Qui est Victor Le Masne, le directeur musical des JO qui “sait tout faire, tout jouer” ?

Il y a tellement de monde dans le salon de ce très chic hôtel du 16e arrondissement de Paris que l’on a l’impression d’être dans un placard à balais. De la rumeur qui gronde, on distingue plusieurs langues – de l’anglais, du français, du chinois,...

Qui est Victor Le Masne, le directeur musical des JO qui “sait tout faire, tout jouer” ?

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Il y a tellement de monde dans le salon de ce très chic hôtel du 16e arrondissement de Paris que l’on a l’impression d’être dans un placard à balais. De la rumeur qui gronde, on distingue plusieurs langues – de l’anglais, du français, du chinois, de l’espagnol – qui s’entrechoquent avec les cliquetis des pieds de caméras du monde entier que les journalistes installent à la hâte.

Les différents organisateurs et artistes de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Paris 2024 s’apprêtent à prendre la parole, en amont de l’événement qui doit se dérouler le dimanche qui suit. Encore inconnu du grand public avant le début de ces J.O, Victor Le Masne est sur scène comme un lapin pris dans les phares de la voiture du président du comité d’organisation Tony Estanguet, et du directeur artistique des cérémonies Thomas Jolly. “En tant que compositeur, je ne suis pas vraiment habitué à toute cette attention, je suis plutôt dans l’ombre d’habitude”, dévoilera-t-il aux Inrocks après la conférence de presse, dans une petite pièce à l’écart de la tempête médiatique.

Victor Le Masne “sait tout faire, tout jouer

Or, sa participation au plus grand événement sportif de la planète ne doit rien au hasard. Avant les Jeux olympiques, déjà, Victor Le Masne était l’un des secrets de polichinelle du petit monde de l’industrie de la musique. Son nom s’échangeait entre artistes, tournait dans les maisons de disques comme celui qui “sait tout faire, tout jouer”. La formulation vient de Kavinsky, l’homme derrière le tube Nightcall, qui a fait appel à Victor Le Masne pour le “débloquer” dans la production de son dernier album Reborn (2022).

C’est Gaspard Augé, du duo Justice, qui le lui a conseillé, et c’est par ce procédé de bouche-à-oreille que cet ex-membre du duo électronique des années 2000 Housse de Racket s’est retrouvé crédité sur les albums des plus grand·es artistes français ou francophones du moment : Juliette Armanet, Phoenix, Chilly Gonzales, Philippe Katerine, Sébastien Tellier… Ces noms vous rappellent les cérémonies des JO ? Ce n’est pas une coïncidence : “Au fil des années, je me suis constitué une sorte de famille musicale composée des artistes avec qui j’ai travaillé, se justifie Le Masne. J’ai l’impression qu’on a des bagages communs, des harmonies, des notes, des couleurs… Ces artistes se ressemblent aussi entre eux, ils partagent cette idée de la note juste, cette harmonie qui fait que leurs compositions me touchent. J’ai forcément pensé à eux quand il s’est agi de célébrer le répertoire français pour les J.O”.

“C’est l’homme précis, la note mais aussi le mot juste”

Fils de Xavier le Masne, disciple du grand compositeur, architecte, ingénieur et théoricien Iannis Xenakis, Victor baigne toute son enfance dans ce que la musique peut aussi avoir de mathématique. Le concept de la note juste, essentiel dans son travail, provient de là : “C’est une équation entre l’émotion et la musique : une note va libérer une émotion, et l’harmonie, c’est trouver les notes qui vont composer l’émotion complète que l’on recherche. C’est mon rôle en tant que compositeur”. La précision, l’équilibre, la justesse, des concepts qui, dans la bouche de tous·tes ses collaborateur·ices, prennent des airs de compliments : “C’est l’homme précis, la note mais aussi le mot juste” pour Gaspard Augé. Même chose chez Tony Estanguet pour qui la soixantaine de compositions de la B.O des Jeux devait délivrer la bonne émotion, le bon message, au bon moment. Un travail titanesque d’un an et demi salué par toute l’équipe de Paris 2024, jusqu’au président de la République Emmanuel Macron qui lui soufflait, après la 1ère cérémonie d’ouverture, que “chaque note était juste”.

S’il faut toujours un peu de magie pour que cette note atteigne le milieu de la cible, elle nécessite surtout une qualité incontournable de bon producteur, que le quarantenaire résume ainsi : “être musicalement gourmand, pour pouvoir proposer un panel des possibles le plus large”. Autant à l’aise face à un quatuor à cordes que devant une TR-808 ou derrière une batterie, sa formation classique ainsi que cette boulimie de connaissances musicales font de lui un parfait couteau suisse des studios. C’est ce qui a, entre autres qualités, séduit le chanteur Philippe Katerine qui l’a embauché comme directeur musical de sa tournée 2019, afin de pouvoir se “reposer sur lui et chanter tranquillou. Victor ne se pose pas 36 questions, je le vois enregistrer des parties de synthétiseur une main dans la poche et l’autre sur le clavier, ses yeux doucement verts me questionnent gentiment, sans pression, et ça amène d’autres idées qui sont accueillies généreusement. Ça rebondit, on se comprend, et le soir je m’endors le sourire aux lèvres”.

Se marrer

Que ce soit sur un plan humain ou professionnel, il se dégage chez Victor Le Masne une douceur qui mène à la confiance, mais également une apparence de légèreté et de facilité qui va se diffuser comme un parfum pendant toute la durée de l’enregistrement, faisant ainsi le lit de l’inspiration. “Avec Victor, on a en commun ce côté ricaneur de fond de classe, reconnaît Gaspard Augé de Justice. On s’est marrés comme des bossus à faire mon album. La complicité et l’humour sont des moteurs importants en studio.” “Se marrer est essentiel, confirme le surdoué. Quand on produit quelque chose qui nous fait marrer, qu’on le réécoute et qu’on se dit ‘non, ce n’est pas possible, je ne peux pas garder ça’, c’est souvent ce qui est le plus génial et qui perdurera. Parce que dans ces moments-là, on se dépasse, et cela crée ou resserre des liens très forts entre nous, ça touche à l’intime.” Et libère la parole dans le studio : “Je crois que ce qui fait un bon producteur, c’est sa clarté, son honnêteté, sa spontanéité. Je le vois en vieillissant, quand j’aime, je le dis tout de suite et surtout quand je n’aime pas. Si on est passionné et clair sur ses sentiments, on gagne du temps. Je crois que c’est ce qu’on me demande : être intransigeant, sans être borné”. Un équilibre qu’on ne trouve pas sans empathie : “Il faut avoir une bonne oreille, musicale mais aussi une bonne oreille de l’autre. Comprendre son langage, son paysage, son fantasme”.


À présent que les Jeux olympiques et Paralympiques sont terminés, quelle suite pour Victor Le Masne ? Des vacances, pour sûr. Avant un album solo ? Il faudra d’abord toucher terre car le principal intéressé ne réalise guère encore l’ampleur de ce que lui, les 575 musiciennes et musiciens et toutes les équipes de Paris 2024 ont accompli : avoir rendu les Françaises et Français fier·ères de leur savoir-faire et de leur diversité : “Montrer la pluralité, c’est aussi montrer l’alternative. Parce qu’il y a un formatage de ce qu’on voit à la télévision, je suis heureux d’avoir proposé quelque chose d’autre, néanmoins suffisamment populaire pour que ce soit compris par tous. Quelque chose de différent, mais de grand”.