Qui est Nicole Stéphane, l’actrice et réalisatrice mise à l’honneur par le Festival de films de femmes ?

Comédienne peu connue du grand public, Nicole Stéphane débute pourtant sa carrière auprès des plus grands (chez George Franju dans Monsieur et Madame Curie, mais aussi chez Jean-Pierre Melville, Jean Cocteau..). Figure du cinéma français des...

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Comédienne peu connue du grand public, Nicole Stéphane débute pourtant sa carrière auprès des plus grands (chez George Franju dans Monsieur et Madame Curie, mais aussi chez Jean-Pierre Melville, Jean Cocteau..). Figure du cinéma français des années 50 à 70 qui a fortement marqué la Nouvelle Vague, Jean-Pierre Melville est le 1er à remarquer cette jeune femme “au profil très pur et ses yeux très clairs”. L’actrice prête alors ses traits angéliques et mystérieux à la jeune muette dans Le Silence de la mer (1947), film emblématique de l’après-guerre sur l’Occupation, encore tiède de son passage brutal sur le sol français. Tourné quasiment sous le manteau en 1946, adapté d’une nouvelle de Vercors elle-même écrite en toute clandestinité, le film est celui de la Résistance. En 1940 Nicole Stéphane qui a seulement vingt ans est déjà une combattante de la France libre, sous-lieutenante secourant les prisonniers en Allemagne, tirant à l’arme à feu dès qu’il était nécessaire. Dans le film de Melville, elle incarne curieusement une jeune femme muette prise au piège dans un huis-clos anxiogène entre son oncle et un officier allemand.

Nicole Stéphane marque également sa génération en jouant le rôle d’Elisabeth dans Les Enfants terribles (1950), toujours de Jean-Pierre Melville, adapté de la pièce de Jean Cocteau. Celui-ci était si subjugué par la prestance de la jeune femme que lui présenta Melville qu’il insista pour qu’elle joue Elisabeth, l’une des deux “enfants terribles” du film : une histoire d’amour entre un frère et sa sœur, dont la relation licencieuse a beaucoup secoué les mœurs à sa sortie jusqu’à devenir une référence pour Truffaut et son film les 400 Coups.

>> A lire aussi : L’image de la femme chez Melville et Preminger : entre culpabilité et souillure

Réalisatrice et productrice engagée

Pourtant, à l’origine, la jeune femme, née Nicole de Rothschild, ne se dédiait pas à une carrière d’actrice, préférant passer derrière la caméra en tant que réalisatrice puis productrice. Cette femme déjà très engagée à vingt ans en tant que cheffe militaire, voyage en Palestine au lendemain de la guerre et réalise un documentaire (un des 1ers !) sur l’État d’Israël, fraîchement fondé par David Ben Gourion qu’elle entrevueera à cette occasion. Elle tourne alors deux courts-métrages sur cet idéal de paix, connue désormais pour son échec :  La Génération du désert (1958) et Une guerre pour une paix (1967). Sa carrière de réalisatrice la mènera ensuite à collaborer à un projet dantesque autour d’une adaptation de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, rassemblant Joseph Losey, Harold Pinter, Peter Brook, Luchino Visconti pour n’en citer que quelques-uns.

Ses prises de positions féministes et son engagement auprès de femmes réalisatrices connues pour leur liberté artistique et leurs idéaux égalitaires marquent un dernier tournant dans la vie de Nicole Stéphane. Travaillant d’abord avec Marguerite Duras dont elle produit le film Détruire, dit-elle (1969), Nicole Stéphane rencontre ensuite l’écrivaine américaine Susan Sontag, dont elle produit le film Promised Lands (sorti en 1973), tourné en Israël juste après la guerre du Kippour. Au début des années 90, elles partent en ex-Yougoslavie et tournent En attendant Godot… à Sarajevo : la prise de vue des répétitions du spectacle monté par Sontag de la pièce de Beckett, dans un pays détruit par la guerre.

Disparue le 14 mars 2007, cette femme à la “puissance effrayante”, comme disait Cocteau,  garda cependant tout au long de sa vie une certaine modestie lorsqu’on l’interroge sur sa vie passée. C’est du moins ce qui en ressort de l’entretien passé avec Hélène Delprat entre 2003 et 2007 pour France Culture, Je vous écrirai après votre mort.

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Le Festival international de films de femmes de Créteil, du 2 au 11 avril. Toutes les infos ici.