Redécouvrir tout le génie de Douglas Sirk grâce à un court-métrage 

Des films de Douglas Sirk, on se remémore surtout les couleurs flamboyantes, les décors qui flirtent dangereusement avec le kitch, Rock Hudson et Jane Wyman empêtrés dans des nuanciers de rose et de jaune. Sous les vernis brillants, celui qui...

Redécouvrir tout le génie de Douglas Sirk grâce à un court-métrage 

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Des films de Douglas Sirk, on se remémore surtout les couleurs flamboyantes, les décors qui flirtent dangereusement avec le kitch, Rock Hudson et Jane Wyman empêtrés dans des nuanciers de rose et de jaune. Sous les vernis brillants, celui qui redonna ses lettres de noblesse au mélodrame n’a pas manqué de questionner l’Amérique puritaine des années 1950.

Ses intrigues sentimentales improbables avaient chacune une cible cachée derrière leurs rideaux blancs : les pères fondateurs (Écrit sur du vent, 1956), les conventions sociales mortifères (Tout ce que le ciel permet, 1955) ou le racisme ambiant de son pays d’accueil (Mirage de la vie, 1959). Comme l’a compris Mark Rappaport - grand aficionado du cinéma et réalisateur atypique -, chez ce maître de la mise en scène, le moindre objet devient vite porteur d’un sens inavoué.

Through the vanity

Dans son brillant film essai de dix minutes, The Vanity Tables of Douglas Sirk, disponible sur la plateforme VOD de la Cinémathèque, Rappaport se penche sur la symbolique de la coiffeuse - cette petite table pour les soins de beauté, munie d'un miroir ainsi que de tiroirs ou casiers -, systématiquement présente pour refléter les visages songeurs des héroïnes de Sirk. Nommé “a vanity table” en anglais - sûrement par un homme, ironise-t-il - l’objet contient en lui-même un paradoxe : leur permet-il d’accéder à des rêveries heureuses ou les enferme-t-il, au contraire, dans une illusion mensongère ? Analysant chacune de ses apparitions dans un montage somptueux qui rend grâce à ces mélos rutilants, il nous emmène de l’autre côté des miroirs, dans les yeux des reines d’Hollywood (Stanwyck, Bacall, Wyman...)

Dans presque tous les films du réalisateur, nous dit Rappaport, la coiffeuse devient un catalyseur, véritable acteur des scénarios : elle révèle aux personnages féminins, conscients ou pas encore, leur vérité propre. L’exemple le plus probant est sans doute celui d’Écrit sur du vent, où Lauren Bacall voit son futur amant, Rock Hudson, passé au premier plan dans la glace devant l’insistant Robert Stack.

Lacan, lui, parlait du "Stade du miroir" chez l'enfant pour évoquer la "formation de la fonction du Je". S’il apparaît premièrement comme un tendre refuge chez Sirk, il vient par la suite trahir les ambitions de chacun et révéler, entre autres, le rôle auquel les femmes sont assignées dans la société : rester prisonnières de cages dorées, de leur home sweet home.

>> À lire aussi : “Tire-au-flanc 62” : un drôle de Truffaut à découvrir sur MK2 Curiosity

Rendez-vous avec la mort

Les hommes n’ont pas le même rapport au miroir et le cinéma le prouve amplement. L’essayiste prendra pour exemples les regards sombres que se jettent à eux-mêmes Belmondo ou Delon chez Melville avant de sortir de leurs appartements, "se devant d’être impeccable pour mourir". Le miroir est utile cette fois pour regonfler les égos et se donner du courage. On pense aussi, bien sûr, à De Niro dans Taxi Driver et la comparaison prête doucement à sourire. 

Qu'importe, ce court-métrage réalisé par un brillant Spectateur qui en savait trop (titre de son recueil critique), nous a certainement donné envie de reparcourir toute la filmographie du roi des romantic drama, adoré par Fassbinder et Godard, et de questionner encore ses images miroitantes. Rappelons que son dernier long-métrage, Mirage de la vie, s'ouvrait sur ces modestes paroles : "Without love, you're only living an imitation of life."

The Vanity Tables of Douglas Sirk de Mark Rappaport (E.-U., 2014, 11 minutes). À découvrir sur la plateforme VOD de la Cinémathèque, Henri.

>> À lire aussi : “Silence”, le chef-d'œuvre du cinéma japonais qui inspira Scorsese