Régionales 2021: les sortants sont-ils archi-favoris?

POLITIQUE - Ils veulent tous repartir pour un tour. De la Bretagne à l’Occitanie, en passant par le Centre-Val de Loire ou le Grand Est, les treize présidents ou présidentes de région sortants sont candidats à leur réélection. Même chose en...

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POLITIQUE - Ils veulent tous repartir pour un tour. De la Bretagne à l’Occitanie, en passant par le Centre-Val de Loire ou le Grand Est, les treize présidents ou présidentes de région sortants sont candidats à leur réélection. Même chose en Guadeloupe et à La Réunion, les deux seuls départements et territoires d’outre-mer appelés à voter les 20 et 27 juin prochain. 

Et malgré les récents soubresauts de campagne pour Renaud Muselier, donné perdant en Paca face au candidat du Rassemblement national, ou pour Xavier Bertrand qui a une ribambelle de ministres être dépêchés dans les Hauts-de-France pour tenter de le faire trébucher, la grande majorité des sortants, semble bien partie pour enchaîner un nouveau mandat à la tête de ces super-régions, aux contours et pouvoirs élargis en 2015.

Difficile de voir par exemple, dans les intentions de vote, qui pourrait battre Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes. Selon un sondage Ipsos pour Radio France et France Télé, publié le 4 mai dernier, l’ancien président des Républicains, qui avait dû abandonner son poste en 2019 après le fiasco des Européennes, compte douze points d’avance au 1er tour sur la liste du Rassemblement national. Puis sept ou huit, selon les configurations, au second, sur une candidature de la gauche réunie. 

Les sortants favorisés par le contexte Covid?

Cette tendance dépasse largement la région Aura et concerne toutes les sensibilités politiques. Mais comment l’expliquer? Les candidats sortants, qu’ils soient de droite ou de gauche, partent-ils avec un avantage considérable sur leurs adversaires? C’était en tout cas la crainte de Richard Ferrand en avril dernier lors des débats sur le maintien des élections, alors que le contexte sanitaire ne permettait pas d’envisager une campagne aux codes habituels. “Il est à craindre que la seule ‘accoutumance’ ne l’emporte, et accroisse encore ce qu’il est convenu d’appeler la ’prime au sortant”, avait-il écrit dans une lettre adressée au Premier ministre, plaidant pour un report à l’automne 2021, sans obtenir gain de cause.

“Le phénomène (de la prime au sortant) existe”, confirme au HuffPost Mathieu Gallard, directeur de recherche chez Ipsos, s’appuyant sur des “articles universitaires qui l’ont mesuré de manière statistique pour les municipales.” Et même si ce mécanisme est “plus difficile” à évaluer pour ces élections, le sondeur explique que “les présidents de région bénéficient d’une notoriété très forte, sans commune mesure comparée aux autres candidats qui sont eux moins connus ou quasi inconnus du grand public.” “Ils sont relativement appréciés à titre personnel et leur bilan est perçu comme positif”, ajoute-t-il, précisant que cela se vérifie encore davantage pour ceux “qui ont une envergure nationale comme Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse.”

Question bilan et notoriété, les sortants peuvent, qui plus est, jouer sur leur implication dans la crise sanitaire, des masques jusqu’aux répercussions économiques de la pandémie. D’un côté, l’exécutif, avec la voix d’un Jean Castex particulièrement attaché aux territoires, s’est employé -par moment- à mettre les élus locaux au centre de l’action, et donc du jeu politique. De l’autre, les présidents de région ont saisi cette sorte de main tendue, en particulier sur les milliards du plan de relance, tout en affichant leur volontarisme dans les médias ou sur le terrain.

Avec succès, selon le politologue Pascal Perrineau. “Dans la situation de lutte contre la pandémie, les pouvoirs régionaux ont été perçus comme ayant servi de manière efficace à combler les lacunes du pouvoir national. Il y a donc une appréciation plutôt positive de la population avec une place relativement faible pour le vote sanction”, analyse-t-il dans Le Figaro. Et tant pis si certaines décisions semblaient davantage relever de la communication politique que de la véritable action, comme la pré-commande de 500.000 doses de vaccins Sputnik faite par Renaud Muselier à la mi-avril.

En clair: “ils ont clairement un avantage Covid”, selon un ministre qui, fin février, résumait la situation sur France Inter, convaincu que “les grandes crises produisent des envies de stabilité.”

Les limites de la prime

Mais depuis, la campagne s’est emballée et montre que tout ne sera pas aussi simple ni automatique pour plusieurs sortants. La situation en Paca en est la parfaite illustration. Renaud Muselier, qui a noué la déclinaison du plan de relance dans sa région avec Emmanuel Macron avant de sceller un pacte avec La République en marche pour faire barrage au Rassemblement national lors des scrutins du mois de juin, se retrouve pourtant en difficulté dans les sondages. Le signe que “la prime au sortant bénéficie moins à ceux qui n’étaient pas candidat en 2015”, selon Mathieu Gallard, l’élu provençal ayant succédé à Christian Estrosi en 2017, quand ce dernier, plébiscité deux ans plus tôt grâce à un “front républicain”, voulait se consacrer à la ville de Nice.

Preuve aussi que la formation de Marine Le Pen, emmenée par l’ancien ministre LR Thierry Mariani dans la région, “parvient toujours à capitaliser sur son nom l’expression d’une mauvaise humeur et d’un malaise”, selon Pascal Perrineau.  “Structurellement, le RN a ses chances en Paca”, confirme Mathieu Gallard. ”Évidemment, le fait qu’on ait vu Muselier et LREM manoeuvrer ensemble peut jouer à la marge auprès d’une certaine aile droite au sein de LR, ça peut les inciter à ne pas se rendre aux urnes ou voter pour le RN. Mais même sans cette affaire, on serait dans une région ou le Rassemblement national a des chances de l’emporter”, avance le directeur de recherche. 

Plus au nord, la menace de l’extrême droite plane également dans les Hauts-de-France, où le statut de favori endossé par Xavier Bertrand, lui attire pour le moment, plus d’embûches que prévu. Après avoir vu la gauche sceller la seule “grande union” de ces élections sur son terrain, derrière l’eurodéputée écologiste Karima Delli, l’ancien ministre de la Santé sous Nicolas Sarkozy voit débarquer Éric Dupond-Moretti sur la liste de la majorité. En plus du garde des Sceaux, trois autres membres du gouvernement seront aux côtés de Laurent Pietraszewski, lui-même secrétaire d’État aux Retraites, à l’heure où plafonne sa candidature.

Quand la campagne va-t-elle démarrer?

Le but de ce déploiement ministériel? Venir troubler le duel annoncé entre le président sortant et la liste du Rassemblement national emmenée par Sébastien Chenu, tout en essayant d’affaiblir un Xavier Bertrand déjà candidat à la présidentielle. 

″Ça pourrait avoir un impact”, anticipe Mathieu Gallard. “Xavier Bertrand est en tête, mais de pas grand-chose”, ajoute le sondeur pour qui l’arrivée de ces poids lourds, “Dupond-Moretti est quand même une personnalité bien connue du grand public, on peut imaginer qu’il fasse causer de lui”, peut “suffire à ce que la liste du Rassemblement national passe en tête au 1er tour et change les dynamiques au second.” Une hypothèse qui pourrait alors pousser La République en marche et le candidat sortant à s’entendre d’une façon ou d’une autre, le tout à un an de l’échéance de 2022.

Mais avant tout cela, pour Mathieu Gallard, une question fondamentale demeure: va-t-il y avoir une véritable campagne pour ces élections régionales? Sur le terrain, mais également dans l’atmosphère générale.

“Les électeurs ne sont pas dedans. La crise sanitaire est encore très présente, comme les questions liées au confinement ou aux conséquences sanitaires et sociales”, explique-t-il, alors que “la prime au sortant” est censée revêtir moins d’importance au fur et à mesure de la campagne, avant de s’interroger: “vont-ils s’y mettre dans les derniers jours?” Pour lui, “c’est ça qui fera bouger les lignes.” Sans quoi, le 27 juin prochain pourrait bien déboucher sur un statu quo général à la tête des régions. 

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