une fille facile de Rebecca Zlotowski est disponible sur OCS.

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