Régionales 2021 : Pourquoi les électeurs RN se sont-ils massivement abstenus?

POLITIQUE - “Je vous demande de vous bouger!”, “Réveillez-vous!”, “déplacez-vous et votez!”. L’agacement était palpable chez Marine Le Pen et les têtes de liste du Rassemblement National aux élections régionales. Le parti d’extrême droite a...

Régionales 2021 : Pourquoi les électeurs RN se sont-ils massivement abstenus?

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Marine Le Pen sortant de l'isoloir de son bureau de vote d'Hénin-Beaumont lors des élections régionales du 20 juin 2021.

POLITIQUE - “Je vous demande de vous bouger!”, “Réveillez-vous!”, “déplacez-vous et votez!”. L’agacement était palpable chez Marine Le Pen et les têtes de liste du Rassemblement National aux élections régionales. Le parti d’extrême droite a enregistré un net recul lors du 1er tour, dimanche 21 juin, et, selon les cadres du parti, l’abstention en serait la cause principale.

Ainsi, l’ex-Front National n’a obtenu que 19,3% des voix, contre 28% cinq ans plus tôt. Alors que l’institut Ipsos donnait le parti de Marine Le Pen en tête dans six régions, il n’est finalement arrivé 1er qu’en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Et l’abstention y serait bien pour beaucoup. Selon un sondage le jour du vote publié par l’Ifop, elle aurait surtout touché les électorats de Marine Le Pen (73%) et de Jean-Luc Mélenchon (67%) à l’élection présidentielle de 2017.

Un manque d’ancrage régional

Selon différents cadres du RN tentant de relativiser le constat de ce 1er tour, cette abstention ne serait pas si surprenante, l’électorat du RN étant un électorat traditionnellement abstentionniste. Premier parti de la génération des 25-34 ans, les jeunes ce sont massivement abstenus hier avec 87% d’abstention chez les 18-24 ans et 83% chez les 25-34 ans. Idem chez les catégories populaires : alors qu’au second tour de l’élection présidentielle de 2017 les ouvriers ont voté à 56 % pour Marine Le Pen, un quart seulement s’est rendu aux urnes cette fois-ci.

L’historien Nicolas Lebourg, chercheur associé au Centre d’études politiques de l’Europe latine, avance quant à lui trois autres raisons à ce phénomène inattendu. Tout d’abord, le manque d’enracinement local du RN. Un handicap qui s’est déjà traduit lors des élections municipales de 2020, où le parti crée par Jean-Marie Le Pen n’avait obtenu que 840 sièges dans 258 communes, “soit 0,8% des sièges municipaux”, relève le chercheur auprès du HuffPost.

Au niveau régional, les nombreuses défections de conseillers régionaux entre 2015 et 2021 (28% des conseillers régionaux RN ont quitté les rangs du parti) traduisent aussi les mauvaises relations entre le parti et ses élus locaux: “Le RN c’est le seul parti qui se fâche avec ses conseiller régionaux”, note ainsi Nicolas Lebourg. Conséquences, ces élus n’ont pas pu servir de relais entre le parti et les territoires.

La normalisation à double tranchant

Alors que “l’électorat RN se mobilise quand il se sait en capacité de victoire”, cela n’a pas été le cas dans certaines régions, notamment dans les Hauts-de-France et en Paca, poursuit le chercheur. Thierry Mariani était crédité à 41% des intentions de vote et n’a obtenu “que” 36,4% des voix, loin des 40 % de Marion Maréchal en 2015. Sébastien Chénu n’a récolté que 24,4% des votes -loin derrière Xavier Bertrand-  et des 32% prévus par les sondages. Il y a cinq ans, Marine Le Pen candidate dans la région était arrivée largement en tête du 1er tour avec plus de 40% des suffrages, soit 16 points devant Xavier Bertrand.

Made with Flourish

Un rapport de force qui s’est donc complètement inversé en 2021 dans ces deux régions. Selon Nicolas Lebourg, il faut chercher du côté de la stratégie de normalisation du parti consistant à tendre la main vers des électeurs qui n’ont jamais voté pour lui en recrutant d’anciens élus de la droite républicaine. En mettant d’anciens cadres LR comme têtes de listes, les électeurs, qui “ont un goût pour le loyalisme et favorisent ceux qui ont passé toute leur carrière au RN”, ont pu douté de la sincérité des candidats.

Ancien cadre de l’UMP, Sébastien Chenu n’a rejoint le FN qu’en 2014 tandis que Thierry Mariani passé par le RPR, l’UMP et LR s’est tardivement rallié en 2019, à la veille des élections européennes. De manière générale, “on remarque que tous ceux qui proviennent d’un autre parti font moins bien que ceux qui ont passé leur carrière au RN”.

Jean-Yves Camus, chercheur rattaché à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques) et spécialiste de l’extrême droite pointe un problème qui va dans le même sens: celui, pour le RN, de ne plus être vu comme un parti de transgression: “A force de trop édulcorer, le RN perd de son attractivité. Il y a une nécessité à normaliser et une impossibilité à être dans la transgression – Marine Le Pen ne peut se remettre à transgresser comme son père”, juge le politologue chez nos confrères de Libération.

Quand le “dégagisme” cher au RN se retourne contre lui 

Nicolas Lebourg souligne enfin que dans les années 2000, “notre système partisan permettait de sanctionner un candidat au sein même du parti : quand les électeurs étaient en colère, ils votaient pour une autre figure du parti. Ces dernières années, le dégagisme a pris le pas en s’exprimant par des votes dans des partis “contestataires” comme La France insoumise ou le RN. Or, aujourd’hui, ils semblent désormais subir ce dégagisme sur lequel ils s’étaient construits. “Marine Le Pen et Mélenchon se seraient fait dégager”, souligne l’historien.

Le second tour confirmera t-il cette tendance? Si oui, on pourra peut-être affirmer que le RN se sera fait prendre à son propre jeu ou en tout cas que le “pari” de Marine Le Pen de remporter au moins une région en vue de 2022 est perdu, avec des conséquences potentielles sur l’élan qu’elle voulait donner à sa candidature à la présidentielle  

A voir également sur Le HuffPost: Lors du débat sur les régionales, Laurent Delahousse n’a pas caché son agacement.