Régionales: Julien Bayou mise sur "une ou plusieurs régions" pour EELV

POLITIQUE -  Un froid glacial gifle les quais du canal de l’Oise quand nous nous présentons au QG de Julien Bayou, situé dans le 19e arrondissement de Paris, où une petite équipe s’affaire à mener campagne malgré le coronavirus. Car en dépit...

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Julien Bayou lors de ses voeux à la presse le 19 janvier à Paris. 

POLITIQUE -  Un froid glacial gifle les quais du canal de l’Oise quand nous nous présentons au QG de Julien Bayou, situé dans le 19e arrondissement de Paris, où une petite équipe s’affaire à mener campagne malgré le coronavirus. Car en dépit de la crise sanitaire, le candidat EELV aux élections régionales en Île-de-France est un homme pressé. Il enchaîne les rendez-vous. Le matin même, il était sur le plateau du Figaro et il s’apprêtait le soir à visiter une épicerie solidaire qui vient en aide aux étudiants dans le besoin.

Avant de nous recevoir après avoir avalé son déjeuner, il s’accorde une petite pause sur le baby-foot laissé par la start-up qui occupait les locaux avant lui. L’heure tourne, et la partie n’ira pas à son terme. Il quitte les siens sur un score positif de 4 à 1. Une victoire inachevée, mais une victoire quand même, avant de nous emmener à son bureau temporaire. Une large table donnant sur une grande salle vide, “propice au respect des distances de sécurité”. Régionales, crise sanitaire, présidentielle, relations avec les socialistes... Julien Bayou a répondu en détail aux questions du HuffPost. L’occasion pour le secrétaire national d’EELV de confirmer les ambitions croissantes de son parti, qui entend désormais se positionner au centre du jeu à gauche. Et au-delà. 

Le HuffPost: Comment abordez-vous la campagne des régionales, alors qu’un troisième confinement menace?

Julien Bayou: La santé doit prévaloir. Je n’ai pas les éléments sur lesquels le gouvernement s’appuie, donc je ne vais pas jouer les devins. Si on en vient à confiner, je demande au gouvernement de prévenir les élus et d’être transparent. Qu’on utilise ce confinement pour prévoir le dédoublement des classes, l’instauration des lignes “corona bus”, engager des agents dans les lycées pour faire respecter un protocole sanitaire à la reprise... Bref, “transparence, concertation et anticipation”, pour ne pas reproduire les erreurs du mois de juillet. Et c’est ce qui fait défaut en ce moment. Pour les élections, il est de notre responsabilité de nous adapter à la situation. Je ne partage pas l’idée selon laquelle on ne pourrait pas faire campagne. Pour le jour du vote en revanche, c’est du ressort du préfet et du maire. Mais les régionales doivent pouvoir se tenir dans les mêmes conditions que le deuxième tour des municipales.

Si la stratégie vaccinale n’était pas la bonne, dont acte. Le gouvernement peut se planter.Julien Bayou, secrétaire national d'EELV

Comment jugez-vous la campagne de vaccination du gouvernement, y compris en Île-de-France, où des élus s’élèvent face au manque de doses?

Je ne veux pas rajouter de la crise à la crise, mais je comprends les élus locaux qui montent au créneau, car la population qui attend les vaccins se tourne vers ceux qu’elle connaît. Qu’il y ait un problème d’approvisionnement de doses, eh bien disons les choses! Je ne comprends pas pourquoi ce serait compliqué de dire que la situation est mondialement difficile et qu’il est très complexe de vacciner toute une population en peu de temps. Il faut faire la transparence, car tout le reste ne peut mener qu’à l’angoisse, à l’excitation et au complotisme. Si la stratégie vaccinale n’était pas la bonne, dont acte. Le gouvernement peut se planter. Nous ne nous délectons pas de chaque couac comme le font Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan, mais ça fait bientôt un an qu’on est dans cette situation, on a besoin de construire des solutions avec les élus.

Vous promettez un “virage complet pour la santé” en Île-de-France. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire?

La situation dans laquelle on est vient du fait que l’on considère la santé comme une marchandise. Et malgré ce qu’avait promis Macron avec son discours sur les “jours heureux”, cette logique perdure. À l’image du projet d’hôpital Paris Nord qui, avec la fermeture de Bichat, entraîne la suppression de 600 lits et 1000 soignants. Et en Essonne, l’hôpital de Juvisy, celui de Longjumeau et celui d’Orsay vont fermer pour être regroupés à Saclay, en supprimant 300 lits et en éloignant le service public hospitalier. Un président de région peut s’opposer à ça. Ce que ne fait pas Valérie Pécresse. Au contraire, elle l’accompagne en tant que présidente de l’établissement public d’aménagement Paris Saclay.

Plusieurs leviers existent pour s’opposer à cette logique (aménagement du territoire, formation du personnel paramédical, accès à la santé etc.), donc un président de région peut agir. Et plutôt que des hôpitaux soumis à la tarification à l’acte, nous proposerons des centres de santé avec des médecins salariés qui ne seront pas soumis à ce système. On veut faire de la santé un indicateur de réussite des politiques publiques, comme le propose l’économiste Eloi Laurent.

Combien comptez-vous remporter de régions? À partir de quel score diriez-vous que vos objectifs ont été atteints?

Je pense qu’on peut en gagner une ou plusieurs, et c’est la première fois dans l’histoire de l’écologie. Dans beaucoup de régions, il y a une demande d’alternative et je crois que l’écologie peut rassembler à gauche, et même au-delà. La critérisation des aides que nous proposons par exemple, c’est très fédérateur. Le bon sens: demander des contreparties à des financements publics. Xavier Bertrand a donné 600.000 euros à Bridgestone sans contrepartie, et après il vient pleurer parce qu’ils licencient. Nous, on veut faire l’inverse. Quand on a sondé l’opinion sur cette mesure, le soutien a été massif. Je dis donc que l’écologie peut rassembler deux Français sur trois.

Je ne mets pas tous les socialistes dans le même sacJulien Bayou, secrétaire national d'EELV

Deux sondages récents vous donnent derrière le RN en Île-de-France et placent Audrey Pulvar en meilleure position. Un autre vous donne au coude à coude avec la candidate socialiste. Ne fallait-il pas s’allier dès le premier tour pour peser davantage?

C’est compliqué de commenter ces sondages, d’autant que deux d’entre eux ne prenaient pas en compte le rassemblement avec Génération.s, Génération Ecologie, Cap 21, etc. Par ailleurs, les sondages à six mois des européennes nous mettaient beaucoup plus bas, donc si ça suit la même courbe, c’est encourageant. Le plus important, c’est d’être sur le podium et d’être en mesure de rassembler autour de l’écologie.

C’est peu dire que ces derniers mois ont été marqués par des tensions entre écologistes et socialistes, notamment à Paris. Ces frictions sont-elles un frein à l’union, que ce soit pour les régionales ou la présidentielle?

J’ai réagi parce qu’Anne Hidalgo nous a insultés. Elle avait parfaitement connaissance de ce qu’il s’est passé quand, à cause d’un bug technique, les élus écolos ont été accusés de s’être abstenus sur un vote pour un lieu en mémoire de Samuel Paty. Une fois le bug connu, tous les élus de droite ont retiré leurs tweets accusateurs, ne voulant pas diffuser de fake news. Anne Hidalgo s’y est au contraire employée pour taper sur ses partenaires, sur fond d’ambitions présidentielles à peine déguisées. Ce n’est pas acceptable. C’est se tromper d’échéances et les ambitions présidentielles ne peuvent tout autoriser. Après, je ne mets pas tous les socialistes dans le même sac.

Récemment, c’est le projet d’un HLM dans le 16e arrondissement qui a divisé écologistes et élus de gauche à la mairie de Paris. Vous qui avez commencé le militantisme sur le thème du logement, partagez-vous la position des élus EELV, qui se sont félicités de son rejet par le tribunal administratif au nom de la lutte contre la densification (alors que l’arrondissement est justement le moins dense de Paris)?

Nous sommes pour le logement social, a fortiori dans les quartiers du 16e qui en manque. Là, le dossier est tombé parce que le projet était, semble-t-il, mal conçu et contraire au Plan local d’urbanisme. C’est une erreur humaine, et si le projet revient en étant conforme, il ne sera pas retoqué par le tribunal. Là encore, il ne faut pas instrumentaliser les choses. Nous ne sommes pour rien dans le gadin que s’est pris la mairie devant le tribunal. On constate que le projet a été retoqué parce qu’il densifie un îlot, et l’on peut construire du logement social autrement. On peut également produire du logement social en diffus ou en transformant les bureaux aujourd’hui superflus. 

J’ai beaucoup de respect pour Jean-Luc, mais il a le chic pour dire tout et son contraireJulien Bayou, secrétaire national d'EELV

Les élus EELV aux municipales sont assez absents du débat public après avoir focalisé l’attention dans les semaines qui ont suivi le scrutin. Est-ce une volonté? Ne le déplorez-vous pas alors que la situation climatique est préoccupante?

Ils bossent! Et pour ce qui est des critiques, c’est de l’écume et ce n’est pas nouveau. Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu en 2014 avec Éric Piolle… Jacques Séguéla était même monté au créneau après la décision sur la réduction de la publicité, en disant que ce maire était dangereux. Résultat, c’est l’un des sortants de gauche les mieux réélus cette année et Grenoble a été désignée capitale européenne pour le climat. L’important, c’est ce qui se passe sur le terrain. À Lyon ou à Bordeaux par exemple, c’est le retour en régie publique pour l’eau. C’est bon pour la planète, c’est bon pour le porte-monnaie, c’est concret, c’est écolo.

Dans nos colonnes, Jean-Luc Mélenchon a annoncé qu’il souhaitait mettre son programme “en débat” avec les autres formations de gauche. Cette initiative vous intéresse-t-elle?

(Il réfléchit plusieurs secondes) Oui… J’ai beaucoup de respect pour Jean-Luc, mais il a le chic pour dire tout et son contraire. Il fait partie de ces personnes qui disent ne pas faire de leur personne un préalable, mais en fait si. Comme quand il avait appelé à faire une fédération populaire (dont on n’a jamais reçu le courrier par ailleurs) à trois semaines des élections, quand les listes étaient déposées… Mais je note, c’est gentil. C’est un concept en tout cas de mettre son projet en débat une fois qu’on a déclaré sa candidature.

Pour 2022, vous êtes favorable à une primaire, à laquelle pourront participer les partis du “pôle écologiste”. Cela signifie-t-il que le PS et la France insoumise en sont d’emblée exclus?

Oui. C’est la primaire de l’écologie. Et ce n’est pas une question de “melon”, on est le seul parti dans l’histoire de la Ve République à avoir retiré son candidat parce que ses idées avaient triomphé chez le voisin -ça nous a coûté cher d’ailleurs- (en 2017, NDLR). Aujourd’hui, je crois que le rassemblement se fera autour de l’écologie. Un récent sondage donne Marine Le Pen très haut, et Emmanuel Macron est un de ceux par qui elle peut arriver au pouvoir. Je pense qu’un social-démocrate ne nous prémunit pas de ce danger, car il faut pouvoir offrir un avenir heureux au pays et qu’il n’y a que l’écologie qui pourra rassembler largement.

Croyez-vous en la possibilité de voir un candidat unique à gauche en 2022 au premier? 

Unique à gauche je ne sais pas. Mais un candidat écologiste qui rassemble la gauche, oui.

Le gouvernement n’investit pas dans sa jeunesseJulien Bayou, secrétaire national d'EELV

Alors que le projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne sera bientôt examiné, on voit déjà que des arbitrages semblent pris, comme sur le délit d’écocide par exemple. Que vous inspirent ces premiers signaux?

C’est une gigantesque arnaque. Emmanuel Macron joue à gagner du temps sur le seul sujet sur lequel on ne peut rigoureusement pas négocier un délai : la lutte contre le dérèglement climatique. Il avait fait la même arnaque avec le grand débat au moment des gilets jaunes. J’ai de la peine pour les 150 citoyens qui ont consacré énormément de temps à ces travaux. Et pour quel résultat? Sur la pub, c’est foutu. Sur la limitation des avions, c’est foutu. La taxe kérosène, c’est foutu. Les pesticides, c’est foutu, et on a réintroduit les néonicotinoïdes. Le crime d’écocide n’est finalement pas un crime, et ce sera une usine à gaz qu’on ne pourra pas actionner. Dans la situation où nous sommes, même les petits pas sont des reculs.

Vous n’avez toujours pas dit si vous comptiez faire campagne pour le “oui” pour le référendum visant à inscrire la lutte contre le changement climatique dans la Constitution. Votre position est-elle aujourd’hui arrêtée?

Je comprends les cyniques qui disent: “il y a l’incendie et vous nous proposez de revoir le règlement intérieur au lieu de sortir l’extincteur”. Mais puisqu’on a porté longtemps ce débat, je me réjouis de cette victoire culturelle. Mais la question, c’est quel mot. Les mots sont importants en particulier dans la Constitution. Je ne peux pas me prononcer tant que la formulation n’est pas connue, d’autant qu’il y a peu de chances que ce référendum se fasse vraiment. L’enjeu c’est d’agir enfin, maintenant. 

Ces dernières semaines, la situation alarmante des étudiants a fait l’objet de nombreux commentaires, auxquels le président a répondu par des annonces. Trouvez-vous que ces réponses sont adaptées?

Non, c’est trop peu et trop tard. Nos bourses n’amènent pas au-dessus du seuil de pauvreté et les classes moyennes sont vite démunies. Le gouvernement n’investit pas dans sa jeunesse. Pour rouvrir une fac, il faut un protocole sanitaire, et pour le mettre en oeuvre, il faut des agents et donc en recruter… Les 150 euros en décembre et les repas à un euro ne peuvent pas suffire. Et quand on entend la solution du prêt à 10.000 euros, on se dit que chez LREM ce sont vraiment des marchands. L’enjeu c’est d’aider les étudiants, pas les banques! Ça me fait penser à Agnès Pannier-Runacher qui disait que la crise était un bon moment pour boursicoter. Comme le refus du RSA pour les moins de 25 ans, c’est indéfendable. Les propos de Bruno Le Maire à ce sujet sont tout simplement honteux, surtout venant de quelqu’un qui a eu la chance d’être rémunéré pendant ses études par les écoles qu’il fréquentait...

Le secteur de la culture est également en très grande difficulté depuis de longs mois. Pensez-vous que le gouvernement a pris les bonnes décisions, que ce soit sur les cinémas, le théâtre ou les concerts?

C’est difficile, parce que la santé doit primer. La difficulté pour la culture, c’est qu’on leur a donné une date et que de nombreux établissements se sont adaptés. En vain. On leur a finalement dit qu’ils ne rouvraient pas. La véritable erreur a aussi été de parler de bien non-essentiels, la culture c’est essentiel. Mais quand ils ont fait l’effort de s’adapter avec un protocole sanitaire, je pense qu’on peut rouvrir.

Certains plaident pour un confinement ciblé, visant notamment les personnes fragiles, qu’en pensez-vous?
Toutes mesures qui mènent à de la discrimination, j’y suis opposé. Pour des raisons politiques et éthiques. Et je suis d’ailleurs opposé au passeport vaccinal pour les mêmes raisons.

Que lit Julien Bayou en ce moment?

J’ai mentionné les travaux d’Eloi Laurent et son livre “Et la santé guidait le monde”. Si j’ai un livre à recommander, ce serait celui de Sarah Durieux, la directrice de Change.org, “Changer le monde. Manuel d’activisme pour reprendre le pouvoir”. C’est fascinant de voir comment faire collectif autour d’une cause peut changer la donne, et Sarah le raconte bien. Dans ces temps sombres, c’est quand même intéressant. 

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