Qui est Marie Amachoukeli, la réalisatrice d’“Àma Gloria” ?

Marie Amachoukeli est née myope. Jusqu’à ses neuf ans, elle a grandi dans le flou. La sensation n’était pas désagréable, au contraire, ça lui permettait de faire le tri, de voir ce qu’elle avait envie de voir. La 1ère fois qu’on lui pose des...

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Marie Amachoukeli est née myope. Jusqu’à ses neuf ans, elle a grandi dans le flou. La sensation n’était pas désagréable, au contraire, ça lui permettait de faire le tri, de voir ce qu’elle avait envie de voir. La 1ère fois qu’on lui pose des lunettes sur le bout du nez, c’est le choc. Elle se souvient aussi de la fascination qu’exercent immédiatement sur elle l’optique et toute l’armada d’objets oculistes. C’est d’ailleurs par une séquence chez l’ophtalmologiste (interprété par son véritable médecin) que s’ouvre son 1er long métrage réalisé en solo, Àma Gloria. Cléo (impressionnante et novice Louise Mauroy-Panzani), adorable petit être, tête bouclée et lunettes roses, est là pour un examen de routine. Elle est accompagnée de sa nourrice Gloria (Ilça Moreno Zego, également 1ère fois au cinéma). L’histoire du film est nettement autobiographique. C’est une nuit, après avoir eu Laurenda au téléphone, femme qui l’a élevée jusqu’à ses six ans, que quelque chose s’enclenche chez Marie Amachoukeli : “Je me suis souvenue du jour où elle est partie pour retourner vivre dans son pays. Je ne comprenais pas, je lui en voulais à mort. Je me suis alors demandé qui sont ces femmes qui quittent leur pays pour élever les enfants des autres ? Quel est cet amour débordant dont on ne veut pas causer ? C’est quoi ce lien ?”

Marie Amachoukeli est née et a grandi dans le XVIIIe arrondissement dans une famille où la peinture et les arts plastiques comptaient plus que tout – son père est le célèbre orfèvre Goudji. “Je suis traumatisée par toutes ces journées au musée qui ont fait certainement ma culture. Je remercie mes parents mais c’était quand même très long.” Chez elle, seule alternative possible face à l’ennui : du papier et des crayons. Alors Marie Amachoukeli dessine beaucoup – sans véritable talent, dit-elle, amusée -, mais avec un certain goût de l’obsession, dont l’une est des plus cocasses : “Pendant une dizaine d’années, j’ai dessiné des millions de fois François 1er, c’était un toc.”

Passion son

Des obsessions dans la vie, Marie Amachoukeli en a d’autres. Il y a d’abord ce long métrage d’animation qui ne la quitte pas, qu’elle prépare depuis presque une dizaine d’années avec Vladimir Mavounia (ami avec qui elle a déjà co-réalisé le court I Want Pluto to be a planet again) et dont le 1er teaser fascinant, bercé par la musique d’Odezenne, est déjà accessible sur son compte Instagram. Le son justement occupe aussi une place particulière dans la vie de la cinéaste qui, faute de vue opérationnelle, a plutôt misé sur l’ouïe. Chez elle, elle entasse comme une collectionneuse les instruments cassés, chinés dans des brocantes. Elle les répare, les vend et parfois compose de petites boucles musicales qu’elle dit bidouiller en totale amatrice, ce dont on est en droit de douter vu le panache et la persévérance affichée de la principale intéressée. “Dans les moments de nervosité ça m’apaise.” Elle nous dévoile pouvoir passer des heures avec sa mixeuse et compositrice Fanny Martin à écouter des sons de vents différents. Pas étonnant à ce qu’Àma Gloria soit un film qui se regarde autant qu’il s’écoute.

Ses amis la disent hyper-active quand elle se considère flemmarde. “J’ai besoin de m’amuser, sinon je m’ennuie c’est une catastrophe.” Son travail de scénariste pour d’autres (Franco Lolli, Julia Ducournau…) lui permet d’étancher cette soif et d’assouvir ce besoin d’amusement constant. C’est d’ailleurs cette sensation de jeu et de liberté qui la séduit quand elle passe un peu par hasard la Fémis en section scénario, pour aider un ami catalan à combler ses carences en français et se remettre, aussi un peu, d’une rupture amoureuse. Exercice d’autant plus ludique pour une ancienne étudiante en khagne/hypokhâgne (cursus choisi plus par revanche sur une jeune scolarité chaotique que par plaisir) et élève en archéologie, véritable passion, et histoire des religions : “Quand t’as fait des études austères et que t’as lu la Bible tout te parait cool.”

“Les gens ne m’attendaient pas”

À l’école, elle rencontre Claire Burger avec qui elle réalise plusieurs films, dont C’est gratuit pour les filles, César du meilleur court métrage en 2010, et trois ans plus tard Party Girl, 1er long réalisé à trois, “en famille”, avec l’acteur et réalisateur Samuel Theis, dont le film s’inspire de l’histoire intime. Le trio est récompensé d’une caméra d’Or au Festival de Cannes 2013 : “On était vraiment très proches, on vivait ensemble donc tu ne te poses pas la question de ce que c’est que réaliser à trois, c’est comme faire à manger.” À 44 ans, voilà aujourd’hui Marie Amachoukeli seule derrière sa caméra. Il fallait “prendre un risque” dit-elle, “sauter toute seule”. Ses neuf années entre Party Girl et Àma Gloria lui auront permis de multiplier les collaborations avec d’autres tout en pensant à son film, dans son coin avec sa productrice Bénédicte Couvreur : “Je pense que c’était plus dur pour Claire ou Samuel qui ont réalisé des films. Là, ce qui était bien, c’était que les gens ne m’attendaient pas.”

Marie Amachoukeli cite Cria Cuervos, L’Enfance nue, Ponette ou encore Mary Poppins, fétiche absolu, comme films chéris sur l’enfance. Quand on l’interroge sur l’enjeu particulier que constitue l’écriture d’un rôle d’enfant, elle répond simplement qu’elle s’est placée “au même endroit” que Louise. Comme si son moi miniature n’était pas si éloigné de la personne qu’elle est aujourd’hui ? “Pas tant.”