Qui était Marie-France Garaud, “la femme la plus puissante de la 5e République”?
LITTÉRATURE - “Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous prendre une balle dans l’œil”. La phrase est de Marie-France Garaud. Nous sommes en 1969 en pleine année d’élection présidentielle, au Polo Club de Paris. La femme de 35 ans menace...
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LITTÉRATURE - “Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous prendre une balle dans l’œil”. La phrase est de Marie-France Garaud. Nous sommes en 1969 en pleine année d’élection présidentielle, au Polo Club de Paris. La femme de 35 ans menace le patron de l’IFOP de l’époque, Roland Sadoun, de ne pas publier un sondage défavorable envers l’homme qu’elle conseille et veut voir conquérir le pouvoir: Georges Pompidou.
Marie-France Garaud c’est le “renard dans la bergerie” comme l’écrit Olivier Faye dans son livre “La conseillère”, publié le 3 mars dernier aux Éditions Fayard. Sur 250 pages, le journaliste politique, en charge du suivi de l’exécutif pour le journal Le Monde, décrypte la vie de celle que le magazine Newsweek avait qualifiée de “femme la plus puissante de France” en 1973.
Conseillère de l’ombre
Première “spin doctor” que le monde politique français ait connue dans les années 70, Marie-France Garaud était le symbole, selon l’auteur, “de l’éminence grise à la française”. Une femme dont l’engagement était “sacerdotal”, peut-on lire, qui n’hésita pas à faire passer son idée de la France et de la politique avant tout. Peu importe la méthode.
Elle est également l’un des symboles des “années de plomb” connues par la France après la guerre. Avant l’arrivée du giscardisme et du chiraquisme, le pouvoir est entre les mains d’anciens résistants qui n’hésitent pas à arriver à leurs fins en recourant à des manœuvres plus qu’ambiguës. “Quelque part, Marie-France Garaud est le symbole de ces années-là”, analyse l’auteur de 34 ans. “Tantôt, elle menace, tantôt elle séduit, tantôt elle fait preuve d’une autorité qui ne souffre aucun obstacle...”, nous explique-t-il.
La conseillère de l’ombre de Georges Pompidou puis de Jacques Chirac qui se sera également occupée de faire grimper Valéry Giscard d’Estaing au sommet de l’État, voue corps et âme à ses stratégies politiques. Avec un succès absolu pendant 10 ans. Jusqu’à la fin des années 70. À 47 ans, elle est à l’apogée.
Une femme élevée comme un homme
Comment une femme, qui a grandi dans les années 40, a-t-elle pu connaître une si grande ascension et atteindre une telle puissance politique? Pour Olivier Faye, l’une des principales raisons réside dans le cœur de son éducation. Fille unique, élevée par un père âgé qui “chérit sa fille unique comme un fils”, apprend-on, Marie-Françoise Quintard est originaire de Poitiers.
“C’est une fille de la terre”, précise l’auteur qui pour écrire son histoire l’aura rencontrée quatre fois dans son appartement suranné et luxueux, ”à mi-chemin entre l’Assemblée nationale et le musée d’Orsay”.
Très vite, son père met un fusil dans les mains de la petite Marie-Françoise et celle-ci doit s’entraîner à ne pas louper ses cibles. De la chasse à la politique, le pas peut vite se franchir. Des études de droit et un premier exercice du métier d’avocate, à une époque où il était bien rare d’y voir des femmes, seront son tremplin.
Confiance, ténacité, habileté sans faille à prendre des décisions et amour viscéral de la Nation pour celle qui a connu la guerre... Voilà des qualités qu’on enseignait plutôt aux hommes à l’époque mais qui feront grimper la jeune Poitevine.
Une femme parmi les hommes
La suite, l’auteur la déroule et l’écrit comme un roman policier. Les combines, les magouilles, les “barbouzeries” de l’époque, comme il le dit au HuffPost... Entre Matignon et l’Élysée, Marie-France Garaud se conduit comme un homme. “Elle adopte complètement les codes masculins. Et ce qui est d’ailleurs assez étonnant, c’est qu’elle ne revendiquera jamais le fait d’être une femme. Elle était considérée comme un homme par ceux qui l’entouraient”, nous raconte Olivier Faye, fasciné par le personnage qu’il décrit.
Après elle, aucune femme dans la sphère politique n’a eu son influence, estime l’auteur. Si ce n’est son Chanel bien posé devant son bureau, son éternel chignon tiré et son tailleur impeccable, Marie-France Garaud a complètement intégré ce milieu masculin jusqu’à en tirer elle-même les ficelles. Avec son comparse Pierre Juillet, ils font et défont la politique de 1969 à 1979. En coulisses et à travers ce binôme, sa pleine puissance agit.
C’est quand elle apparaîtra en public et en pleine lumière, en tant que femme et seule face aux hommes, que la carrière de Marie-France Garaud déclinera. Comme si pour avoir du pouvoir, il fallait être dans l’ombre et au service des hommes, quel que soit le talent.
En 1981, la femme politique se présente à l’élection présidentielle. Elle a le réseau, les appuis, les contacts, l’expérience du pouvoir, une connaissance parfaite des couloirs de l’Élysée, un programme, une idée de la France, l’habileté... Mais rien n’y fait. Son malheureux score de 1,33% l’éloignera progressivement des grands de ce monde. Un revers aux législatives de 1986 ensuite, une position isolée face au Traité de Maastricht en 1992, une liste RPR aux élections européennes portée par Charles Pasqua et Philippe de Villiers et pour finir une position pro-lepeniste à la présidentielle de 2017 laisseront définitivement son influence au placard.
À 80 ans passée, quand Olivier Faye la rencontre -l’idée d’écrire sur elle lui vient en 2015, après l’avoir découverte au détour de l’écriture d’un article- sa vocation politique et son idée souverainiste de la France lui est encore chevillé au corps. Après cinquante ans d’engagement politique, ses convictions sont intactes. Sa résistance également.
De son appartement des quais de Seine qui ont servi les arcanes du pouvoir, “Marie-France Garaud voit depuis quelques années ses contemporains s’éteindre les uns après les autres. Tous disparaissent avec leur cortège de grandeurs et de petitesses, de coups d’éclat et de secrets”, conclut l’auteur. Avec elle partira le souvenir de méthodes dont la transparence demandée par notre époque ne saurait désormais souffrir.
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