Qu’est-ce qu’on regarde en streaming ce soir ? “Le Caire confidentiel” sur Netflix

Sorti en 2017, Le Caire confidentiel est parfait pour s’immerger dans une ville bouillante, encore secouée par les révoltes du Printemps Arabe, trop vite retombées. Un film qui nous saisit par sa beauté et réactive notre appétit au moment où...

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Sorti en 2017, Le Caire confidentiel est parfait pour s’immerger dans une ville bouillante, encore secouée par les révoltes du Printemps Arabe, trop vite retombées. Un film qui nous saisit par sa beauté et réactive notre appétit au moment où on ne s’y attendait pas.

On ne sait pas grand-chose de son auteur, Tarik Saleh, Suédois d’origine égyptienne, qui a débuté comme street artist puis réalisé des documentaires sur Che Guevara ou Guantánamo, un film d’animation (Metropia, avec les voix de Juliette Lewis, Vincent Gallo et Stellan Skarsgård) et un polar (Tommy).

Un imaginaire nomade et postmoderne

Il a également signé des clips de Lykke Li dont I Follow Rivers avec Fares Fares, acteur principal de ce film. À ces quelques indices, on devine que Tarik Saleh est un tenant de tous les métissages géographiques, esthétiques et culturels et, de fait, Le Caire confidentiel reflète cet imaginaire nomade et postmoderne propre à toutes les hybridations, et décelable dès son titre, déclinaison égyptienne d’un célèbre roman d’Ellroy porté au cinéma.

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Pour autant, le film de Saleh est d’abord un film arabe par sa langue, ses comédiens, ses lieux de tournage et de fiction. Son pitch semble sortir d’un pulp d’Hammet ou de Chandler : sur fond de tensions sociales (on est en janvier 2011, à l’aube des printemps arabes), une chanteuse est assassinée dans un hôtel de luxe.

L’inspecteur Noureddine mène l’enquête, qui le conduit dans toutes les strates de la société égyptienne, de ses bas-fonds à ses sommets luxueux, voyage urbain et social dont le terminus sera le constat désabusé et peu surprenant que tout est corrompu, à commencer par la tête de l’Etat.

Un film noir prenant en charge un contexte politique récent et toujours d’actualité, ce serait déjà pas mal, mais là n’est peut-être pas le plus important. L’essentiel, c’est le talent et l’inspiration de Tarik Saleh pour transcender ce matériau réaliste, renouveler ses codes, en s’échappant dès qu’il le peut des clous de l’enquête de son flic pour se laisser porter par les vents d’une balade cinématographique sensorielle.

Il est évident que pour Saleh, le cinéma passe au-dessus du sacro-saint scénario et doit être bien autre chose qu’une simple illustration de séquencier de dialogues et situations. La mise en son est ici exceptionnelle, entre nappes techno et mélopées arabes, radios en sourdine ou battements d’ailes de pigeons sur un toit-terrasse.

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Le Caire à Casablanca

Dans ce chant métropolitain qui passe autant par le miroitement électrique de l’image que par les multiples variations d’intensité et de couleurs sonores, on reconnaît un cinéaste qui a tâté du clip musical et de diverses formes d’expression artistique. Et pour achever de tordre le cou du naturalisme, on apprend via le dossier de presse que ce film censé se passer au Caire a été tourné à Casablanca en raison d’une interdiction des services de sécurité égyptiens – la critique politique et artistique chez al-Sissi, c’est non.

Le Caire confidentiel a obtenu le Grand Prix à Sundance et à Beaune, ce qui impressionne sans doute moins qu’une Palme d’or mais qui est amplement mérité : en mixant la rue arabe et les avancées esthétiques de la technosphère, Tarik Saleh a totalement revitalisé le vieux genre fourbu du film noir.

Le Caire confidentiel de Tarik Saleh est en streaming sur Netflix.